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Les cahiers du Capitaine Coignet. Jean-Roch Coignet
Читать онлайн.Название Les cahiers du Capitaine Coignet
Год выпуска 0
isbn 4064066081782
Автор произведения Jean-Roch Coignet
Жанр Документальная литература
Издательство Bookwire
Ces messieurs arrivent à midi pour voir atteler. Tout était prêt; on voit en suivant la liste. «Prenez le char à bancs et la calèche, ça ira plus vite. Amenez par ordre quatre par quatre.»
Les voilà attelés, moi conduisant le char à bancs, et le piqueur, la berline: «Faites un tour devant la maison pour que nous puissions voir.—Ils sont très beaux, disent ces messieurs. Sont-ils tous dressés comme ces quatre-là?—Oui, messieurs! répond M. Potier. Si ces messieurs désiraient voir un beau cheval? C'est une folie que j'ai faite à Reims.—Voyons-le.—Jean, allez le chercher!»
Il était tout prêt; je le présente devant ces messieurs: «Oh! s'écrient-ils, qu'il est beau! faites-le monter!»
Je dis au piqueur: «Prenez-moi le pied pour l'enjamber, il est trop haut.» Lorsque je fus sur ce fier animal, je le fais marcher au pas, au trot, et je le présente. «C'est bien, dit le maître au laquais, montez-le, que je le voie mieux.»
Le jeune homme était plus leste que moi. Comme il le manœuvrait! «Ramenez-le! en voilà assez.» Le piqueur le présente devant son maître, le chapeau bas. «Monsieur, dit-il, les mouvements sont très doux.—J'ai trouvé sa place, dit le pair de France. Il conviendra au président de l'Assemblée, mettez-le en tête de vos comptes, tous vos chevaux sont acceptés. Vous recevrez mes ordres du départ pour Paris; vous les accompagnerez, et ce jeune garçon viendra pour les conduire. S'il veut rester à mon service, je le prendrai.—Je vous remercie, monsieur, je ne quitte pas mon maître.—C'est bien! je vous donnerai votre pourboire.»
Ils montèrent en voiture et saluèrent tous monsieur et madame. «À six heures, dit le sous-préfet, sans manquer!»
Mon maître dit: «Que la voiture soit prête à cinq heures! Jean, faites votre toilette, vous nous conduirez.»
Mon maître et madame furent reçus avec affabilité par tous ces messieurs. Toutes les autorités étaient au dîner, et le couvert de ma maîtresse était auprès de monseigneur. La soirée finit à minuit, et le lendemain ils partirent pour Paris. M. Potier reçut l'ordre de partir le vendredi pour arriver le dimanche à l'École militaire où ils se trouveraient, à midi précis, pour recevoir ses chevaux. Mon maître fait prévenir M. Huzé que tous les chevaux étaient vendus. «Ça n'est pas possible», disait-il.
Nous partons le lendemain à six heures avec quatre-vingt-treize chevaux, et une voiture de son pour la route; je menais le beau cheval en main tout seul. Nous arrivons à dix heures à l'École militaire, où nous trouvons tout prêt; il y avait un aide de camp et des écuyers. On distribue le son de suite, et on fait le pansement; les pieds des chevaux furent bien noircis. À midi tout était prêt.
L'aide de camp fait manger tout le monde et met les domestiques de garde. M. Huzé va déjeuner avec l'aide de camp, et mon maître part pour prévenir ces gros messieurs que ses chevaux étaient prêts. À deux heures précises, tous les gros ventres descendent de voiture et vont visiter les chevaux, les font sortir appareillés par quatre. «Voilà de beaux chevaux, dit le président, vous pouvez renouveler vos équipages. Et celui dont vous m'avez parlé, faites-le sortir.»
Je le présente à l'aide de camp, qui monte ce fier animal, qui le manœuvre et le présente. On dit: «C'est un beau cheval; faites-le rentrer.»
L'aide de camp se retire avec M. Potier et M. Huzé pour nous faire dîner, et il arrive un homme par quatre chevaux pour les panser. Ces messieurs réformèrent vingt chevaux de leurs écuries, que mon maître prit, au prix de l'estimation par des marchands de chevaux. Après cette brillante affaire, il me renvoie avec les beaux chevaux de carrosse de ces messieurs. MM. Potier et Huzé restèrent huit jours à Paris pour régler leur compte. Ils furent invités chez le gros pair de France qui avait été reçu à Coulommiers. Pour mettre d'accord ces messieurs sur le choix des attelages des chevaux neufs, il fut décidé qu'ils seraient tirés au sort par quatre et que chacun donnerait son pourboire pour les domestiques.
Ces messieurs furent si contents de la loyauté de mon maître que le président en fit part au ministre de la guerre. Celui-ci fit appeler M. Potier pour lui proposer une commande de deux cents chevaux pour le train d'artillerie: «Voilà le prix et les tailles. À quelle époque pouvez-vous les fournir?—Monsieur, je peux les livrer dans deux mois.—Je vous fais observer que l'on est sévère pour les recevoir; les chevaux qui ne sont pas reçus sont pour votre compte.—C'est juste, vous m'en donnerez avis.—Ils seront reçus à l'École militaire. Vous savez l'âge: quatre à cinq ans, et point de chevaux entiers. Pouvez-vous faire les avances?—Oui, monsieur.—D'où les tirez-vous?—De Normandie et du Bas-Rhin.—Ah! c'est cela; c'est de bonne race.»
M. Potier arrive à Coulommiers enchanté, et trouve ses vingt chevaux dans le meilleur état possible: «Ils ne sont pas reconnaissables; il faut les mener à la foire de Nangis; nous pourrons les vendre. Ils sont pour rien, on peut gagner moitié dessus. Tenez-les prêts pour demain et en route à six heures; ça presse, il faut partir pour la Normandie, j'ai un marché de passé avec le ministre de la guerre.»
La foire de Nangis était si bonne que les chevaux furent vendus. M. Potier dit: «J'ai doublé mon prix.» Quatre jours après il partit pour Caen en Normandie, où il trouva une partie de son emplette; il les envoie à la maison, et nous partons pour Colmar, où il fit de bonnes affaires qu'il finit à Strasbourg complètement. M. Huzé fut chargé de ramener tous les chevaux. Mon maître part pour Paris et rend compte au ministre que dans quinze jours ses chevaux seraient arrivés. «Eh bien! dit le ministre, faites-les diriger sur Paris, vous épargnerez de grands frais. Donnez de suite vos ordres pour qu'ils arrivent; vous avez mis beaucoup d'exactitude. Vous me donnerez avis, ne perdez pas de temps!»
M. Potier prend la diligence, fait diriger les deux cents chevaux sur Paris, en écrivant à son épouse de me faire partir pour Saint-Denis avec une voiture de son, ses chevaux devant rester quatre jours pour se rafraîchir. J'eus le bonheur d'arriver à Saint-Denis le premier, et tout fut prêt; les quatre jours furent suffisants pour re-ferrer tous les chevaux, et arriver à l'École militaire comme si nos chevaux sortaient d'une boîte, tant ils étaient frais. La voiture de son fut bien payée: tous les chevaux furent reçus. Devant les officiers d'artillerie, des inspecteurs, un général, on fut quatre heures à faire trotter, mais le pourboire fut nul pour moi. Je fus bien désappointé de ce contre-temps. Monsieur me dit: «Vous ne perdrez rien, je vous ferai cadeau d'une montre.» Aussi il m'en donna une belle, et deux cents francs pour les chevaux des représentants et deux louis pour le beau cheval. Quel bonheur pour moi! En arrivant, je donne tout mon argent à madame, et le dimanche suivant elle me fit cadeau de six cravates. Monsieur dit: «Mes deux voyages me valent trente mille francs.» Il avait de plus placé cinq cents sacs de farine.
Nous reprîmes nos travaux habituels. Je devins fort et intelligent. Je montais les chevaux les plus fougueux, je les rendais dociles. Je repris aussi la charrue; je fis présent à mon maître laboureur d'une blouse bien brodée au collet; il était content. À seize ans, je portais un sac comme un homme; à dix-huit ans, je portais le sac de trois cent vingt-cinq; je ne rebutais à rien; mais l'état de domestique commençait à devenir pour moi un fardeau pesant. Ma tête se portait vers l'état militaire; je voyais souvent de beaux militaires avec de grands sabres et de beaux plumets; ma petite tête travaillait toute la nuit. Enfin je finis par me le reprocher, moi qui étais si heureux! Ces militaires m'avaient tourné la tête, je les maudissais; l'amour du travail avait repris ses droits, et je n'y pensais plus.
Les fermiers arrivaient de toutes parts pour livrer les blés vendus à M.
Potier. Chaque fermier avait un échantillon de son blé à la maison.
«Jean, disait mon maître, allez chercher dix sacs.» Que de sacs de mille
francs sortaient de son cabinet! Cela dura jusqu'à Noël.
Je finis une grosse pile de cent sacs dans deux mois. Puis, monsieur dit à son épouse: «Fais tes invitations pour aujourd'hui en huit. Je pars pour Paris. Je prends le cabriolet; nous irons voir nos enfants,