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La Suisse entre quatre grandes puissances. Dimitry Queloz
Читать онлайн.Название La Suisse entre quatre grandes puissances
Год выпуска 0
isbn 9783039197989
Автор произведения Dimitry Queloz
Жанр Документальная литература
Серия Der Schweizerische Generalstab
Издательство Bookwire
Les périodes entre deux révisions de l’ordonnance sur la mobilisation n’étaient pas exemptes de changements importants. Le plus significatif fut sans doute la tendance à la décentralisation de la mobilisation qui commença à partir de 1893, au lendemain de la création des corps d’armée.161 Cette décentralisation se fit petit à petit, au rythme de la construction de nouveaux arsenaux, situés en dehors des chefs-lieux ou autres villes, où fut entreposé le matériel de guerre de certaines formations, qui virent ainsi leur lieu de mobilisation changer. En 1894, par exemple, le matériel des bataillons d’infanterie et du régiment d’artillerie de l’Oberland bernois fut décentralisé de Berne à Thoune, celui du 4e Escadron de cavalerie d’élite le fut de Morges à Moudon et celui de diverses formations zurichoises de Zurich à Winterthour.162 Un deuxième axe de décentralisation apparut en 1898, avec la création des places d’organisation. Désormais, l’organisation des unités et la mobilisation se déroulaient sur deux lieux différents, mais situés près l’un de l’autre. La première opération, comprenant l’appel des hommes selon le contrôle de corps, la visite sanitaire, la formation des sections, la distribution de l’équipement et la réception des chevaux, s’effectuait sur les places d’organisation et la seconde, durant laquelle on procédait à la lecture des articles de guerre, à la remise des drapeaux et à la prestation du serment, sur les places de rassemblement de corps.
A partir de 1900, le chef de l’Etat-major général pouvait considérer que le système de mobilisation était au point. Il avait donc fallu deux ans pour l’adapter aux derniers grands changements d’organisation de l’armée. En 1902, satisfait de son travail, il constatait: «Il se pourrait bien que, de façon toute générale, nous ayons actuellement réalisé tout ce qui pouvait l’être en fonction de l’organisation militaire en vigueur, et ce sans avoir mis pratiquement à l’épreuve les préparatifs effectués.»163
En 1906, le nouveau chef de l’Etat-major général, Theophil Sprecher von Bernegg, ne partageait pas du tout l’optimisme et la satisfaction de son prédécesseur, estimant qu’il était urgent de réviser l’ordonnance sur la mobilisation de l’armée. Il considérait qu’il était impossible d’attendre l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation militaire en cours de préparation. Il mit donc au point une nouvelle ordonnance sur la mobilisation de guerre, mieux conçue et plus claire que l’ordonnance antérieure. Elle marquait également un renforcement des pouvoirs de la Confédération au détriment des cantons. Ceux-ci ne nommaient désormais plus les commandants de place qui étaient désignés par le Département militaire fédéral. Les nouvelles prescriptions apportaient aussi divers progrès, comme une plus grande rapidité dans la mobilisation – le premier jour de la mobilisation pouvait être fixé au lendemain de la date de décision du Conseil fédéral – ou l’emploi du livret de service en tant que titre de transport. Enfin, elles tenaient compte des développements techniques: pour la première fois, les véhicules à moteur étaient intégrés dans les mesures de réquisition.
2.1.2. Les relations avec les cantons
Pour la mobilisation, les cantons constituaient les principaux partenaires de l’Etat-major général.164 Ils jouaient en effet un rôle déterminant dans le système prévu par l’ordonnance du 18 novembre 1884165 sur la mobilisation et celle du 8 mars 1887 sur le Service territorial, le Service des étapes et l’exploitation des chemins de fer.166 Outre la transmission des ordres de mobilisation aux troupes relevant de leurs compétences, les cantons avaient la responsabilité d’organiser les places de rassemblement de corps et la distribution du matériel aux troupes, ainsi que de contrôler les travaux que les communes devaient effectuer, notamment en ce qui concernait la question fondamentale de la réquisition des chevaux et des voitures. Du fait de leur souveraineté et de leurs prérogatives en matière militaire, chacun d’entre eux représentait un acteur particulier. Dès lors, le nombre de ces acteurs, vingt-cinq au total, était jugé trop nombreux.167 Keller souhaitait une centralisation de l’administration militaire, avec une attribution de la majeure partie des compétences cantonales aux arrondissements de division. Il voyait dans cette réforme le moyen de disposer d’une administration plus compétente et efficace et de réduire à huit le nombre des partenaires directs de l’Etat-major général.
La souveraineté et l’autonomie cantonales posaient encore d’autres difficultés. Tout d’abord, les cantons ne voyaient pas toujours d’un bon œil les interventions du Département militaire fédéral. Les quelques exemples cités par Arnold Linder montrent bien que les communes et les cantons étaient jaloux de leurs prérogatives et qu’il existait une certaine inertie de la part de ces derniers dans l’exécution des directives fédérales. Ainsi, le canton de Vaud voyait une atteinte à sa souveraineté, lorsque le Département militaire fédérale lui demandait comment le chef du Département militaire cantonal pourrait, en cas de mobilisation, continuer à diriger son Département tout en se rendant à Morges durant quatre jours pour assurer ses fonctions de commandant de place. De son côté, Neuchâtel avait la fâcheuse habitude de ranger les documents en provenance de Berne dans un carton spécial. C’est ainsi qu’au cours d’un contrôle des préparatifs cantonaux de mobilisation, un officier de l’Etat-major général ne trouva que des documents totalement périmés. Après réflexion d’un des secrétaires de l’administration neuchâteloise, les formulaires valables furent finalement retrouvés, non remplis, dans le carton en question.
Les cantons n’avaient pas toujours les moyens nécessaires pour réaliser jusque dans leurs moindres détails les tâches dont ils étaient responsables. Keller jugeaient que les administrations cantonales étaient généralement trop réduites pour mettre en place les organisations nécessaires et tenir à jour les dossiers. Il ne voyait guère que deux cantons, Berne et Vaud, qui avaient été capables d’y parvenir. Le chef de l’Etat-major général émettait donc de sérieux doutes sur la qualité de la préparation cantonale en matière de mobilisation générale. Il citait l’exemple du canton de Zurich qui n’avait rien prévu pour prévenir les communes. En 1889, au moment des troubles au Tessin, la transmission de la mise sur pied des troupes nécessita l’envoi d’un télégramme à chaque commune, soit deux cents en tout. Cette seule opération demanda plus d’une demi-journée! L’organisation des places demandait également que les cantons s’occupent de nombreux détails et améliorent les infrastructures de leurs arsenaux et dépôts. En 1901 par exemple, les arsenaux de Zurich, Winterthour, Berne, Glaris et Coire ne disposait pas d’un éclairage suffisant. Le matériel de corps n’aurait pu être distribué aux troupes que durant la journée! Pour remédier aux insuffisances des cantons, Keller n’hésita pas à compléter, de sa propre initiative, les mesures prises par ces derniers s’il jugeait que cela s’avérait indispensable. Au début des années 1890, il fit réaliser des affiches de mise sur pied pour les différents états-majors et les corps de troupes, ainsi que pour les chevaux et les voitures.168 Ces affiches étaient conservées de manière centralisée, prêtes à être complétées, puis placardées dans les lieux publics.
Par ailleurs, le système de mobilisation posait de nombreux problèmes dus à la centralisation qui impliquait une très bonne organisation, dès le temps de paix, pour les grandes places de mobilisation où de nombreuses troupes devaient venir s’équiper. Une pareille concentration posait des problèmes, non seulement de stockage des matériels et des équipements pour les troupes, mais, aussi, de transport, de logement et de ravitaillement, des difficultés logistiques qui ne furent réglées que petit à petit. En 1904, tout n’était pas encore terminé. Ainsi à Brigue, il n’y avait aucune disposition pour assurer le ravitaillement des troupes qui mobiliseraient dans cette commune. Aucun fournisseur n’avait