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vite compte que cette manière de faire manquerait d’efficacité et qu’elle ne garantirait pas le maintien du secret. Aussi l’abandonna-t-on au profit d’une procédure de sélection plus discrète et sélective.

      C’est toutefois la manière de rétribuer les agents qui révèle vraiment la pauvreté des moyens à disposition de l’Etat-major général. Nous avons déjà vu que, pour des raisons financières, on renonça à employer les services d’espions. En ce qui concerne les agents, les moyens de rémunération étaient aussi limités. En dehors du remboursement des frais, il était envisagé de les exonérer, partiellement ou totalement, de la taxe militaire qu’ils devraient payer du fait de leur séjour à l’étranger!

      Il est difficile d’estimer dans quelle mesure l’Etat-major général parvint à mettre en place les réseaux prévus d’agents à l’étranger. Une chose est sûre, ils manquèrent d’efficacité, notamment pour le front sud. Dès 1893, le Département militaire fédéral dut se tourner vers le Département politique pour lui demander si la Légation suisse à Rome pouvait fournir des renseignements sur l’armée italienne.128 Elle se montra tout à fait disposée à entamer une collaboration avec l’Etat-major général et proposa de lui fournir les différents textes législatifs et leurs projets, les catalogues des publications militaires et les principaux ouvrages publiés, ainsi que les diverses informations fournies par le ministère de la Guerre. Le mémoire de Keller de 1901 souligna par ailleurs que nombre de réalisations prévues n’avaient pas été menées à terme et que le service des agents fonctionnait très mal.129 Pour remédier aux défaillances du réseau chargé du front sud, un service plus important fut mis en place à partir de 1905.130

CHAP. II: Les plans de mobilisation de l’armée 1. De 1874 à 1890

      Entre la chute de l’ancienne Confédération et le début de l’Etat fédéral, la mobilisation de l’armée suisse se faisait sans réelle préparation commune entre les différents cantons chargés de la mise sur pied de leurs contingents.131 Les levées de troupes se faisaient avec beaucoup d’improvisation, étaient mal coordonnées et connaissaient des retards dans leur exécution. Peu de choses étaient planifiées en matière d’organisation générale et de structures, de commandement et de stocks de matériels ou de ravitaillement.

      A partir de 1848, avec la mise en place des institutions militaires de l’Etat fédéral, une plus grande attention fut portée aux questions de mobilisation. La législation confia au Département militaire fédéral la mission de préparer des plans de mise sur pied et de concentration des troupes. Elle réglementa également les effectifs des contingents à fournir par les cantons en hommes, chevaux et matériels de guerre. Le personnel à disposition du Département militaire fédéral ne lui permettait toutefois pas d’accomplir les travaux qui lui étaient confiés avec toute la rigueur et le suivi nécessaires.

      Après la création du poste d’adjoint du Département militaire et instructeur en chef de l’infanterie en 1857, celui-ci fut chargé, dès 1863, de «la mise en œuvre et la préparation de tout ce qui peut être utile et nécessaire lors d’une mobilisation de l’armée et de la prise d’un dispositif, soit notamment le fractionnement de ladite armée, l’adoption de plans de défense en fonction des diverses menaces aux frontières, la préparation d’instructions appropriées en fonction des diverses éventualités possibles, la formulation de propositions pour la prise en compte et la conduite de tous les travaux qui, d’une manière générale, se rapportent, lors d’une éventuelle mobilisation de l’armée, à l’ordonnancement, au rassemblement et à la fourniture en quantité suffisante des moyens, dans la mesure où lesdits moyens ne sont pas du ressort des chefs d’arme ou des administrations; il est aussi responsable de veiller à l’unification des susdits moyens, lorsque les divers chefs d’arme et les administrations sont compétents pour leur gestion».132

      En 1865, les tâches liées à la mobilisation et à la concentration furent reprises dans l’instruction pour le chef du Bureau d’état-major, institution qui venait d’être créée. Les compétences de ce dernier et celles de l’instructeur en chef de l’infanterie n’étaient toutefois pas clairement délimitées. De plus, les moyens manquaient toujours et l’organisation militaire de 1850 comportait de nombreux défauts dont les autorités étaient conscientes. La fin des années 1860 et le début des années 1870 furent marqués par deux projets de réorganisation militaire de grande ampleur: le projet Welti de 1868 et le projet de Constitution fédérale de 1872. Par ailleurs, les expériences des mobilisations de 1870–1871 montrèrent de manière exemplaire les énormes carences du système militaire, confirmant les idées de Welti qui avait toujours considéré la mobilisation comme une des plus importantes tâches de la préparation de l’armée à la guerre.133 En octobre 1871, celui-ci, soucieux de trouver un remède à la situation, ordonna la mise en place d’une planification de la mobilisation. Ce fut à nouveau l’instructeur en chef de l’infanterie, le colonel Gustav Hofstetter, qui reçut cette mission. En raison de l’ampleur de la tâche, il ne put la réaliser, d’autant qu’il était déjà très absorbé par sa fonction. Il mourut le 9 février 1874, sans avoir pu mener à bien la mission confiée par Welti.

      La loi sur l’organisation militaire du 13 novembre 1874 conserva l’ambiguïté en matière de compétences entre le Bureau d’état-major et le chef d’arme de l’infanterie à propos de la mobilisation de l’armée.134 D’une part, le chef de l’infanterie, par l’article 248 de la loi sur l’organisation militaire, était tenu «de surveiller les affaires […] du Département et de présenter à leur sujet des rapports et des propositions [en ce qui concernait les] dispositions générales concernant la mise sur pied, le rassemblement et l’équipement des corps de troupes, ainsi que toutes les mesures à prendre au sujet de l’armée dans son ensemble».135 D’autre part, l’article 75 de la loi confiait la direction et la surveillance des préparatifs de la mobilisation et de la concentration au Bureau d’état-major: «Le bureau d’état-major dirige et surveille, avec l’aide du nombre nécessaire d’officiers de l’état-major général, tous les travaux préparatoires pour la mise sur pied et le mouvement de l’armée. Il réunit et utilise les collections et les travaux scientifiques sur l’armée nationale et les armées étrangères.»136

      Ce problème de compétences avait été évoqué par le colonel Paravicini, ancien chef de l’Etat-major de l’armée, au moment des débats tenus dans les différents milieux militaires suisses avant l’acceptation de la loi.137 Pour remédier au problème, il avait préconisé, dans son commentaire du projet de loi publié dans la Revue militaire suisse, de donner au Bureau d’état-major toutes les compétences en matière de préparatifs de mobilisation de l’armée. Il ne fut cependant pas écouté et les difficultés de collaboration entre le chef du Bureau d’état-major et celui de l’infanterie apparurent très vite au grand jour. Le conflit entre les deux institutions fut soumis à l’arbitrage en 1877. La situation fut clarifiée après que le chef de l’Etat-major général eut reçu la responsabilité des projets de mobilisation et la conduite des activités de déploiement de l’armée jusqu’au moment de la désignation d’un général.

      Après l’acceptation de la nouvelle loi sur l’organisation militaire de 1874, Siegfried se mit rapidement au travail.138 Dans son règlement d’organisation du Bureau d’état-major de février 1875, il confia la réalisation des préparatifs de mobilisation à la Section tactique. En décembre

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