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permettrait de rassembler rapidement les hommes mis sur pied, elle nécessiterait en revanche beaucoup plus de temps pour les équiper. Le matériel de guerre des corps de troupes était en effet stocké de manière centralisée, généralement dans les arsenaux situés dans les principales villes des cantons. Le plan de Siegfried impliquait de le transporter depuis les arsenaux cantonaux jusqu’aux places de rassemblement de corps. De tels transports nécessiteraient l’emploi des voitures et des chevaux de réquisition. Ils ne pourraient donc commencer avant que cette dernière opération ne soit terminée. La rapidité de la mise sur pied des hommes serait ainsi largement contrebalancée par la lenteur de leur équipement et l’armée ne serait, en fin de compte, pas mobilisée plus rapidement.

      Le système Hertenstein prenait le contrepied de celui de Siegfried. Hertenstein voulait mobiliser toutes les troupes de manière centralisée, dans les villes où se trouvaient les arsenaux des cantons. Ainsi, le grand défaut du plan Siegfried disparaissait. De plus, celui imaginé par Hertenstein s’appuyait sur l’infrastructure existante. Toutefois, il avait ses propres désavantages: la mise sur pied des hommes se ferait plus lentement et il n’y aurait plus la possibilité d’adopter d’emblée un dispositif tactique. Le plus important défaut était cependant le risque de voir la mobilisation massive de troupes dans les grandes villes des cantons conduire à une saturation des moyens de transport et des infrastructures de logement, sans parler des problèmes de ravitaillement. Par ailleurs, il existait des incertitudes quant à la rapidité de l’équipement des troupes et à l’efficacité du système de réquisition des chevaux. Enfin, il fallait compter avec une augmentation des déplacements des troupes.

      Comme pour la préparation du plan précédent, ce fut Arnold Keller qui réalisa les nouveaux documents.146 Même s’il y avait une rupture en ce qui concernait les principes sur lesquels devaient reposer la mobilisation, l’instruction de novembre 1878 continua à servir de document de base pour les nouveaux travaux. Celle-ci subit toutefois une refonte importante en 1880 déjà. De plus, on envisagea de lui donner un autre statut juridique en en faisant une ordonnance. Sous l’impulsion de Hertenstein, le texte fut retravaillé au cours des années 1882–1883. Keller reprit sa collaboration avec les instances communales, cantonales et fédérales. Les commandants de division, les chefs d’arme et de service furent consultés. Keller tint compte de leurs remarques et de celles en provenance du chef du Département militaire fédéral.

      Le 18 novembre 1884, le Conseil fédéral put promulguer l’ordonnance sur la mobilisation générale. Après sept années de travail et un changement d’orientation fondamental, Keller était enfin arrivé au bout de sa mission. La procédure de mobilisation suivait un système de cascade. La décision de mise sur pied, prise par le Conseil fédéral, était communiquée oralement aux chefs d’arme et de service et par télégramme aux gouvernements cantonaux et aux commandants des divisions. Les cantons étaient ensuite responsables de la transmission des ordres aux soldats et aux cadres des troupes fédérales et cantonales de l’armée. La liste des formations et des états-majors mis sur pied était publiée dans la Feuille fédérale et dans les principaux journaux suisses et étrangers. Elle devait également être affichée dans les gares et les bureaux de poste et des télégraphes. L’exécution de cette opération était facilitée par le stockage d’affiches sur lesquelles il suffisait d’inscrire les dernières indications relatives à l’entrée en service des troupes.

      La responsabilité des différentes activités de la mobilisation était répartie entre les instances fédérales, cantonales et communales. Les gouvernements cantonaux étaient compétents pour la mise sur pied et l’équipement de leurs troupes. Ils devaient organiser les places de rassemblement de corps près de leurs arsenaux et s’occuper du logement et du ravitaillement des troupes mobilisées. Par ailleurs, ils avaient aussi pour tâche de contrôler les préparatifs des communes. Celles-ci devaient mettre sur pied la réquisition des voitures et des chevaux et en assurer l’exécution. La mobilisation des chevaux et des voitures et l’équipement des formations avaient, comme dans le système précédent, une importance particulière. Arnold Linder souligne que 19 articles de l’ordonnance étaient consacrés à ces questions contre 17 seulement à la mise sur pied, à l’organisation et à l’équipement de la troupe. Les communes jouaient le rôle principal dans la procédure de réquisition. Chacune d’entre elles avait un quota de chevaux et de voitures à fournir en fonction de ses moyens. Elles recevaient également la liste des troupes à qui les chevaux et les voitures devaient être remis. Elles devaient les amener, avec leur propre personnel et sans utiliser les chemins de fer, jusqu’aux places d’estimation.

      Les opérations de mobilisation se déroulaient en plusieurs phases bien définies et réglées dans le temps. Le premier jour de la mobilisation commençait le surlendemain du jour de la décision du Conseil fédéral. La veille de ce premier jour, un dispositif de protection de la mobilisation était mis en place, assuré par les détachements de la police frontière qui avaient pour mission la surveillance de la frontière et des gares frontière. Ces détachements avaient également des missions de recherche de renseignements et de destruction d’ouvrages d’art et de voies de communication. Ils devaient enfin, le cas échéant, mener des actions de défense à partir de la frontière, en coopération éventuelle avec les hommes du landsturm.

      Les formations de l’élite entraient en service sur des places de rassemblement de corps. La responsabilité de la conduite des activités de la mobilisation sur ces places incombait au commandant de la place. Ce dernier était, le plus souvent, le chef du Département militaire du canton. Ces activités se déroulaient en trois phases durant lesquelles les troupes se déplaçaient relativement beaucoup, pour l’entrée en service, la réception du matériel de corps ou l’organisation des formations.147 L’équipement de l’infanterie et de la cavalerie devait être achevé dans la matinée du deuxième jour de mobilisation. Les formations qui devaient recevoir du matériel lourd, comme celles de l’artillerie ou du génie, disposaient d’un peu plus de temps. Une fois la mobilisation de l’élite terminée, les infrastructures étaient mises à disposition des troupes de la landwehr pour leurs propres opérations de mise sur pied.

      L’ordonnance du 18 novembre 1884 ne constituait qu’un premier pas législatif. Pour que le système de mobilisation soit totalement en place et concrétisé, les diverses instances concernées (Conseil fédéral, Département militaire fédéral, commandants de division, gouvernements cantonaux, Commissariat central des guerres, médecin et vétérinaire en chef, etc.) devaient encore émettre leurs directives d’exécution. De plus, Keller dut également mettre sur pied le Service territorial et organiser celui des transports par chemin de fer. Ces services, qui devaient s’occuper des questions de logistique, de transport et de liaison entre l’armée de campagne et l’intérieur du pays, étaient en effet indispensables pour concentrer cette dernière et la maintenir en état opérationnel.

      Ces différents services furent constitués par l’ordonnance sur le Service territorial, le Service des étapes et l’exploitation des chemins de fer en temps de guerre du 8 mars 1887.148 D’importantes lacunes étaient ainsi comblées. Jusqu’alors, l’armée suisse ne disposait en effet d’aucune organisation réelle, mise en place dès le temps de paix, correspondant à de tels services. Le Service territorial n’était pas mentionné dans la loi sur l’organisation militaire du 13 novembre 1874.149 De plus, les officiers qui devaient servir en tant que commandants ou membres d’un état-major n’étaient pas désignés. A la mobilisation, ils devaient être choisis par l’Etat-major général parmi les officiers disponibles. En ce qui concernait le Service des chemins de fer, un «Eisenbahnstab» avait été organisé dès 1874 au sein du Bureau d’état-major, avec un personnel comprenant 5 colonels, 11 lieutenants-colonels, 12 majors et 17 capitaines. Ils formèrent ultérieurement la Section des chemins de fer du

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