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de la situation internationale.

      

      Illustration 4: Arnold Keller, chef du Bureau d’état-major (1890–1905). Bibliothèque nationale.

      L’ère Keller s’avéra donc une période particulièrement importante pour l’Etat-major général et son développement. Cette période se caractérise à la fois par une très grande stabilité en matière de direction et par la compétence particulière de son chef et son expérience en matière de méthode et de travail d’état-major, acquises au cours des quinze années passées en tant que chef de section.97 Même si sa nomination suscita des oppositions et qu’il fut victime de détracteurs qui finirent par causer son départ en 1905, Keller resta à la tête de l’institution durant une quinzaine d’années. Cette durée, beaucoup plus longue que celles de ses prédécesseurs, évita toute rupture et lui permit de travailler dans la continuité, de développer et d’améliorer le travail déjà réalisé. De plus, Keller fut le premier chef de l’Etat-major général depuis Siegfried à ne pas avoir d’autres activités professionnelles importantes. La seule obligation qu’il eut en dehors de ses fonctions fut le commandement intérimaire de la 5e Division entre 1895 et 1898, ce qui est bien peu par rapport aux lourdes activités politique ou économique exercées par von Sinner et Pfyffer.

      Dès son entrée en fonction, Keller s’attela au développement et à la modernisation du Bureau d’état-major en tant qu’institution. Le début des années 1890 fut marqué par une série de réorganisations dont celle du 14 octobre 1890 fut, comme nous l’avons vu, fondamentale. Pour la première fois, un texte législatif émanant du Conseil fédéral officialisait l’organisation du Bureau d’état-major.98 Ce dernier comprenait désormais cinq sections et une Chancellerie, structure qui ne varia plus au cours de l’ère Keller. Celui-ci a également voulu poursuivre le développement d’un véritable service de renseignements, œuvre entamée dans les années précédentes.99 Dans ce domaine, Keller n’obtint qu’un succès très partiel, les obstacles culturels, financiers et institutionnels étant trop importants. Enfin, il a amélioré le statut du chef du Bureau d’état-major, de ses chefs de section et de son personnel.100

      Ses compétences et sa durée d’activité permirent à Keller de porter le développement des travaux de l’Etat-major général jusqu’à un degré de qualité encore jamais atteint jusqu’alors. Les préparatifs de mobilisation et de concentration de l’armée devinrent de plus en plus détaillés et réalistes.101 Ils furent également adaptés au fur et à mesure des modifications de l’organisation des troupes et des changements que l’on percevait dans la menace. Quant aux mémoires concernant les plans d’opération, Keller les réalisa avec beaucoup plus de méthode et de soin que ses prédécesseurs.102 De nombreuses hypothèses ont été envisagées, avec des variantes. Les documents étaient soigneusement conservés, ce qui n’était pas toujours le cas antérieurement.103 Toutefois, les études de Keller manquent d’esprit de synthèse. Par ailleurs, elles sont souvent réparties entre plusieurs mémoires différents. Avec Arnold Linder, il faut admettre qu’une telle documentation aurait, malgré les qualités qu’elle pouvait avoir, posé de sérieux problèmes à un commandant en chef qui aurait eu à l’utiliser au moment de la mobilisation. Ce dernier aurait sans aucun doute préféré des documents plus synthétiques et agencés avec plus de clarté.

      L’opposition de certains officiers à l’Administration militaire et à la personne de Keller, à l’Etat-major général et à l’emprise grandissante qu’ils avaient sur l’ensemble de l’armée, qui se faisait au détriment de l’indépendance et des pouvoirs d’autres organes de l’institution militaire, se développa à partir du milieu des années 1890, au lendemain du rejet du projet de nouvelle organisation militaire par le peuple.104 Le colonel Ulrich Wille peut être considéré comme le leader idéologique de ce groupe, même s’il ne joua pas toujours un rôle important dans les attaques menées contre l’Administration militaire. Il resta notamment à l’écart de la campagne de presse particulièrement agressive menée en 1903 par les lieutenants-colonels Fritz Gertsch et Emil Richard, connue sous le nom d’«affaire de l’hydre». Keller se trouva sous le feu des critiques, bien qu’il ne fût pas la cible première de ces polémistes. La violence des attaques dont il fut l’objet poussa le chef de l’Etat-major général à démissionner en novembre 1904. Il quitta ses fonctions à la fin mars 1905, officiellement pour raison de santé.105 Keller continua toutefois à travailler pour le compte du Département militaire fédéral en réalisant jusqu’en 1922 les trente-quatre volumes de sa Militärgeographie der Schweiz und ihrer Grenzgebiete. Ce fut le colonel Theophil Sprecher von Bernegg, entré à l’Etat-major général en 1880, qui le remplaça à la tête de l’institution.

4. Le Service de renseignements

      Comme nous l’avons vu dans les deux premières parties de ce chapitre, l’organisation du Service de renseignements à l’Etat-major général a connu de nombreux changements. Jusqu’à l’été 1891, il fut centralisé dans une seule subdivision de l’institution.106 L’instruction provisoire de février 1875 l’avait confié à la Section géographique, qui fut scindée en deux à la fin des années 1880 en une Section technique et une Section des renseignements, cette dernière étant chargée du renseignement, de l’étude des armées étrangères et de la géographie militaire.

      Le règlement du 11 août 1891 apporta deux modifications.107 La Section technique fut renommée Section géographique. Dans son domaine de compétence, elle reprenait notamment tout ce qui avait trait aux questions de géographie et de topographie militaires. Le changement le plus important fut toutefois la répartition des différentes tâches du Service de renseignements entre les subdivisions du Bureau d’état-major. La division des tâches du renseignement suivit les mêmes modalités que celle de la préparation des plans de concentration, les deux domaines étant étroitement liés. Désormais, chaque section était chargée d’élaborer les documents nécessaires pour l’un ou l’autre des fronts et devait s’occuper de récolter et de gérer les renseignements concernant l’armée et le pays du front correspondant. La Section des renseignements restait responsable pour toutes les armées étrangères, à l’exclusion de l’Allemagne et de l’Italie. Le premier de ces pays relevait de la responsabilité de la Section d’état-major général. Quant à l’Italie, c’était la Section géographique qui en était chargée. Elle avait aussi pour tâche de s’occuper de la collection des informations se rapportant à la géographie militaire.

      Deux ans plus tard, cette répartition des activités fut revue une dernière fois pour la période qui nous préoccupe. Le règlement intérieur du 28 novembre 1893 retira le front est et le domaine autrichien à la Section des renseignements pour les confier à la Section tactique.108 Les tâches de renseignement en matière de géographie militaire furent également divisées. La Section géographique vit ses compétences dans ce domaine se restreindre au seul territoire national.

      En dehors du Service de renseignements, la Section de renseignements avait d’autres attributions. Le règlement d’août 1891 lui confia des tâches diverses telles que la fortification et la fortification nationale, le génie et le matériel d’artillerie.109 La liste s’allongea, deux ans plus tard, avec une extension des domaines techniques.110 S’occupant déjà de l’artillerie, la Section reçut tout naturellement la mission de traiter les questions liées aux poudres et aux munitions, à la théorie de tir et à la balistique. En 1897, deux autres sphères de compétence importantes relatives au matériel lui furent confiées: l’armement et l’équipement de l’infanterie, ainsi que le matériel de guerre.111

      Des

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