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d’organisation de l’Etat-major de l’armée. Feiss avait réussi à imposer un projet d’ordonnance, mais le chef du Bureau d’état-major présentait nombre de critiques sur le document. Il existait une opposition fondamentale entre la conception de Feiss et celle de Siegfried. Le chef de l’infanterie ne voulait pas d’une structure définie à l’avance. Il considérait que l’organisation interne de l’Etat-major de l’armée et la répartition des tâches devaient être précisée au moment de la mobilisation. A l’opposé, le chef du Bureau d’état-major reprenait les principes définis dans son étude antérieure. Il souhaitait une organisation définie dès le temps de paix, qui offrait de nombreux avantages. Sans une organisation clairement définie au préalable, il était impossible de dire, d’après le projet d’ordonnance, qui devait faire partie de l’Etat-major de l’armée et combien d’officiers il devait comporter. Siegfried arguait également qu’avec la solution préconisée par Feiss, il était impossible de préparer les différentes personnes à leurs fonctions, déjà en temps de paix. Enfin, il soulignait la nécessité d’une organisation définie, qui permettrait, selon lui, d’améliorer et d’uniformiser le travail d’état-major et d’adjudance dans les divisions.

      Siegfried désirait toutefois conserver une certaine souplesse. C’est pourquoi il préférait un texte plutôt sous forme d’instruction que d’ordonnance. Ainsi, le chef de l’Etat-major de l’armée et le général ne seraient pas absolument liés, au point de vue juridique, par l’organisation prévue et pourraient lui apporter des changements. Siegfried soulignait la nécessité de ne pas fixer d’une manière trop rigide l’organisation de l’Etat-major de l’armée et citait d’autres officiers qui pensaient comme lui, même si c’était pour d’autres raisons. Le colonel Rothpletz, commandant de la 5e Division et professeur à l’Ecole militaire de Zurich, voulait rester dans le provisoire, car il n’avait pas le temps de s’occuper de la question à ce moment-là. Siegfried mentionnait même Feiss qui, tout en étant d’accord sur le principe de l’ordonnance et proposant même un projet, demandait de ne rien fixer avant que le Règlement sur le service en campagne ne soit prêt.

      Le chef du Bureau d’état-major sentait bien que sa position risquait de ne pas l’emporter à l’issue des débats. La maladie qui le retint chez lui les six derniers mois de sa vie l’a certainement empêché de défendre ses idées avec toute l’énergie et la disponibilité nécessaires. A la fin de l’année 1879, quelques semaines avant de mourir, il écrivit au chef du Département militaire fédéral que si le projet du chef de l’infanterie devait l’emporter, il faudrait lui apporter un certain nombre de modifications. Siegfried proposa diverses modifications d’organisation allant dans le sens d’un renforcement en matière de personnel et d’une meilleure intégration des services au sein de l’Etat-major de l’armée. Mais les deux propositions les plus importantes concernaient l’article 6. Siegfried cherchait à atténuer les effets des conceptions de Feiss en demandant qu’une organisation provisoire de l’Etat-major de l’armée et de ses activités soit au moins définie par le Département militaire fédéral.

      La mort de Siegfried, survenue le 5 décembre 1879, entraîna un changement d’acteur important parmi les protagonistes chargés de rédiger le projet d’ordonnance. Son successeur à la tête du Bureau d’état-major, le colonel Rudolf von Sinner, nommé le 12 décembre, reprit le dossier. Le 14 avril 1880, il envoya au Département militaire fédéral un document présentant son avis sur le projet de Feiss concernant l’organisation de l’Etat-major de l’armée.45

      Les idées de von Sinner étaient proches de celles de son prédécesseur. Tout comme lui, il voulait une organisation provisoire de l’Etat-major de l’armée, organisation qui pourrait être modifiée par le général ou le chef de l’EMA. Le nouveau chef du Bureau d’état-major soulignait aussi la nécessité de ne pas laisser la formation des officiers EMG et le travail d’état-major entre les mains des divisions et des brigades. Il amenait toutefois un nouvel argument de poids pour soutenir sa position. Dans les faits, le choix du chef de l’Etat-major général suivrait celui du général. Dès lors, un temps précieux s’écoulerait jusqu’à ce que l’Etat-major de l’armée soit effectivement organisé et dirigé. Une telle perte de temps pouvait être fatale. C’est pourquoi von Sinner souhaitait une organisation prédéfinie qui permettrait à l’Etat-major de l’armée de commencer à travailler efficacement, même si son chef n’était pas encore désigné.

      Von Sinner désirait également renforcer la structure de l’Etat-major de l’armée et mieux définir les positions et les compétences de certains de ses membres. En premier lieu, il souhaitait que l’on adjoignît un sous-chef à l’Etat-major de l’armée et que l’on définît un cadre de compétence particulier pour l’adjudant-général, qui ne devait pas être un simple remplaçant du chef de l’Etat-major de l’armée. Von Sinner voulait également préciser la place que devaient occuper les hauts officiers du génie et de l’artillerie que le projet de Feiss prévoyait d’incorporer. Il préconisait de créer un «haut commandement» pour chacune de ces armes et de les mettre à leur tête. Ces «hauts commandements» auraient pour double tâche de contrôler l’engagement tactique de leur arme et de conduire de manière centralisée et unifiée les moyens et les troupes qui ne seraient pas directement subordonnés aux grandes unités. Enfin, von Sinner pensait que la Direction des étapes ne devait pas être intégrée à l’Etat-major de l’armée, mais qu’elle devait relever du Département militaire fédéral. En revanche, il considérait que les directeurs de la poste et du télégraphe de campagne devaient être incorporés à l’Etat-major de l’armée.

      La plupart des idées de von Sinner furent reprises dans l’ordonnance du Conseil fédéral sur l’organisation de l’Etat-major de l’armée du 7 mai 1880.46 Ainsi, un sous-chef d’état-major fut intégré dans l’organisation, avec la fonction de chef de la Section d’état-major général. De même, les directeurs de la poste de campagne et des télégraphes furent adjoints à ce dernier, tandis que la Direction des étapes en était exclue. Le chef de l’Etat-major général pouvait, en outre, modifier la structure prévue et l’organisation du travail de l’Etat-major de l’armée, sous réserve de l’approbation du commandant en chef de l’armée.

      La structure et l’organisation étaient ainsi définies de manière très générale. Le texte de l’ordonnance, essentiellement une liste des membres de l’Etat-major de l’armée, donne plus la composition de ce dernier que son organisation véritable ou la répartition du travail entre ses différentes composantes. Le Département militaire fédéral recevait d’ailleurs la compétence de fixer provisoirement ces deux derniers éléments.

      L’organisation générale définie par l’ordonnance de 1880 resta en vigueur jusqu’en 1912. Le Bureau d’état-major étudia toutefois la mise en place d’une structure plus précise et chercha à mieux définir les tâches. Après un premier projet, comprenant quatre sections, Opérations, Expédition, Transports, Entretien et rétablissement, réalisé, semble-t-il, par Victor Burnier et qui ne dépassa pas ce stade,47 ce fut l’exemple de l’état-major prussien, plus spécifiquement celui du corps d’armée, qui servit de modèle.48 La qualité de son travail et son efficacité au cours de la guerre franco-allemande de 1870–1871 n’impressionnèrent pas seulement les militaires helvétiques. A l’époque, la plupart des armées européennes calquèrent l’organisation de leur Grand Etat-major sur celui de la Prusse. Le chef de l’Etat-major de l’armée était l’aide et le conseiller direct du général pour les grandes opérations et il se trouvait à la tête de l’organe central de la direction de l’armée. Il avait, sous sa direction, deux domaines de responsabilité: le renseignement et l’espionnage, pour lesquels son Bureau disposait de deux officiers EMG en tant qu’adjudants. Le service d’état-major général n’était pas du ressort de ce Bureau, mais était attribué à l’une des subdivisions de l’EMA, l’Etat-major général. Ce dernier,

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