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en effet que ce dernier était tenu, entre autres, de surveiller les différents préparatifs de mobilisation.

      Le colonel Emil Rothpletz, chef des opérations au cours de la guerre de 1870–1871 et commandant de la 5e Division, partageait certaines des critiques de Paravicini, notamment en ce qui concernait la répartition des compétences entre le chef du Bureau d’état-major et le chef d’arme de l’infanterie.11 Il s’interrogeait aussi sur le bien-fondé de la subordination du Bureau de topographie au chef du Bureau d’état-major. Rothpletz soulignait que le projet du Département militaire fédéral ne se justifiait qu’en raison de la formation et de l’expérience particulières en matière de topographie et de cartographie du chef du Bureau d’état-major de l’époque, le colonel Siegfried.

      Ces remarques ne furent cependant ni nombreuses, ni virulentes, mais elles soulevaient des questions importantes, qui ne furent pas immédiatement résolues. Elles constituèrent le point de départ de critiques ultérieures plus violentes dirigées contre l’Etat-major général. Nous verrons dans le dernier chapitre de cette première partie que ces attaques contre l’institution se doublèrent de querelles de personnes et qu’elles conduisirent, en 1903, à une crise particulièrement grave qui se termina par la démission du chef du Bureau d’état-major, le colonel Keller.12

      La nouvelle loi entraîna rapidement la réorganisation du Bureau d’état-major.13 Dès 1875, il fut subdivisé en deux sections principales, la Section de l’Etat-major général et la Section topographique. La Section de l’Etat-major général comprenait trois subdivisions, la Section tactique, la Section géographique ou technique et la Section des chemins de fer. A la tête de ces trois sections se trouvaient des officiers qui étaient en service permanent. Leurs subordonnés étaient, eux, des officiers du corps d’état-major effectuant, par roulement, des services d’une période de deux ou trois mois.

      Cette organisation, sommaire et minimale, fut complétée et remaniée dans les années qui suivirent.14 Les premiers temps furent difficiles. Des problèmes de locaux, tant pour le Bureau d’état-major que pour les écoles de formation, retardèrent les travaux de mise en place. De plus, le fait que la plupart des officiers du corps d’état-major étaient également instructeurs eut pour conséquence qu’ils ne purent faire de service jusqu’à ce que soient mis en place les cours d’instruction des arrondissements de division, qui les déchargèrent d’une importante partie de leurs tâches. Par ailleurs, des raisons budgétaires faisaient planer des menaces sur la mise en place de l’institution. En 1876, le rapport de gestion du Département militaire fédéral souligne que les travaux d’organisation de la Section des chemins de fer, déjà bien avancés du fait des activités réalisées durant le cours spécial suivi par 18 officiers, risquaient de prendre du retard si les cours ultérieurs prévus étaient renvoyés pour des raisons d’économie.

      La mort du colonel Siegfried, en décembre 1879, entraîna la séparation du Service topographique d’avec l’Etat-major général.15 Créé en 1838 par Dufour, le Bureau topographique était chargé de la direction des mensurations de la Suisse, mission que la Diète avait confiée en 1822 au quartier-maître fédéral. Siegfried avait été un élève et un collaborateur de Dufour et il fut son successeur à la tête du Service topographique. Cartographe renommé, il fut le directeur des travaux du célèbre atlas qui portera son nom, avec ses cartes au 1:50 000 et au 1:25 000, dont la réalisation s’effectua entre 1870 et 1926. Une fois Siegfried disparu, la direction de la Section topographique, qui avait été antérieurement subordonnée au génie, fut à nouveau confiée au chef de cette arme, le colonel Jules Dumur. En novembre 1880, les bureaux de la Section topographique furent transférés dans les locaux, situés à proximité de ceux du génie, de la Société des chemins de fer du Jura, avec laquelle un contrat de location fut signé.

      De son côté, le Bureau d’état-major menait une importante réflexion sur l’organisation qu’il fallait donner à l’Etat-major général et analysait le projet de loi d’organisation du Conseil fédéral.16 Il pensait que le service du temps de guerre devait constituer la base de réflexion pour la définition des structures du temps de paix. Cette démarche était logique, car l’Etat-major de l’armée serait constitué, en cas de mobilisation, à partir de l’organisation existante. Dès lors, ce furent les organisations du Grand Quartier général et celles de l’Etat-major de l’armée qui furent étudiées et qui reçurent en premier la sanction d’une ordonnance du Conseil fédéral. Les travaux de rédaction du document furent cependant beaucoup plus longs que prévu.17 Mise en chantier dès 1875, l’ordonnance ne fut signée par le Conseil fédéral que le 7 mai 1880, les divergences qui opposèrent le chef de l’infanterie et le chef du Bureau d’état-major étant nombreuses et difficiles à réduire.18

      L’organisation et les missions du Bureau d’état-major furent codifiées dans un règlement daté du 20 février 1875, dont il ne reste plus qu’un brouillon manuscrit, raturé et difficile à lire.19 Simple instruction à caractère provisoire, ce règlement constitua cependant le seul document officiel définissant l’organisation du Bureau d’état-major jusqu’en octobre 1890. On en connaît un peu plus sur la structure et le fonctionnement de l’Etat-major général de la fin des années 1870 par l’article sur le service d’état-major que rédigea Keller dans l’ouvrage de Joachim Feiss, Das Wehrwesen, publié en 1880.20 L’Etat-major général était toujours dirigé, en période de paix, par le chef du Bureau d’état-major. Ayant perdu le service topographique à la fin de l’année 1879, il comprenait désormais le service d’état-major général et le service des chemins de fer. Le Bureau d’état-major se composait de quatre subdivisions, le Bureau du commandant, la Section géographique, la Section tactique et la Section des chemins de fer. Ses activités consistaient avant tout à préparer les plans de mobilisation et de concentration de l’armée, à élaborer des études générales sur la défense de la Suisse et à rassembler la documentation et les cartes nécessaires à ces travaux, qu’ils concernent la Suisse ou les pays voisins.

      Après quinze ans, l’organisation du Bureau d’état-major définie dans le règlement de 1875 ne correspondait plus à la réalité des faits.21 En plus du changement de subordination du service topographique, divers changements avaient eu lieu à la fin des années 1880, dont le plus important fut le remplacement de la Section géographique par deux nouvelles sections, l’une dite «technique», chargée de tout ce qui avait trait aux fortifications, aux infrastructures, aux équipements et à l’armement, et l’autre chargée des études sur les armées étrangères et du renseignement pris dans un sens très général. La nomination du colonel Keller à la tête du Bureau d’état-major laissait par ailleurs le poste de chef de la Section tactique vacant. L’occasion fut saisie et le Conseil fédéral donna, enfin, par un document législatif une organisation officielle au Bureau d’état-major.

      La nouvelle organisation ne faisait que sanctionner la solution provisoire mise en place en septembre 1890. Le Bureau d’état-major était structuré en cinq sections et une chancellerie, dont les tâches étaient définies de manière très générale.

      Cette organisation et cette répartition des missions, très générales, devaient être précisées ultérieurement. Le chef du Bureau d’état-major devait s’atteler à cette tâche et présenter des projets, le Département militaire gardant le pouvoir de décision. Les documents montrent que la collaboration entre les deux acteurs était bonne et que des dispositions avaient déjà été prises pour régler la question. Un règlement intérieur détaillé fut approuvé, qui entra en vigueur le 17 janvier 1891.22 Il avait pour but avant tout de définir les compétences de chacun au sein du Bureau d’état-major. Il donnait avec force détail et sous forme de liste, pour le chef du bureau, la chancellerie et chacune des sections, les nombreuses tâches qui leur incombaient.

      Tableau

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