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dit-il, voyez donc si c'est exact.

      Puis à Telingâ:

      —Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, fit-il, je choisirai Maoulideck comme point de départ; la situation de cette ville, au centre de votre hémisphère, me permettra de m'élever directement pour me soustraire plus rapidement à l'influence de la pesanteur et en même temps de profiter de toute l'influence des vibrations électriques...

      Le Sélénite approuva muettement d'un signe de tête.

      —Vous êtes bien certain, demanda en ce moment M. de Flammermont, qui examinait avec un sérieux imperturbable, les calculs à lui soumis par Ossipoff, vous êtes bien certain de ne pas avoir fait d'erreur?

      Le vieillard tressaillit et se rapprochant du jeune homme:

      —Me serais-je par hasard trompé, demanda-t-il? après tout, c'est bien possible.

      —Non pas, non pas, s'empressa de répondre Gontran, seulement c'est la rapidité avec laquelle vous estimez que s'accomplira ce voyage qui m'étonne.

      —À ce point de vue là, vous pouvez être sans crainte; j'ai compté d'ici la zone d'attraction de Vénus, deux jours et demi, autant pour la chute... cela vous donne cinq jours terrestres.

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      —Mais, dans ces conditions-là, exclama Gontran, nous pourrions atteindre Vénus, avant que Sharp lui-même n'y atterrisse.

      Fricoulet eut une moue dubitative.

      —Peste! fit-il, comme tu y vas!... Songe donc que, pendant que nous sommes ici, immobilisés dans la nuit, le gredin voyage, neuf jours encore nous séparent du lever du soleil, et au moment ou nous verrons clair et où seulement nous pourrons nous occuper utilement de notre départ, il n'aura plus, lui, que trois millions de lieues à franchir!

      Comme la mine de M. de Flammermont s'assombrissait, Mickhaïl Ossipoff lui dit:

      —Au surplus, peu importe que nous arrivions avant ou après lui, le principal est que nous l'y retrouvions, ce qui ne peut manquer d'arriver si, comme l'affirme Telingâ, toutes les pièces de l'appareil sont intactes.

      —Pour ma part, déclara le Sélénite, je m'engage à avoir tout préparé pour la deux centième heure du jour.

      À peine les premiers rayons du soleil, dorant les cimes crénelées des cratères, eurent-ils ramené, à la surface de l'hémisphère invisible, la lumière et la chaleur, que les Sélénites, sous la direction de Telingâ, se mirent à l'œuvre.

      Pendant que les uns s'occupaient à dresser, sur le sommet d'un pic qui dominait Maoulideck, d'immenses miroirs appelés à concentrer tous les rayons solaires au foyer du réflecteur parabolique, d'autres ajoutaient, les unes aux autres, les cinq cents plaques de sélénium qui formaient le réflecteur.

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      Ossipoff et ses compagnons ne demeuraient pas non plus inactifs, après avoir longuement examiné le véhicule étrange dans lequel ils étaient appelés à continuer leur voyage, ils étaient tombés d'accord pour lui faire subir une transformation importante et de laquelle dépendait, pour ainsi dire, la réussite de leur hardie tentative.

      Ce véhicule affectait la forme d'une sphère creuse toute en sélénium, et ne mesurant pas moins de dix mètres de diamètre, à sa partie inférieure était pratiquée une ouverture d'un mètre, coupée transversalement par quatre tiges supportant, à leur entrecroisement, un axe de sélénium. L'extrémité de cet axe servait de support à un plancher roulant, grâce à des galets de bronze, sur une voie ferrée, tout comme un dôme d'observatoire, de manière à ce que la chambre, dans laquelle les voyageurs devaient prendre place, pût demeurer immobile en dépit du mouvement de rotation de la sphère.

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      Gontran, auquel Fricoulet détaillait minutieusement toutes les pièces de cet étrange véhicule, lui murmura à l'oreille:

      —Cette sphère tournera sur elle-même!

      —Assurément, une balle ne tourne-t-elle pas, au sortir de l'engin qui la lance?

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      Puis amenant le jeune comte à l'écart:

      —Inutile de te demander, n'est-ce pas, si tu sais ce que William Crookes, le grand savant anglais, entendait par le bombardement atomique.

      —Inutile, en effet, de me le demander, répondit en souriant M. de Flammermont, car tu es convaincu que je n'en sais pas un mot.

      —Donc, poursuivit Fricoulet, la matière est à l'état de mouvement éternel, formidable; plus la matière est dissociée et plus ce mouvement est libéré des entraves de la cohésion; or, en emmagasinant dans la sphère les millions de vibrations produites par cette rondelle téléphonique, on met en mouvement les molécules de l'air qui agissent sur les parois de la sphère, comme le pourraient faire des milliers de petits doigts, et lui impriment une vitesse incalculable. As-tu compris?

      Gontran hocha la tête.

      —Si tu veux que je sois franc, dit-il, je te répondrai que j'ai peu compris, mais le principal, c'est que tu sois certain que cette machine-là peut fonctionner.

      —Et comment veux-tu qu'il en soit autrement, répliqua l'ingénieur, regarde-moi ce téléphone transmetteur, dont la rondelle n'a pas moins de trois mètres de diamètre, et ces électro-aimants formidables qui doivent la faire vibrer, et cette batterie voltaïque.

      Cependant, tout en écoutant silencieusement les explications de son ami, M. de Flammermont paraissait soucieux.

      —À quoi penses-tu donc? lui demanda tout à coup Fricoulet.

      —Mon Dieu, répliqua le jeune comte, tu vas rire de moi, sans doute, mais il me vient une crainte.

      —Laquelle?

      —C'est que, à une certaine distance du sol lunaire, les ondes vibrantes n'aient plus assez de force pour nous entraîner en avant.

      L'ingénieur fronça les sourcils.

      —Parbleu! dit-il, il se pourrait bien que cela arrivât.

      Puis, s'adressant à Ossipoff:

      —M. de Flammermont pense que notre force motrice ne sera pas suffisante pour nous amener jusqu'au terme du voyage.

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      —Et sur quoi basez-vous cette supposition? mon cher enfant, demanda le vieillard.

      Pour le coup, Gontran se trouvait fort embarrassé de répondre et il lança à Fricoulet un regard désespéré.

      Heureusement, ce fut l'ingénieur qui répondit à sa place en tendant à Ossipoff une feuille de son carnet.

      Sur cette feuille se trouvait, inscrite au crayon, la formule algébrique suivante:

A= L 189 +v V+P = 980,400

      —Qu'est-ce que cela? demanda le vieillard en écarquillant les yeux.

      —Ça, répondit Fricoulet, c'est la preuve mathématique que l'ami Gontran à raison.

      Et comme le vieillard se tournait déjà vers M. de Flammermont, l'ingénieur se hâta de répondre à la question qui allait être posée à son ami:

      —À nous trois,

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