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s'exerça si odieuse, que bientôt ils furent renversés par une contre-révolution des «Ciompi» guidée par Thomas Strozzi, Benedetto Alberti et enfin Salvestro Médicis. Les chefs guelfes furent forcés de quitter la ville où leurs propriétés furent saccagées et pillées, et où leurs vies mêmes ne furent sauvées que grâce à l'intervention de Salvestro Médicis, alors podestat et idole du peuple.

      La famille des Médicis, qui apparaît alors pour la première fois dans un rôle prépondérant, était originaire de Mugello. Déjà à cette époque de 1378, elle était riche, industrieuse, puissante, et avait donné des magistrats habiles et populaires à la République. Villani cite les Médicis en 1304 parmi les chefs du parti des Noirs, et plus tard l'un d'eux marqua par son opposition au duc d'Athènes, sur l'ordre duquel il fut décapité.

      Une nouvelle révolte des «Ciompi» en 1382 mit le Gonfalonat entre les mains d'un des leurs, Michel Lando, homme d'une valeur et d'une intégrité exceptionnelles; mais bientôt le parti aristocratique ressaisit l'autorité, et l'ère des soulèvements populaires, des revendications des plus faibles contre les plus forts, fut close sans retour. Avec toutes les chances de succès, les «Ciompi» échouèrent pour n'avoir pas su à propos se contenter de bénéfices relatifs et indirects.

      Ils payèrent chèrement cette faute, car les arts majeurs, exaspérés par la crainte qu'ils avaient eue, devinrent leurs pires ennemis. L'aristocratie marchande, jalouse de son autorité, ne devait plus quitter le pouvoir, mais, coterie exclusive, furieuse d'avoir failli perdre ses privilèges, alors même qu'elle les avait recouvrés, elle rompit avec tout ce qui était démocratique et resta un corps absolument fermé. C'est ainsi que les humbles et les petits arrivèrent à considérer comme heureux le sort des villes où des tyrans faisaient peser le joug moins lourdement sur les pauvres que sur les riches, et le peuple ne vit plus dans ces despotes que des instruments pour l'exécution de ses vengeances et de ses haines. Les Médicis arrivaient à point nommé pour remplir un tel rôle. L'astuce de ces banquiers enrichis tissa longuement et patiemment sa trame, mais ils eurent l'art de tenir soigneusement cachés leurs perfides et ambitieux desseins; ils ne leur donnèrent corps que lorsque la faveur populaire leur eut tout permis. D'une habileté plus qu'excessive, ils spéculèrent sur le mérite très surfait du médiocre Salvestro et firent de la popularité exagérée de cet ancêtre le marche-pied de leur élévation. A partir de ce moment, les glorieuses pages de l'histoire sont terminées pour Florence, car à travers de brillants épisodes se poursuivront les progrès du mal auquel succombera ce qui l'avait faite si noble et si grande, la Liberté et la République.

      Ce ne sera pas sans révoltes que cette population fière, indocile, ivre de liberté, verra une famille de marchands enrichis confisquer une à une ses libertés publiques; elle se défendra énergiquement et cherchera par tous les moyens possibles à faire rentrer dans le rang ces ambitieux auxquels il ne faudra rien moins que l'intervention armée de Charles-Quint pour imposer leur domination.

      A coté de Salvestro se place encore à la tête du parti populaire Jean de Médicis, son cousin, qui tenait comme lui un rang considérable. Comme ses devanciers, modéré en apparence, mais ambitieux au fond, Jean pratiqua avec succès la politique expectante de sa famille, tandis que, grâce à son immense fortune, à son inépuisable munificence, et aux prêts considérables qu'il consentait aux princes et aux souverains, son crédit et sa renommée s'étendaient au loin. Attentif à éviter les querelles des partis, il n'allait au Palais que lorsqu'il y était appelé, et par sa prudence il détourna avec un rare bonheur tous les soupçons. Il sembla accepter par désintéressement les charges publiques, et lorsqu'il les remplit, il se posa comme protecteur du peuple, en attendant de devenir son chef. Loin d'abuser de la situation, il persévéra dans la voie circonspecte qu'il s'était tracée et se contenta de s'opposer à de nouveaux empiétements de l'oligarchie. Jean de Médicis mit le sceau à sa popularité par sa conduite désintéressée à la suite de la guerre avec Philippe Marie, en 1428. Après avoir tout fait pour détourner Florence de cette entreprise hasardeuse, il sut, en présence des malheurs publics, oublier ses opinions et, mettant tout en œuvre pour venir au secours de la République, y consacrer même une partie de sa fortune personnelle. Il sut également résister aux ouvertures qui lui furent faites pour réformer la constitution au profit des classes supérieures et s'opposer à l'emploi de la force pour opprimer le peuple. Il disait qu'en ce qui le concernait, son désir n'était pas de ranimer les factions, mais bien plutôt de les éteindre; aussi ne voulut-il pas non plus tirer parti de ces ouvertures pour s'en faire une arme contre ses adversaires politiques, bien qu'il y fût poussé par les clients de sa maison et par son fils Cosme qui le blâmaient de compromettre à force de modération l'avenir de son parti et la grandeur de sa race.

      Fidèle à sa tactique de libéralisme, Jean de Médicis proposa une nouvelle loi destinée à répartir plus également les contributions, en les réglant d'après la quotité des biens possédés par chacun. Cette loi fameuse, appelée «le Castato», était une véritable révolution économique et sociale, car elle rétablissait des taxes équitables et supprimait les privilèges. Aussi excita-t-elle autant d'enthousiasme chez ceux qu'elle exonérait que de colère et de haine chez ceux qu'elle frappait, et comme de raison, l'auteur en fut salué par la reconnaissance du peuple comme le plus zélé défenseur de ses droits et de ses libertés. Jean de Médicis mourut en 1429, laissant à ses fils les plus sages conseils et emportant dans la tombe la reconnaissance d'un peuple dont il n'avait cessé d'être le bienfaiteur. Les regrets que causait sa mort étaient encore aggravés par une situation des plus difficiles.

      Cette première moitié du XVe siècle donne lieu en effet à des réflexions peu consolantes. C'est au milieu de mesquineries de toutes sortes, de complications aussi bien intérieures qu'extérieures que se prépare dans ses origines troublées et impures le règne néfaste des Médicis où doit sombrer tout ce qui fit la Toscane glorieuse pendant des siècles.

      Après la mort de Jean, l'oligarchie et les Albizzi reprirent le pouvoir et conduisirent les affaires publiques, tandis que Cosme, héritier de la popularité paternelle, se posa dès l'abord comme leur adversaire acharné.

      Cosme de Médicis avait un peu plus de quarante ans lorsque le cours des événements lui donna le rôle prépondérant qu'il ambitionnait.

      Grave, prudent, astucieux, il n'était, disent les chroniques du temps, «qu'un renard rusé et trompeur»; libéral et humain par calcul, il recherchait la faveur du peuple sans l'aimer et sans avoir les qualités extérieures nécessaires pour le séduire. Laid de sa personne, d'un extérieur mesquin, il ne savait que merveilleusement parler et disserter au milieu des savants, mais il était complètement dépourvu des dons propres à entraîner et à convaincre.

      Son esprit s'était formé par l'étude et aussi par de lointains voyages entrepris pour la banque des Médicis. Depuis son retour, il affectait de se tenir éloigné des charges publiques, mais il fréquentait des hommes de toutes conditions, dans le dessein manifeste de se faire des partisans.

      Le mot d'ordre donné par Cosme était de répéter que tout allait mal, de semer le découragement dans les masses et de les amener peu à peu au dégoût du régime oligarchique; mais son plus puissant levier était l'immense fortune qui lui permettait d'acheter une popularité que son père avait eu moins de peine à acquérir.

      Contre Cosme et sa faction se dressaient les trois plus anciennes familles de Florence, qui n'entendaient nullement se soumettre à ces parvenus: c'étaient les Pazzi, les Pitti et les Acciajuoli. Las de rencontrer partout sur leur route, en affaires et en politique, un rival de plus en plus redoutable, ils lui faisaient une violente opposition. Ligués pour sa perte, ils achetèrent en 1432 le nouveau gonfalonier, homme vénal, et l'amenèrent à se saisir de Cosme et à le jeter en prison, sous prétexte de conspiration contre le régime établi, de dilapidation et d'usure. C'était une accusation plus qu'injustifiée, car Cosme était de ceux qui donnent, et non de ceux qui prennent. Quoi qu'il en soit, cette détention fut de courte durée, et Cosme, banni pour un an, prit le chemin de Padoue où il fut exilé après avoir acheté au poids de l'or cette liberté relative. A Padoue, il devint le chef de tout ce que Florence comptait de mécontents; aussi, quand en 1434 les élections mirent le pouvoir

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