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qui, originairement composée de serfs, ne comptait pour rien dans le gouvernement recruté parmi le «primo popolo».

      A cette époque (1208), l'expérience avait démontré que, dans les conflits de plus en plus graves qui mettaient les grandes familles aux prises, les nobles ne prendraient jamais au sérieux les arrêts prononcés par des juges qu'ils considéraient comme des inférieurs et qui eux-mêmes avaient à redouter leurs ressentiments et leurs vengeances. Aussi Florence et les autres gouvernements démocratiques de la Toscane reconnurent-ils la nécessité d'instituer une magistrature suprême, dont l'autorité s'imposât à tous. Ce nouveau pouvoir fut celui du Podestat.

      Originairement le «Potestate» était un commissaire impérial chargé d'administrer au nom de l'Empereur. Cette magistrature, instituée par Frédéric Barberousse, fut rapidement délestée et conspuée dans les villes où elle exerçait un pouvoir absolu et despotique. Mais, si le gouvernement des Podestats avait ses inconvénients, on ne tarda pas à reconnaître que leur qualité d'étrangers les prédisposait à une grande impartialité dans leurs jugements. On se résolut alors à choisir au loin le magistrat auquel on confierait cette autorité redoutable et à ne la lui confier que pour une période limitée, pendant laquelle il lui serait interdit de nouer aucune relation avec ses justiciables.

      Le XIIIe siècle ne voit que grandir la discorde, que se multiplier les factions, et cet état de guerre intestine offre le plus étrange contraste avec la prospérité et la richesse croissantes du pays.

      La première scission effective dans le parti de la noblesse (1215?) fut causée par la rupture d'un mariage projeté entre un Buondelmonti et une Uberti et cela sans autre motif que le bon plaisir du premier, affront que les Uberti lavèrent en assassinant Buondelmonte. Cet événement jeta les Uberti dans le parti de l'Empereur, tandis que les Buondelmonti embrassaient le parti populaire et que, derrière leurs deux maisons, se groupaient les principales familles florentines constituant deux factions rivales profondément hostiles.

      Ce ne fut pourtant qu'en 1240 que furent adoptées les fameuses dénominations de Guelfes et de Gibelins, sous lesquelles les partis allaient ensanglanter l'Italie. Ces noms d'origine allemande n'étaient primitivement que les cris de guerre et de ralliement des deux maisons en perpétuelle rivalité pour le trône impérial. «Hye Woelf» pour Guelfe de Bavière, «Hye Weibligen» pour les Hohenstaufen. Ce double appel passa les Alpes avec les Allemands, pour désigner plus tard, après la guerre des Investitures, le parti de la démocratie et celui de la féodalité. C'est à partir de cette époque que les noms de Guelfes et de Gibelins perdirent leur signification primitive et s'appliquèrent en Italie aux partisans du Pape ou de l'Empereur, sans que les villes eussent parfois d'autre conviction pour être guelfes ou gibelines que l'espoir des avantages à tirer de l'une des deux puissances.

      De 1220 à 1258, Florence fut la proie des partis dont la lutte devenait de jour en jour plus acharnée. La faction au pouvoir, non satisfaite de proscrire l'autre, rasait les habitations et confisquait les biens des vaincus. Si l'Empereur descendait en Italie, les Gibelins étaient les maîtres; si l'Empereur s'éloignait, ils prenaient à leur tour le chemin de l'exil et cédaient la place aux Guelfes triomphants. Au milieu de tant d'éléments de désordre auxquels s'ajoutaient les querelles religieuses, les menaces d'hérésie, l'interdit et l'excommunication, on reste surpris et confondu de l'énergie prodigieuse, de la vitalité puissante de ce peuple où les pires calamités ne portent nul préjudice au développement intellectuel, à la prospérité croissante des arts, des sciences et de la fortune publique.

      A cette époque, les ambitions inassouvies de Florence ne connaissaient aucun frein. Elle entreprenait une expédition contre la puissante Pise et, après une lutte meurtrière, elle arrivait à réduire et à soumettre sa rivale; mais ce résultat ne la satisfaisant pas encore, elle n'eut de cesse qu'elle ne fût entrée en campagne contre l'orgueilleuse Sienne. Cette cité, gibeline par excellence, était le refuge de tous les proscrits florentins, ce dont la guelfe Florence lui gardait une terrible rancune.

      La compétition entre les deux villes devait se terminer aux portes mêmes de Sienne par l'effroyable défaite de Montaperto (1260), dont le résultat fut de livrer Florence, sans défense possible, à la réaction gibeline. Les Gibelins rentrés au pouvoir, leur première pensée fut de raser Florence, «ce repaire du parti guelfe». Le plus illustre des proscrits, Farinata degli Uberti, se leva seul pour protester en demandant «si c'était pour ne pas mourir dans sa patrie qu'il avait tant souffert», et il jura qu'il la défendrait jusqu'à son dernier soupir.

      Comme Farinata avait une grande autorité, son intervention sauva la ville, mais elle n'en fut pas moins réduite à un degré d'infériorité humiliant au dernier point.

      Après leur triomphe, les Gibelins au pouvoir eurent à compter avec le parti guelfe dont l'opposition sourde et constante fut d'autant plus haineuse qu'il avait plus à redouter l'influence du parti modéré gibelin qui, par de sages mesures, offrait aux Guelfes la possibilité de rentrer dans leur patrie, sans lutte.

      Ces vues pacificatrices ne manquèrent pas d'exciter de grandes inquiétudes aussi bien chez les Guelfes que chez le Pape qui voyaient dans l'apaisement des esprits la perte de leur influence. Leur politique devait donc consister à exploiter la moindre apparence de mécontentement et à nier la bonne foi des Gibelins, en les déclarant incapables de gouverner avec impartialité et douceur. Le peuple n'était pas mûr pour comprendre l'intérêt qu'il pouvait y avoir à établir une paix durable par des concessions réciproques; prompt à accueillir les conseils et les insinuations perfides, il se souleva contre les Gibelins, les expulsa et ouvrit ses portes à Guy de Montfort et aux Français (1267).

      Le gouvernement guelfe rétabli s'empressa d'offrir à Charles d'Anjou la seigneurie de Florence avec le droit d'y déléguer un vicaire royal et un podestat chargés de tous ses pouvoirs. Les biens des Gibelins furent confisqués et partagés en deux portions: la première distribuée à titre de dommages-intérêts, tandis que la seconde allait constituer le trésor connu sous le nom de «Masse guelfe», destiné à servir de fonds de réserve au parti. Par suite de ces événements, Florence redevenait guelfe dans l'âme et le lys rouge, symbole guelfe par opposition au lys blanc, symbole gibelin, imposa sa couleur à toute chose. En face d'une si violente réaction, la minorité gibeline qui avait été tolérée, dut elle-même se transformer et, suivant la marche des événements et des idées, devenir peu à peu l'élément modéré du parti guelfe.

      L'année 1282 est marquée dans l'histoire de Florence par la constitution définitive de la République, forme gouvernementale impérieusement réclamée, comme seule capable de soustraire l'État à la domination d'un maître étranger ou à la tyrannie des coteries locales. Pour remplir une fonction publique, il fallut non seulement être inscrit dans l'un des arts, mais encore l'avoir exercé. A la tête du gouvernement siégeait un conseil qui formait la Seigneurie. Il était composé des six prieurs des arts nobles représentant leur corporation et un quartier de ville (Sestiere). Ces magistrats, élus pour deux mois, n'étaient pas rééligibles avant deux années révolues. Investis de tout le pouvoir exécutif pendant toute la durée de leur magistrature, soumis à l'existence la plus sévère, ils devaient vivre ensemble au Palais Vieux, nourris aux frais de l'État, mangeant à la même table et couchant en commun; enfin ils n'avaient sous aucun prétexte le droit de s'absenter.

      La première préoccupation de la République devait être de trouver un remède aux dissensions de la noblesse devenues intolérables. Le gouvernement promulgua, à cet effet, une sorte de charte par laquelle il proscrivait les familles nobles les plus irréductibles et soumettait les autres aux pénalités les plus rigoureuses. Mais, devant l'inefficacité de la loi et l'impossibilité de l'appliquer, il fallut chercher un moyen énergique pour maintenir l'ordre dans la cité, et on se résolut à investir un magistrat d'une autorité redoutable: ce fut la création du Gonfalonat, destiné à devenir par la suite la première charge de la République.

      Le Gonfalonier, élu par les anciens prieurs, avait droit de justice sur tous les citoyens indistinctement et pouvait exercer ses poursuites de jour et de nuit, à toute heure et en tout lieu. Au début, il vivait avec les prieurs; mais l'importance de sa charge était telle

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