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rivalité comme par la jalousie nouvelle du commerce et de l'influence en Syrie.

      Gélase avait été chassé de Rome. Il se sauva en Toscane. Il vint, en suppliant, à Pise, de là à Gênes, mendiant partout des secours. Les Génois lui prodiguèrent les soins et les respects; il consacra leur nouvelle cathédrale; ils le conduisirent en sûreté jusqu'en Provence. Or, en ce temps, la domination de la Corse était prétendue entre les deux républiques rivales. Chacune y avait quelques établissements, toutes deux s'appuyaient des concessions accordées par les papes; et Gênes, en preuve de la sienne, payait au saint-siège un tribut annuel d'une livre d'or. Le droit de consacrer les évêques de Corse dans l'église de Gênes ou dans celle de Pise était controversé depuis longtemps, et Rome ne se pressait pas de décider. L'archevêque de Pise, en vertu de son grade, réclamait les privilèges de métropolitain sur l'île entière. Les Génois n'avaient point d'archevêque chez eux, mais ils ne voulaient pas laisser dépendre d'un étranger les diocèses soumis à leur domination. Les deux partis sollicitèrent Gélase à son passage. Il avait entendu les Pisans les premiers, et ils assurent qu'il leur avait donné gain de cause. Mais, recueilli, aidé à Gênes, il lui resta sans doute assez de bonnes paroles à y prodiguer. C'est de ce moment que la guerre éclata avec une grande animosité; d'abord les Génois débarquèrent à l'improviste sur les côtes d'une des provinces de la Sardaigne; les établissements des Pisans furent ravagés: le butin fut considérable. L'année suivante on arma quatre-vingts galères pour attaquer les ennemis dans leur métropole. Vingt-deux mille combattants sortirent de Gênes: parmi eux cinq mille étaient couverts d'armes brillantes, disent les chroniques, et cette distinction des guerriers et de la foule qui les suivait peut faire considérer l'expédition entière comme une levée en masse. Elle donne aussi une idée des forces de la république en ce temps. L'annaliste Caffaro, alors un des consuls et l'un des chefs de l'entreprise, assure qu'on poussa jusque dans la ville ennemie, et que la terreur fit conclure une paix immédiate; aussi fut-elle passagère. Les Pisans reprirent les armes, mais la fortune continua à être favorable à Gênes. Le pape Calixte, successeur de Gélase, intervint; il évoqua à son siège la querelle des évêchés de Corse, et cita les parties au concile de Latran. On y fit tourner l'affaire en négociations inutiles; après un long délai, on la remit au jugement d'une junte d'archevêques et d'évêques; les anciens titres furent compulsés; et quelle fut enfin la décision tant attendue? On rejeta les prétentions des deux parties, et le droit de sacrer les Corses fut réservé au pape. Il suffit à l'animosité des Génois que Pise ne l'emportât pas sur eux. La sentence du pape fut rapportée à Gênes en triomphe; mais à Pise, on y résista, les hostilités reprirent leur cours, et Calixte ne s'en inquiéta guère.

      Les flottes ennemies épiaient les convois marchands. On se mettait comme en embuscade entre la Corse et la Sardaigne, entre ces îles et le continent. On aimait mieux s'attacher à la poursuite lucrative des riches cargaisons ou des galères chargées de voyageurs que l'on pût rançonner, que de se chercher en force et de se combattre. Ainsi se prolongea la guerre de saison en saison. Cependant les Génois établissaient leur croisière à la bouche de l'Arno, défiaient leurs émules et se vantaient que ceux-ci ne venaient pas les braver si près de Gênes. En poursuivant une flotte pisane ils débarquèrent (1126) à Piombino, ravagèrent le pays et amenèrent les habitants en esclavage. Dans une autre rencontre, ils allèrent chercher l'ennemi jusqu'en Sicile et dans le port de Messine (1129). Les Messinois voulant s'opposer à la violation de leur territoire, les Génois débarquèrent et s'attaquèrent à tout ce qui se présenta devant eux. Dès ces temps, les droits de la neutralité n'étaient pas interprétés par les plus forts autrement que de nos jours. Le roi de Sicile fut obligé d'accourir pour s'opposer à ces audacieux étrangers, et, à en croire leur annaliste, ils ne s'arrêtèrent que devant le palais du prince, et n'abandonnèrent qu'à sa prière le butin qu'ils n'avaient pas manqué de faire sur le chemin qu'ils avaient parcouru.

      Enfin le pape Innocent II entreprit d'éteindre une guerre qui troublait l'Italie, qui détournait des soins dus à la conservation de la terre sainte, mais surtout qui l'empêchait d'être secouru lui-même dans ses querelles. Le pontife éleva le siège de Gênes à la dignité d'archevêché, et, en vertu de l'égalité de titre et de juridiction, les deux métropoles se partagèrent pour suffragants les évêques de Corse. C'était faire gagner le procès aux Génois; mais ils avaient envoyé au pape huit de leurs galères pour l'aider à remettre sous son joug les Romains révoltés. La faveur des souverains pontifes s'arrêtait avec complaisance sur des enfants du saint-siège, si dociles et si respectueux. Lucius II, dans son court pontificat, se hâta de leur donner par une bulle la confirmation de leurs propriétés et de leurs privilèges à la terre sainte, et, par une autre largesse médiocrement coûteuse, il leur fit remise de la livre d'or qu'ils payaient en tribut pour leurs possessions de Corse. Leurs écrivains postérieurs ont beaucoup exalté ce don. Ils avaient besoin d'en tirer la preuve que la seigneurie que Gênes s'arrogeait sur l'île n'était pas imaginaire, qu'elle pouvait être réclamée en conscience et sans péché.

      (1132) La guerre de Pise avait duré quatorze ans. Elle ne paraît pas avoir affaibli Gênes, ni retardé ses progrès. En obligeant à des armements continuels, en tenant la population maritime en haleine, elle tendait le principal ressort de la grandeur de la république; elle développait l'énergie. Au sortir de cette lutte, on voit les Génois étendre leur prépondérance et porter fort loin leurs entreprises maritimes, commerciales et guerrières.

      Quoique le comte de Toulouse eût enseigné à ses sujets le chemin de l'Orient, il ne paraît pas qu'ils eussent été aussi diligents que les Italiens à en rapporter le commerce. Les Génois étaient en possession d'approvisionner de denrées et de marchandises étrangères la Provence, le Languedoc, la Catalogne, et toute la côte espagnole. Les seigneurs les rançonnaient quelquefois; mais parfois aussi, quand ces nobles châtelains avaient besoin d'assistance, ils briguaient celle de ces puissants navigateurs. Ceux-ci sentant leur force, habiles à ne pas l'employer sans s'en assurer le prix, ne répugnaient pas aux occasions d'accroître leur influence. Au nom du pape, leur secours fut sollicité par Guillaume VI, comte de Montpellier. Il avait été chassé de sa ville, favorisée dans sa révolte par le comte de Toulouse, Innocent II avait mis d'abord la cité rebelle en interdit. Il excommunia ceux qui, dit sa bulle, s'en faisaient appeler consuls; et avec eux le comte de Toulouse; mais il fallait d'autres armes. Guillaume obtint (1143) des troupes du comte de Barcelone et quatre galères des Génois. Ceux-ci, avaient eu à se plaindre des exactions que le comte leur avait fait souffrir. Il fut obligé, pour premier prix de l'assistance qu'il obtenait, de payer mille marcs d'argent en restitution de ce qu'il avait exigé; et lorsque, avec l'aide de ses auxiliaires et après un long siège, il fut enfin rentré dans sa ville, les Génois, fidèles à leur système d'établissement, se firent accorder des privilèges étendus pour leur commerce, l'exemption des droits, et une enceinte franche pour leurs magasins1.

      (1144) La nièce du comte de Montpellier était dame de la petite ville de Melgueil (Magdelonne); elle avait épousé le comte de Provence frère du comte de Barcelone. Les Provençaux étaient alors en hostilité avec les Génois qui leur reprochaient de favoriser les fréquents soulèvements de Vintimille. Le comte de Provence eut peu d'égards pour les alliés de son oncle; il arma contre eux, et essaya de prendre leurs navires à leur approche du port de Melgueil; la tentative fut malheureuse, il fut tu par les Génois.

      Cet événement ne rompit pas les alliances de sa famille avec la république. Peu après, les comtes de Barcelone et de Montpellier concouraient avec elle dans une très entreprise sur les côtes d'Espagne2.

      Par delà la Catalogne, elles étaient habitées par les Mores. Les Génoisque le commerce et la course de leurs galères portaient par toute la Méditerranée, négociaient sans scrupule avec les mahométans d'Afrique et d'Espagne; mais quand la rencontre de quelque riche cargaison faisait juger que le profit du corsaire passerait ceux du marchand, on traitait les Sarrasins d'ennemis naturels des chrétiens, et on prenait leurs vaisseaux. Les Sarrasins croisaient à leur tour; et, pour mieux dominer sur les mers, ils avaient fait de Minorque le siège de leurs armements. Les Génois essayèrent, seuls d'abord, de les chasser de cette île (1146). Ils expédièrent vingt-deux galères et six grands vaisseaux, qui portaient des tours mobiles et des machines.

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