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pour Génois, et tenu de se ranger sous la jalouse protection de leurs consulats. Ce changement de disposition répond à celui qui s'était fait dans leurs relations avec leurs voisins. Ils avaient ménagé des acquisitions et entrepris des conquêtes des deux côtés du littoral; ils marquaient déjà le Var et la Magra pour les limites de leur domination, bornes qu'elle n'a point dépassées dans la suite du temps. Ils affectaient déjà d'en occuper l'espace. Mais entre ces deux frontières, leurs possessions étaient précaires et leurs prétentions mal reconnues.

      Cent cinquante milles de côtes sont le territoire de cette Ligurie maritime dont ils ambitionnaient la souveraineté. Elles sont formées par une longue chaîne de montagnes, dont la partie occidentale joignant l'Apennin aux Alpes de Nice, borde immédiatement la mer, en courant au levant jusqu'à la ville de Gênes. Là la chaîne se plie, tourne au sud- est, et se prolonge vers la Toscane; elle est une portion de cette grande arête qui divise l'Italie entre les deux mers. Là où le flot n'a pas envahi le pied des monts, se trouvent d'étroites plages de tout temps peuplées de navigateurs. Une pénible culture tire quelque parti des vallées courtes et resserrées qui remontent le long du lit des torrents dont les montagnes sont sillonnées: l'olivier les enrichit et les pare. Là où les hauteurs donnent des abris favorables, s'unissent le citronnier et l'oranger; on y voit même le palmier apporté d'Afrique. Au delà des monts sont les fertiles plaines du Piémont et de la Lombardie. Mais cette terre promise n'a pas été réservée aux Génois. Au temps dont nous parlons, toute l'épaisseur de cette barrière de montagnes était loin de leur appartenir; l'ambition, non pas de descendre dans la plaine, mais de s'établir sur le revers qui la regarde par delà la crête des monts, n'était entrevue que dans le lointain.

      Gênes, en voulant s'étendre, rencontrait un grand nombre d'obstacles dans toutes les directions. Des populations du littoral qu'elle a successivement agrégées à sa seigneurie, il n'en est aucune qui n'ait fréquemment secoué ce joug. Au couchant était Savone, Albenga, Vintimille, les principales des petites villes ou bourgades de Gênes au Var. Toutes trois étaient antiques; les deux dernières avaient été, sous les Romains, des cités qui servaient de chefs-lieux à toute cette portion de la Ligurie maritime. Savone et Albenga étaient, au douzième siècle, de petites républiques; et entre elles, Noli réclamait les mêmes droits. Gênes n'était pas beaucoup au-dessus de ses voisines. Nous ne connaissons pas les titres en vertu desquels elle prétendit les soumettre. Le plus apparent n'est que le droit de convenance, et celui du plus fort en a seul décidé à la longue.

      Vintimille était tombée sous le pouvoir d'un comte héréditaire, car des débris des institutions de Charlemagne et de ses successeurs, il restait dans ces pays des marquis et des comtes. De nombreux seigneurs, se glorifiant d'être vassaux de l'empire, avaient planté leurs châtellenies féodales parmi les croupes et les pics de l'Apennin. De là ils enviaient le rivage de la mer, et les richesses qui commençaient à s'y répandre. Quelques-uns y avaient mis le pied, comme le comte de Vintimille: la famille des Caretto tenait le marquisat de Final. Dans les montagnes, il y avait des marquis de Ceva, de Clavesana, etc. Au nord était le marquis de Gavi. Au delà régnaient des seigneurs plus puissants: le comte de Piémont, le marquis de Montferrat. Des services réciproques à la terre sainte tenaient ordinairement ce dernier en bonne intelligence avec Gênes; mais plus d'une fois son ambition se heurta contre celle de la république. C'est ainsi que, pendant le cours des croisades, nous trouvons Gênes au milieu de petites communes mal soumises, et de nobles voisins plus guerriers que ses bourgeois: elle étend lentement son pouvoir contesté et envié dans la rivière du ponent. On sait que l'usage a conservé le nom de rivière (Riparia de la basse latinité) aux deux portions du rivage dont Gênes occupe le milieu.

      La rivière du levant n'avait point alors de ville municipale; l'antique cité de Luni avait péri, mais les hauteurs étaient occupées par la puissante famille féodale de Malaspina, la même que nous avons vue associée avec les Génois dans une expédition de Sardaigne. Il y avait des comtes de Lavagna, dont les possessions tenaient de la montagne à la mer. Enfin, la frontière orientale confinait avec celle des Pisans, dont l'inimitié et les forces ne laissaient aucune sécurité.

      Aussi les premiers efforts que nous voyons faire aux Génois, aussitôt que les biens recueillis à la croisade les ont fortifiés, sont dirigés de ce côté. Ce ne fut pas sans peine qu'ils établirent sur les populations maritimes une domination qui resta longtemps douteuse. Ils pensèrent bientôt à se donner un point d'appui plus solide. A l'extrémité de leur territoire est le beau golfe de la Spezia, enfoncé dans les terres avec une ouverture défendue par des îles. Les Pisans en tenaient le fond et la côte orientale. Les Génois bâtirent et fortifièrent Porto-Venere à l'occident et à l'entrée du golfe (1113). Cette position, en dominant les îles qui resserrent l'entrée de ce vaste bassin, y donne un passage assuré.

      Une autre acquisition n'était pas moins importante pour s'assurer contre l'invasion. La vallée de l'un des deux torrents, de la Polcévera et du Bisagno, entre lesquels la ville de Gênes, au pied d'une haute montagne, est assise sur la mer, offre à ceux qui la remontent une voie pénible, mais alors la seule praticable pour communiquer aux plaines lombardes. Celui qui pouvait l'ouvrir à des ennemis était le maître d'exposer Gênes à des coups de main imprévus. Le marquis de Gavi possédait cet avantage; au moyen de son château et de celui de Voltaggio, il fermait les gorges de l'Apennin, et il n'avait pas manqué d'y établir un péage à son profit. C'était la moindre oppression qu'il fallait attendre de ce voisinage. Les Génois voulurent s'y soustraire à tout prix. Ils s'emparèrent d'abord de vive force de quelques positions qui dominaient ces défilés: mais ils s'estimèrent heureux que leurs succès servissent à faciliter une négociation, et ils ne craignirent pas d'acheter au prix de quatre cents livres d'or Voltaggio et les revenus qui en dépendaient (1121). Avertissons cependant que lorsqu'ils eurent donné l'exemple de livrer leurs trésors à leurs nobles voisins, ils furent bientôt réduits à payer plusieurs fois et à racheter sans cesse les territoires qu'on leur avait vendus le plus solennellement.

      CHAPITRE VI.

       Expéditions maritimes.

      Tandis qu'on employait ainsi les richesses publiques rapportées de Syrie, on continuait à naviguer vers la terre sainte, mais le négoce, et non plus le zèle ou l'ardeur belliqueuse, y conduisait les vaisseaux génois. On se contentait de renforcer les colonies maritimes (1131). Cependant elles étaient déjà menacées (1144). Sous Foulque d'Anjou, gendre et successeur de Baudouin II, sous Baudouin III, fils de Foulque, tout commençait à présager la dissolution du royaume. L'empereur des Grecs, en attaquant la principauté d'Antioche, avait affaibli l'une des barrières de la terre sainte: un autre boulevard était tombé. Zenghi, émir de Mossoul, s'empara d'Édesse (1148). Noureddin, fils et successeur de Zenghi, pénétra jusqu'au port Saint-Siméon et affecta de se baigner dans cette mer dont il voulait enlever le rivage aux chrétiens. Damas tomba en son pouvoir, et devint le siège d'une grande puissance qui devait détruire celle des Latins (1152). Au milieu de ces désastres, Baudouin III eut le bonheur d'acquérir Ascalon, la dernière et la plus méridionale des villes de Syrie. Elle avait été tenue jusque-là par les Egyptiens, dont elle avoisinait la frontière. Cette ville servit, de ce côté, de rempart aux établissements chrétiens et retarda leur ruine. Ces événements occupèrent la scène jusqu'au milieu du douzième siècle.

      Quand les intérêts des colonies génoises furent menacés de si près, on vit la république faire des efforts pour les secourir efficacement. Jusque-là elle ne paraît pas avoir montré un grand empressement pour la défense du royaume de Jérusalem. Il en eût été autrement s'il eût été permis aux Génois d'avoir pour leur évêque notre fameux abbé de Clairvaux. Les voyages de saint Bernard à Rome l'avaient fait connaître et révérer partout sur son passage, et l'épiscopat de Gênes lui fut offert. Cette nomination fut rendue inutile par la désapprobation du pape Gélase II. Il manda de laisser Bernard aux plus grandes choses auxquelles le ciel l'appelait. Le saint abbé, afin de marquer son affection envers le troupeau qui l'avait désiré pour pasteur, adressa à Gênes une lettre pleine d'exhortations pieuses. Il y recommanda de secourir la terre sainte, et de se défendre, au dedans, de l'hérésie. Il n'y a pas soixante ans que l'autorité de son épître fut citée au sénat contre un étranger devenu citoyen.

      Sous

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