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les départements fédéralistes, sur les frontières envahies.

      La Convention, dans une séance solennelle, crut ne pouvoir faire mieux que de fixer au 20 octobre suivant (1793) la fin de la guerre vendéenne, et elle accompagna son décret de cette énergique proclamation:

      «Soldats de la liberté, il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés avant la fin du mois d'octobre; le salut de la patrie l'exige, l'impatience du peuple français le commande, son courage doit l'accomplir! La reconnaissance nationale attend à cette époque tous ceux dont la valeur et le patriotisme auront affermi sans retour la liberté et la République!»

      Ainsi la Convention décrétait, par avance, la victoire; mais autre chose est de vaincre sur le papier, dans les conseils, ou de vaincre sur le champ de bataille. Le gouvernement envoya d'autre généraux en Vendée, où Canclaux se proposait d'opérer un grand mouvement offensif et battait effectivement Bonchamp, dans le moment même où un décret le destituait, ainsi qu'Aubert du Brayer et Grouchy.

      Cependant l'armée de Mayence, ayant Kléber à sa tête, avançait à marches forcées. Le 18 septembre, elle rencontra à Torfou les royalistes. Le combat fut sanglant, et les républicains battus après une lutte épouvantable.

      Les Vendéens les appelaient, par dérision, les «Faïençais»; mais les républicains ne devaient pas tarder à prendre leur revanche: la bataille de Cholet, la seule qui eut le caractère des batailles militaires, vint porter un rude coup aux royalistes. Elle eut lieu le 14 octobre. Tout y fut carnage, acharnement, héroïsme de part et d'autre. Les Vendéens s'élancèrent en courant en colonnes serrées sur une lande découverte, et enfoncèrent d'abord les bataillons ennemis.

      Un tourbillon de fuyards entraîna Carrier à cheval, et le représentant Merlin, brave et payant de sa personne, fit le service du canon; mais les Mayençais accouraient la baïonnette en avant. Kléber, Marceau, Beaupuy, Haxo, se multipliaient et donnaient l'exemple. Tout était encore incertain sur le sort de la journée cependant, lorsque d'Elbée et Bonchamp tombèrent grièvement blessés.

      Alors la fortune se décida pour les Mayençais. Les Vendéens se dispersèrent, emmenant néanmoins avec eux les prisonniers qu'ils avaient faits au commencement de l'action.

      Quatre jours après, le 18 du même mois, les bleus, marchant sur Beaupréau, entendirent tout à coup les cris de:

      —Vive la République! vive Bonchamp.

      C'étaient quatre mille prisonniers qui revenaient vers leurs camarades. Ils racontèrent que Bonchamp les avait délivrés avant de rendre le dernier soupir: Bonchamp, en effet, étendu sur un matelas et expirant, avait dit aux Vendéens, qui voulaient fusiller ces hommes:

      —Grâce aux prisonniers! Bonchamp l'ordonne.

      Puis il mourut. Bonchamp était l'homme le plus aimé, le plus vénéré de l'armée royaliste depuis la mort de Cathelineau. Plus tard, Napoléon dit qu'il en avait été le meilleur général.

      Les Vendéens passèrent alors sur la rive droite de la Loire, et les représentants écrivirent à la Convention: «La Vendée n'est plus!» Le décret qui ordonnait de terminer la guerre avant la fin d'octobre était donc exécuté dès le 18 du mois. Les Parisiens se livrèrent à un enthousiasme sans pareil. Joie prématurée cependant. L'opinion de Kléber, qui prétendait que tout n'était pas fini, devait l'emporter avec le temps.

      Moins de quinze jours après, on apprit que les Vendéens existaient encore. Léchelle fut battu, Beaupuy mourut d'une balle en pleine poitrine. Le commandement des «bleus» fut donné à Chalbos, et les royalistes, prenant pour chef suprême La Rochejacquelein, avec Stofflet sous ses ordres, attaquèrent Granville le 14 novembre. Ne réussissant pas à prendre la place, ils furent vengés par leurs succès à Pontorson, à Dol et à Anhain, qui rallumèrent leur ardeur prête à s'éteindre. Les armées républicaines perdaient chaque jour du terrain sous les ordres d'Antoine Rossignol, célèbre par ses continuels revers, bien que le comité de Salut public l'appelât son «fils aîné». Ce fut alors que, sur la proposition de Kléber, Marceau, à vingt-deux ans, devint général en chef de l'armée républicaine.

      Les luttes opiniâtres allaient recommencer plus terribles que jamais, car la Bretagne vint à ce moment au secours de sa sœur la Vendée. Jean Chouan, ou plutôt Jean Cottereau, puisqu'il est plus connu sous ce nom, avait rejoint, avec ses bandes, l'armée de La Rochejacquelein à Laval, et le prince de Talmont était arrivé avec un renfort de cinq mille Manceaux. Cette fois, la guerre allait changer de nom, et se nommer définitivement la «chouannerie».

       Table des matières

       Table des matières

      Nous sommes en 1793, au mois de décembre, dans l'antique forêt de Saint-Gildas. Les arbres, dénués de feuilles, révèlent la rigueur de l'hiver; le ciel gris menace de laisser tomber sur la terre ce manteau blanc que l'on nomme la neige, et que les savants nous ont appris être les vapeurs d'un nuage qui, se réunissant en gouttelettes, passent par des régions plus froides, se congèlent en petites aiguilles, et, continuant de descendre, se rencontrent, s'émoussent, se pressent et s'entrelacent pour former des flocons. Un vent du nord-ouest, froid et soufflant par rafales, s'engouffre dans la forêt et la fait trembler jusque dans ses profondeurs. Il est quatre heures du soir, et à cette époque de la saison, le crépuscule du soir commence à assombrir cette partie de l'hémisphère boréal où se trouve le vieux monde. La nuit va descendre rapidement.

      Longeant la rive gauche de la Vilaine, un homme vêtu du costume breton, portant au chapeau la cocarde noire et sur la poitrine l'image du sacré cœur, qui indique le chouan, se dirige vers la lisière de la forêt. Une paire de pistolets est passée à sa ceinture de cuir qui supporte déjà un sabre sans fourreau; une carabine est appuyée sur son épaule; il porte en sautoir une poire à poudre, et dans un mouchoir noué devant lui quelques douzaines de balles de calibre.

      Une large cicatrice, rose encore, sillonne sa joue droite et indique que cet homme n'est pas resté étranger à la guerre épouvantable qui déchire la province.

      Au moment où nous le rencontrons, il se dirige vers la forêt de Saint-Gildas. Cette forêt était alors au pouvoir des royalistes, comme tout le pays environnant jusqu'à Nantes, et les chouans y avaient établi un «placis».

      On désignait par ce nom de placis un campement de chouans dans une forêt. Les royalistes choisissaient pour cela une clairière de plusieurs arpents entourée d'abatis. Des cabanes de gazon, de feuillage, de bois mort, étaient bâties rapidement au milieu de l'enceinte. Au centre on réservait un arbre, ou, à son défaut, on élevait un poteau sur lequel on plaçait une croix d'argent. Un autel de terre et de mousse était dressé au pied.

      C'était dans le placis que se réfugiaient les femmes et les enfants qui avaient déserté leurs fermes et leurs granges pillées ou brûlées par les bleus. Les uns s'occupaient à moudre du grain, les autres fondaient des balles. Les enfants tressaient des chapeaux ou fabriquaient des cocardes. Les placis servaient aussi d'ambulance pour les blessés et de quartier général pour les chefs. Des sentinelles, dispersées dans les environs, qui dans les genêts, qui sur les arbres, étaient toujours prêtes à donner le signal d'alarme. Le placis de Saint-Gildas était commandé par M. de Boishardy.

      Avant de s'engager dans la forêt, l'homme fit entendre le cri de la chouette. Un cri pareil lui répondit; puis le son d'une corne, répété successivement, annonça au placis l'arrivée d'un paysan.

      En

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