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Le marquis de Loc-Ronan. Ernest Capendu
Читать онлайн.Название Le marquis de Loc-Ronan
Год выпуска 0
isbn 4064066085971
Автор произведения Ernest Capendu
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
Une compagnie de ce bataillon portait le nom terrible et symbolique de «le Vengeur». Rendus promptement illustres par leurs exploits, les héros du bataillon sacré ne marchaient que précédés de l'effroi qui mettait les bleus en fuite sur leur sanglant passage. Le Vengeur devait tomber anéanti, semblable au vaisseau son homonyme, sans laisser debout un seul de ses hommes. C'était à Cholet que devait s'élever son tombeau.
La troisième classe, composée du reste des paysans, la plupart mal armés, s'établissait en une masse confuse autour des canons et des caissons. La cavalerie, formée des hommes les plus intelligents et les plus audacieux, servait à la découverte de l'ennemi, à l'ouverture de la bataille, à la poursuite des vaincus et des fuyards, et surtout à la garde du pays après la dispersion des soldats.
Quand les combattants se trouvaient réunis pour une expédition au lieu qui leur avait été désigné, avant d'attaquer les bleus ou d'essuyer leur charge, la troupe entière s'agenouillait dévotement, chantait un cantique, et recevait l'absolution du prêtre qui, après avoir béni les armes, se mêlait souvent dans les rangs pour assister les blessés ou exciter les timides en leur montrant le crucifix.
La manière de combattre des Vendéens ne variait jamais. Pendant que l'avant-garde se portait intrépidement sur le front de l'ennemi, tout le corps d'armée enveloppait les républicains, et se dispersait à droite et à gauche au commandement de: «Égaillez-vous, les gars!» Ce cercle invisible se resserrait alors en tiraillant à travers les haies, et, si les bleus ne parvenaient point à se dégager, ils périssaient tous dans quelque carrefour ou dans quelque chemin creux.
Arrivés en face des canons dirigés contre eux, les plus intrépides Vendéens s'élançaient en faisant le plongeon à chaque décharge. «Ventre à terre, les gars!» criaient les chefs. Et se relevant avec la rapidité de la foudre, ils bondissaient sur les pièces dont ils s'emparaient en exterminant les canonniers.
Au premier pas des républicains en arrière, un cri sauvage des paysans annonçait leur déroute. Ce cri trouvait à l'instant, de proche en proche, mille échos effroyables, et tous, sortant comme une véritable fourmilière des broussailles, des genêts, des coteaux et des ravins, de la forêt et de la plaine, des marais et des champs de bruyère, se ruaient avec acharnement à la poursuite et au carnage.
On comprend quel était l'avantage des indigènes dans ce labyrinthe fourré du Bocage, dont eux seuls connaissaient les mille détours. Vaincus, ils évitaient de même la poursuite des vainqueurs; aussi en pareil cas, les chefs avaient-ils toutes les peines du monde à rallier leurs soldats. Au reste, il ne fallait pas que la durée des expéditions dépassât une semaine. Ce terme expiré, quel que fût le dénouement, le paysan retournait à son champ, embrasser sa femme et prendre une chemise blanche, quitte à revenir quelques jours après, avec une religieuse exactitude, au premier appel de ses chefs. Le respect de ces habitudes était une des conditions du succès: on en eut la preuve, lorsque, le cercle des opérations s'élargissant, on voulut assujettir ces vainqueurs indisciplinés à des excursions plus éloignées et à une plus longue présence sous les armes.
Tout Vendéen fit d'abord la guerre à ses frais, payant ses dépenses de sa bourse, et vivant du pain de son ménage. Plus tard, quand les châteaux et les chaumières furent brûlés, on émit des bons au nom du roi; les paroisses se cotisèrent pour les fournitures des grains, des bœufs et des moutons. Les femmes apprêtaient le pain, et, à genoux sur les routes où les blancs devaient passer, elles récitaient leur chapelet en attendant les royalistes, auxquels elles offraient l'aumône de la foi.
Les paroisses armées communiquaient entre elles au moyen de courriers établis dans toutes les communes, et toujours prêts à partir. C'étaient souvent des enfants et des femmes qui portaient dans leurs sabots les dépêches de la plus terrible gravité, et qui, connaissant à merveille les moindres détours du pays, se glissaient invisibles à travers les lignes des bleus.
En outre, les Vendéens avaient organisé une correspondance télégraphique au sommet de toutes les hauteurs, de tous les moulins et de tous les grands arbres. Ils appliquaient à ces arbres des échelles portatives, observaient des plus hautes branches la marche des bleus, et tiraient un son convenu de leur corne de pasteur. Une sorte de gamme arrêtée d'avance possédait différentes significations, suivant la note émise par le veilleur. Le son, répété de distance en distance, portait la bonne ou mauvaise nouvelle à tous ceux qu'elle intéressait. La disposition des ailes des moulins avait aussi son langage. Ceux de la montagne des Alouettes, près les Herbiers, étaient consultés à toute heure par les divisions du centre.
Les premiers jours de mars avaient vu éclater la guerre. En moins de deux mois l'insurrection prit des proportions gigantesques, menaçant d'envahir l'ouest entier de la France. Des cruautés inouïes se commettaient au nom des deux partis, et plus le temps s'écoulait, plus la guerre avançait, plus la haine et la sauvagerie prenaient des deux côtés de force et d'ardeur. Pour répondre aux atrocités accomplies par le général républicain Westerman, auquel Bonchamp ne donnait que l'épithète de «tigre», quatre cents soldats bleus prisonniers furent égorgés à Machecoul. Sauveur, receveur à La Roche-Bernard, ayant refusé de livrer sa caisse aux insurgés qui s'étaient emparés de la ville aux cris de «Vive le roi!» fut attaché à un arbre et fusillé.
A partir du mois d'avril 1793, la Vendée, théâtre de la guerre, ne devint plus qu'un vaste champ de carnage. La proscription des Girondins, le 31 mai suivant, vint redonner encore de la vigueur au soulèvement des populations et faire atteindre à la guerre civile toute l'apogée de sa rage.
Il y avait loin de la guerre qui se faisait alors à celle commencée sous les auspices de La Rouairie, et qui n'était, pour ainsi dire, qu'une intrigue de gentilshommes bretons. Le 7 juin, une proclamation au nom de Louis XVIII fut faite et lue à l'armée vendéenne, qui s'empara le jour même de Doué. Le 9, elle arriva devant Saumur, emporta la ville et força le lendemain le château à se rendre. Maîtres du cours de la Loire, les royalistes pouvaient alors marcher sur Nantes ou sur La Flèche, même sur Paris.
La France républicaine était dans une position désespérante. Au nord et à l'est, l'étranger envahissait son sol. A l'ouest, ses propres enfants déchiraient son sein.
La Convention, pour résister aux révoltes de Normandie, de Bretagne et de Vendée, était obligée de disséminer ses forces, par conséquent de les amoindrir.
Cathelineau, nommé généralissime des Vendéens, résolut de s'emparer de Nantes, défendue par le marquis de Canclaux. Une balle, qui tua le chef royaliste, sauva la ville en mettant le découragement parmi les assiégeants. Pendant plusieurs jours, l'armée des blancs, désolée, demanda des nouvelles de celui qu'elle appelait son père. Un vieux paysan annonça ainsi la mort du général:
—Le bon général a rendu l'âme à qui la lui avait donnée pour venger sa gloire.
Cathelineau laissa un nom respecté: aucun chef plus que lui n'a représenté le caractère vendéen. On le surnommait le «saint d'Anjou».
Le 5 juillet, Westerman fut défait à Châtillon. Les 17 et 18, Labarollière fut battu à Vihiers. A la fin du mois, l'insurrection, plus menaçante que jamais en dépit de son échec devant Nantes, dominait toute l'étendue de son territoire.
Biron, Westerman, Berthier, Menou, dénoncés par Ronsin et ses agents, furent mandés à Paris. Beaucoup de gens ne se faisaient point d'illusion: les dangers de la République existaient en Vendée; cette guerre réagissait sur l'extérieur.
—Détruiser la Vendée, s'écriait Barrère, Valenciennes et Condé