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fait!

      —Que dis-tu, mon gars?

      —Je dis que je me suis rendu à Rosporden; que je m'y suis caché trois jours de suite. Le deuxième jour, à la nuit tombante, je me suis glissé dans la maison qu'habitaient ensemble deux des assassins d'Yvon. L'un d'eux dormait, je l'ai poignardé. L'autre a voulu crier et se défendre, je lui ai brisé le crâne d'un coup de ma hache. Le lendemain, je m'embusquai en guettant le troisième, et la balle de ma carabine l'atteignit en pleine poitrine. Il est tombé sans pousser un soupir. Yvon était vengé. La mission que m'avait confiée M. de Boishardy avait été remplie quelques jours auparavant; rien ne me parlait d'Yvonne; je partis, et me voilà!

      Jahoua serra silencieusement la main de Keinec. Le jeune homme reprit:

      —Je suis allé aussi à la baie des Trépassés.

      —Et Carfor?

      —Il n'a pas reparu.

      —Keinec, dit Jahoua, quand je pense comment cet homme nous a échappé, je suis tenté de croire à la vertu de ses sortilèges.

      —C'est étrange, en effet.

      —Quand nous l'avons forcé à nous dire ce qu'était devenue Yvonne, il était brisé par la douleur.

      —Je me souviens. Et même nous l'avions porté dans cette crevasse des falaises dont nous avions fermé l'ouverture.

      —Oui; et nous devions l'y retrouver! il devait mourir là!

      —Le lendemain, cependant, il n'y était plus.

      —Et personne ne l'avait vu dans le pays.

      —Qui a pu le délivrer?

      —Oh! c'est incroyable de penser qu'un autre ait été le découvrir dans cet endroit.

      —D'autant plus incroyable, que personne n'osait descendre dans la baie.

      —Et pourtant il n'y était plus.

      —Il aura appelé le diable à son aide!

      En ce moment Fleur-de-Chêne entra dans la cabane.

      —Viens! dit-il à Keinec.

      Le jeune homme s'empressa de le suivre, après avoir promis à Jahoua de revenir promptement.

       Table des matières

       Table des matières

      Keinec et son guide traversèrent le placis, et pénétrèrent dans le réduit qui servait d'habitation au chef. Un paysan en gardait l'entrée.

      —Attends! fit Fleur-de-Chêne en laissant Keinec sur le seuil, et en disparaissant dans l'intérieur.

      Mieux disposée que les autres, la cabane était divisée en deux compartiments. Fleur-de-Chêne reparut promptement dans le premier.

      —Faut-il entrer? demanda Keinec.

      —Pas encore; dans quelques minutes on t'appellera.

      Keinec s'appuya contre le tronc d'un arbre voisin. On entendait confusément un bruit de voix animées s'échapper de l'intérieur.

      La demeure du chef n'était pas mieux meublée que celle des soldats. Dans la première pièce, un banc de bois et une petite table. Dans la seconde, celle-ci était la chambre à coucher, une paillasse de fougère étendue dans un angle. Cinq ou six chaises et une vaste table en chêne composaient le reste de l'ameublement. Cinq hommes étaient assis autour de la table sur laquelle était étendue une carte détaillée de la Vendée et de la Bretagne. Quatre d'entre eux portaient un costume à peu près semblable, un peu plus élégant que celui des paysans, mais fort délabré par les fatigues de la guerre et par le séjour dans les bois. Le cinquième seul semblait très soigné dans sa mise. Il portait des bottes molles, une veste brodée, une culotte de peau et un habit de velours cramoisi. Un panache vert s'épanouissait sur son chapeau, et il tenait à la main un mouchoir de fine batiste. Le premier, celui qui tenait le haut bout de la table, était M. de Boishardy. Le second était M. de Cormatin. Le troisième, M. de Chantereau. Le quatrième, l'homme au panache et au mouchoir, était le marquis de Jausset, récemment arrivé de l'émigration, et qui n'avait encore pris aucune part aux affaires actives. Il était envoyé par le comte de Provence. Enfin, en dernier venait Marcof, dont l'œil intelligent échangeait souvent avec celui de Boishardy de nombreux signes qui échappaient à leurs interlocuteurs.

      La conférence touchait à son terme. MM. de Cormatin et de Chantereau venaient de se lever. Boishardy leur remit à chacun une feuille de papier sur laquelle se lisaient des caractères d'impression.

      —N'oubliez pas, leur dit-il, de faire placarder ce décret partout, c'est un puissant auxiliaire pour notre cause.

      —Quel décret, mon très cher? demanda le marquis d'une voix grêle et avec un accent traînard qui contrastait étrangement avec la voix rude et le ton ferme et impératif de Boishardy.

      —Le décret de la Convention, dont je vous parlais tout à l'heure.

      —Vous plairait-il de le relire?

      —Volontiers.

      Boishardy ouvrit l'une des feuilles.

      —Décret du 31 juillet 1793, dit-il.

      —Mais, interrompit Marcof, si ce décret a quatre mois de date, il doit être connu de tous.

      —Non pas, capitaine. Ce décret porte la date du 31 juillet, mais il paraît qu'il est resté longtemps en carton à Paris, car il n'est arrivé ici et n'a été placardé qu'il y a quinze jours.

      —Continuez alors.

      Boishardy reprit:

      —Je vous fais grâce des considérants, messieurs. Il y en a deux pages, dans lesquels ces bandits assassins de la Convention nous traitent de brigands, d'aristocrates; j'en arrive aux arrêtés, les voici:

      Arrêtons et décrétons ce qui suit:

      «1º Tous les bois, taillis et genêts de la Vendée et de la Bretagne seront livrés aux flammes;

      «2º Les forêts seront rasées;

      «3º Les récoltes coupées et portées sur les derrières de l'armée;

      «4º Les bestiaux saisis;

      «5º Les femmes et les enfants enlevés et conduits dans l'intérieur;

      «6º Les biens des royalistes confisqués pour indemniser les patriotes réfugiés;

      «7º Au premier coup du tocsin, tous les hommes, sans distinction, depuis seize ans jusqu'à soixante, devront prendre les armes dans les districts limitrophes, sous peine d'être déclarés traîtres à la patrie et traités comme tels par tous les bons patriotes.»

      Boishardy jeta le papier sur la table.

      —Qu'en pensez-vous, messieurs? demanda-t-il; la Convention pouvait-elle mieux agir, et nos gars, en lisant ou en écoutant les termes de ces articles, ne se défendront-ils pas jusqu'à la mort?

      —Sans doute! répondit Cormatin.

      —Permettez, fit le marquis en s'éventant gracieusement avec son mouchoir. Tout cela est bel et bon, mais ce n'est pas suffisant. Il faut écraser la République et remettre

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