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Le marquis de Loc-Ronan. Ernest Capendu
Читать онлайн.Название Le marquis de Loc-Ronan
Год выпуска 0
isbn 4064066085971
Автор произведения Ernest Capendu
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
—Je vais à Nantes, disait Keinec au fermier; je vais à Nantes, et Nantes est la seule ville de Bretagne dans laquelle nous n'ayons pas encore pénétré.
—Tu espères donc toujours? répondit Jahoua.
—Dieu est bon, et sa puissance est infinie!
—Bien parlé, mon gars! dit Marcof en entrant.
Et, approchant un siège du lit du malade, il s'assit à son chevet.
LES AMIS DE PHILIPPE DE LOC-RONAN
Vers dix heures du soir, Marcof quitta la cabane de Mariic, et regagna la demeure de Boishardy. Lorsqu'il y pénétra, le chef des chouans se promenait avec agitation dans la petite pièce.
—Je vous attendais avec impatience, dit-il en voyant entrer le marin.
—Vous avez lu? répondit Marcof en désignant le manuscrit.
—Oui.
—Eh bien?
—Je savais, ou du moins je supposais depuis longtemps une partie de ces mystères.
—Comment cela?
—J'étais à Rennes jadis, lorsque Philippe épousa mademoiselle de Château-Giron, de laquelle j'ai l'honneur d'être un peu parent, et j'assistai à leur union en qualité de témoin. Je sus plus tard qu'elle s'était retirée dans un couvent, et j'avais d'abord attribué cette résolution à quelque chagrin de ménage, chagrin dont j'étais tout d'abord fort loin de supposer la cause épouvantable. Enfin, lorsqu'il y a deux ans passés, le soir même où vous nous apprîtes, à La Bourdonnaie et à moi, que le marquis n'était pas mort, j'entendis la femme que nous avions arrêtée se parer du titre de marquise de Loc-Ronan; une partie de la lumière se fit à mes yeux, bien que je ne pusse croire que cette aventurière dît vrai et eût droit au noble nom sous l'égide duquel elle se plaçait.
—Elle avait droit cependant à ce titre qu'elle prenait.
—Le croyez-vous?
—Philippe l'avait épousée!
—Sans doute; mais il y a là dedans quelque étrange mystère.
—Qui vous le fait penser?
—La conduite de cette femme.
—Vraiment?
—Oui: une femme de qualité, une demoiselle de Fougueray, aurait tenu autrement son rang.
—Comment cela? Je ne comprends pas.
—C'est fort simple. Vous savez que je l'avais fait diriger sur le château de La Guiomarais?
—Oui.
—Vous n'ignorez pas non plus que c'est dans ce château que La Rouairie vint mourir?
—Je le sais.
—Donc cette femme s'est trouvée forcément en rapport avec lui.
—Eh bien?
—Vous ne devinez pas? La Rouairie était aussi ardent auprès des belles que courageux au milieu du feu; aussi intrépide en amour qu'au combat. Notre malheureux ami vit cette demoiselle de Fougueray et la trouva charmante. Le fait est qu'elle était à cette époque véritablement fort jolie. Quoique n'étant plus de la première jeunesse, elle avait conservé cette grâce attrayante et luxuriante, ce je ne sais quoi enfin qui fait la puissance de la courtisane. Elle s'aperçut facilement de l'effet qu'elle avait produit, et elle en profita avec une habileté et une coquetterie infernales. J'étais alors en Vendée, La Rouairie était seul, et, comme toujours, il se laissa dominer par ses passions. Bref, vous le devinez, cette femme, cette marquise qui portait un nom illustre, séduisit complètement son gardien et devint sa maîtresse!
—La misérable! murmura Marcof.
—Attendez donc, mon cher; elle avait un plan tout tracé d'avance en agissant ainsi, et ce plan, elle le mettait à exécution. Il est probable qu'elle ne comptait plus depuis longtemps ses amants, et qu'un de plus ou de moins lui paraissait chose insignifiante. Donc, ainsi que je vous le disais, elle se donna à La Rouairie dans l'espoir de parvenir à s'évader en abusant de son empire sur le cœur de ce malheureux dont le corps était affaibli par les souffrances. Elle allait, par ma foi, y réussir, lorsque j'arrivai subitement à La Guiomarais. C'était quelques jours avant la mort de La Rouairie. Je vis promptement le manège de la dame; j'en parlai à notre ami; mais lui, aveuglé par la passion, me répondit que j'étais dans l'erreur, et que sa prisonnière était la plus belle et la meilleure des créatures de Dieu. J'insistai inutilement, il ne voulut rien entendre. J'offris des preuves, il ne voulut pas ouvrir les yeux. Alors j'avisai à employer un moyen violent. Le soir même, je fis enlever la marquise, et je la conduisis moi-même à La Roche-Bernard, où Cathelineau était établi. Celui-là, pensais-je, ne se laissera pas facilement séduire. Eh bien! savez-vous ce qu'elle fit? Elle séduisit un rustre, vrai paysan grossier qui la gardait à vue, et, grâce à cet homme, elle parvint à fuir.
—Horrible créature! s'écria Marcof; et elle prostitue ainsi le nom sans tache des Loc-Ronan!
—Écoutez donc encore! A peine libre, elle alla trouver un général républicain, lui révéla la cachette de La Rouairie, et lui promit de le conduire à La Guiomarais.
—Elle le fit?
—Sans doute. Malheureusement pour elle, La Rouairie était mort; mais on découvrit son cadavre, mais on fouilla le château, et l'on trouva un bocal dans lequel étaient enfermés les doubles de nos plans et le nom de tous les chefs royalistes. Grâce à cette misérable, notre cause fut à deux doigts de sa perte.
—Et qu'est-elle devenue?
—Je l'ignore.
—Elle vit sans doute à Paris au milieu des saturnales révolutionnaires?
—Je ne crois pas, car dernièrement Cormatin m'a envoyé le signalement d'une femme qui lui ressemblait d'une façon miraculeuse.
—Et cette femme?
—Cette femme venait de traverser Rennes dans la voiture de Carrier.
—Si cela est, nous la verrons à Nantes.
—Prenons garde surtout qu'elle ne nous voie, répondit Boishardy en souriant.
Puis changeant de ton:
—Maintenant, continua-t-il, maintenant que je vous ai dit ce que je savais, apprenez-moi à votre tour ce que Philippe est devenu pendant ces deux années que nous venons de parcourir.
—Mon récit sera court; moi-même je n'ai pas revu le marquis depuis qu'il s'est fait passer pour mort.
—Alors, comment avez-vous su qu'il était prisonnier à Nantes?
—Par mademoiselle de Château-Giron.
—Sa seconde femme?
—Oui.
—Un ange de bonté, dit-on.
—Et l'on a raison de le dire.
—Où