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reprit:

      —Donc, par suite du vol de ce coquin de Sharp, nous voici à peu près dans la même situation que Robinson sur son île, avec cette différence cependant que Robinson pouvait cueillir aux arbres des fruits qui, sans l'engraisser précisément, l'empêchaient tout au moins de mourir de faim, tandis que nous...

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      Tout à coup, il s'interrompit, se frappa le front d'un geste inspiré et, s'accroupissant sur le sol, tira de sous la couchette de M. Ossipoff une caisse qu'il ouvrit.

      Elle contenait quelques douzaines de biscuits et quatre boîtes de conserves.

      —Comme quoi, dit-il, une bonne action est toujours récompensée.

      —Qu'est-ce que c'est que cela? demanda le vieillard.

      —Une attention de Mlle Séléna à l'égard de Sharp, ne voulant pas l'abandonner ici sans ressources, elle avait exigé de moi que je lui laissasse, sans en rien dire à personne, cette petite réserve.

      —Cette enfant a toujours eu un cœur d'or, murmura le vieux savant tout attendri.

      —Aussi, cette bonne action va-t-elle lui profiter, riposta Fricoulet.

      —Comment l'entends-tu? demanda Gontran.

      —Dame! pour que nous puissions l'arracher à son ravisseur, il faut que nous construisions un moyen de locomotion... or, pour cela, il nous faut du temps, et pendant ce temps-là, nos estomacs réclameront leurs droits.

      M. de Flammermont désigna le contenu de la boîte.

      —Est-ce là-dessus que tu comptes pour nous sustenter tous les trois?

      —Non, mais pour nous donner le temps de construire d'autres aliments.

      —Construire! exclama Gontran, le mot est joli.

      Puis, sérieusement:

      —Alors, ajouta-t-il, tu en reviens à ton idée première de fabriquer gigots et côtelettes.

      En entendant ces mots, Ossipoff fixa sur l'ingénieur des regards surpris.

      —M. de Flammermont plaisante, n'est-ce pas? dit-il.

      —Assurément, car telle n'est pas ma pensée.

      —Explique-toi, alors, exclama Gontran un peu piqué.

      —Je veux, tout simplement, chercher à nous procurer des éléments assimilables et permettant à notre organisme de réparer les pertes de substance journalières, causées par les dépenses de forces auxquelles nous nous livrons.

      M. de Flammermont haussa les épaules.

      —Eh! tu vois bien, dit-il; tu en reviens à mes moutons, dont les gigots sont, je crois, les seules substances assimilables susceptibles de nous rendre les services réparateurs dont tu parles.

      —Mais, mon pauvre ami, riposta Fricoulet, la perte de ta fiancée te tourne absolument la tête; autrement tu te rappellerais que dans cette viande, base de la nourriture humaine, l'eau, absolument inutile, entre pour les quatre cinquièmes du poids,... le cinquième restant est composé de matières solides, telles qu'albumine, fibrine, créatine, gélatine, chondrine, etc...

      —Je suis d'accord avec toi sur ce point, répliqua M. de Flammermont railleur... fabriquons donc de la viande, car pour l'eau, nous en avons en quantité... allons! où se trouvent ton albumine, ta fibrine, etc, etc...

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      Ossipoff lui répondit:

      —Point n'est besoin de tout cela, mon cher enfant; car, parmi les substances qui composent la viande, il en est un certain nombre absolument impropres à la nutrition, partant complètement inutiles; la chondrine et la gélatine, par exemple. D'autres comme la fibrine, l'albumine, ne sont point des corps simples, mais des combinaisons, suivant des proportions connues, d'oxygène, d'hydrogène, de carbone, et d'azote. Nous n'avons donc aucunement besoin de pain et de viande pour notre nourriture. Tous nos efforts doivent tendre à extraire des matériaux séléniens les corps véritablement nutritifs et à nous les assimiler.

      —Autrement dit, ajouta Fricoulet, faisons de la synthèse.

      Gontran, sur les lèvres duquel un sourire railleur courait depuis quelques instants, s'écria en croisant les bras:

      —En vérité! je vous admire,—si j'ai bien compris vos explications, il s'agirait de nous livrer tout simplement à des travaux d'analyse chimique... or, le premier point, le point indispensable pour mener à bien ce beau projet, ce sont les instruments... or...

      Fricoulet, dont les yeux erraient à travers la pièce, fit un brusque mouvement:

      —Inutile d'en dire davantage, interrompit-il d'un ton triomphant; je prévois ton objection; et voici de quoi y répondre triomphalement.

      Il courut de l'autre côté de la salle, chercha quelques secondes dans un coin d'ombre, et revint traînant sur le sol, avec précaution, une caisse qu'il déposa aux pieds de M. de Flammermont.

      —Qu'est-ce que cela! demanda celui-ci.

      —Eh bien! dit à son tour Ossipoff.

      —C'est votre boîte d'instruments!

      —Comment cela?

      —Vous savez bien; c'est cette caisse que l'on avait mise de côté pour analyser, dans un moment de loisir, la composition de l'atmosphère lunaire... or, les différents événements qui se sont précipités pendant notre séjour, nous ont fait différer indéfiniment cette étude par un bienheureux hasard, cette boîte a été oubliée ici et elle va nous servir, je vous le promets.

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      Et frappant sur le couvercle, il dit plaisamment à M. de Flammermont:

      —Avec cela, vois-tu bien, nous allons te fabriquer des gigots et des pains de quatre livres puisque ces aliments sont absolument indispensables à ton bonheur.

      La boîte une fois ouverte, le vieux savant ne put contenir une exclamation de plaisir à la vue des instruments enfouis dans la paille.

      —Un eudiomètre, un anéroïde, des thermomètres, une boussole, des tubes, des éprouvettes, une boîte de réactifs, murmura-t-il, tandis que son visage s'éclairait à chaque découverte qu'il faisait, en voilà plus qu'il ne nous en faut.

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      Et, après un moment:

      —Procédons par ordre, dit-il, la première chose à faire est de nous assurer de la composition de l'air que nous respirons et de l'importance de l'atmosphère, n'est-ce pas votre avis, mon cher Gontran?

      —Parfaitement si, parfaitement si, répéta par deux fois le jeune homme.

      Et il ajouta in petto, en se grattant l'oreille;

      —Pourvu qu'il ne lui prenne pas fantaisie de me consulter sur la cuisine qu'il va faire!

      Ce pensant, il coula un regard suppliant sur Fricoulet.

      Celui-ci comprit cette muette prière et, réprimant un sourire, demanda au vieillard:

      —Quelle méthode allons-nous suivre?

      Et aussitôt, se reprenant:

      —...Allez vous suivre pour opérer?

      Le vieux savant réfléchit un instant.

      —Mon Dieu!... Je pensais tout d'abord à la méthode eudiométrique imaginée par Gay-Lussac... mais, comme vous

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