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Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4). Dorothée Dino
Читать онлайн.Название Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4)
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Автор произведения Dorothée Dino
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Les journaux allemands annoncent la mort de M. Ancillon. Malade depuis longtemps, le médecin lui ordonne une potion intérieure et un liniment; il explique cela à Mme Ancillon, qui part pour un concert; en rentrant, elle s'aperçoit qu'on s'est trompé et peu d'heures après, le malade meurt! Le pauvre homme n'a pas eu le mariage heureux! Il avait d'abord épousé une femme qui aurait pu être sa mère, puis une autre qui pouvait être sa fille, et enfin cette beauté belge qui était, je crois, la pire des trois.
Paris, 29 avril 1837.– J'ai vu, ce matin, M. Royer-Collard, qui m'a parlé de la séance de la veille à la Chambre des Députés, où on a voté le million de la Reine des Belges. Le résultat, pour lequel lui aussi a voté, a sans doute été bon, mais il paraît que la discussion a été triste pour le gouvernement, et que M. de Cormenin, bien loin de recevoir les étrivières, a eu le dessus. Cette même impression m'a été rendue par deux autres personnes qui assistaient à la séance.
Paris, 20 avril 1837.– M. Thiers est venu me voir, ce matin, avant la séance de la Chambre: il m'a confirmé le dire général sur la séance du million de la Reine des Belges; mais le but de sa visite était de se plaindre de la princesse de Lieven. Il a très bien avisé ce que j'avais prévu depuis longtemps, c'est qu'elle ne le prenait pas au sérieux, qu'elle le produisait, le promettait et le mettait en scène comme acteur; il a trop d'esprit pour n'en pas sentir le ridicule et même pour ne pas le ressentir! Il m'a demandé si je m'en étais aperçue, et si d'autres s'en étaient aperçus. Je lui ai répondu que personne ne m'en avait fait la réflexion, mais que je croyais qu'un peu de réserve dans son langage, dans un salon que lui-même appelait l'observatoire de l'Europe, ne pourrait avoir que de l'avantage. Je l'ai engagé, cependant, à rester en bons termes avec la Princesse à laquelle il plaît au fond beaucoup, et dont l'esprit et la conversation facile et rapide lui plaisent aussi. Je crois qu'il a déjà trouvé, l'autre jour, l'occasion de lui glisser quelques mots qui l'ont fort effarouchée. Il n'y a pas de mal, c'est une personne avec laquelle il faut rester bien, mais qu'il faut contenir.
Paris, 1er mai 1837.– Le duc de Broglie va au-devant de la princesse de Mecklembourg, à Fulda, en deçà de Weimar, non pas pour épouser, mais pour complimenter et escorter. C'est la maréchale Lobau qui sera Dame d'honneur de la Princesse.
J'ai eu, hier, une lettre de l'Archevêque de Paris, qui m'envoie la copie de la réponse de Rome, qu'il venait de recevoir, relativement à ses dernières difficultés à l'occasion du terrain de l'Archevêché. Rome approuve entièrement sa conduite, le laissant libre cependant de faire telle transaction qui pourrait concilier tous les intérêts; cette dernière phrase est très vague. J'irai, probablement après-demain, remercier l'Archevêque et savoir quelques détails de plus; il ajoute, dans sa lettre, qu'il est certain que le gouvernement a reçu une réponse semblable à celle qu'il me communique.
Paris, 2 mai 1837.– On assure que c'est le baron de Werther, le Ministre de Prusse ici, qui remplacera M. Ancillon à Berlin; il fait seulement quelques difficultés d'accepter, mais on croit qu'il finira par là.
On a surnommé le marquis de Mornay, le Sosthène de la révolution de Juillet: c'est très drôle et assez vrai.
J'ai vu M. Royer-Collard, qui croyait que la loi sur les fonds secrets passerait, mais en blessant mortellement le Cabinet.
J'ai été, hier soir, à la réception de la Cour pour le 1er mai65. Il y avait un monde énorme, du beau et du laid, du joli et du malpropre, de tout enfin. M. le duc d'Orléans n'a pas paru, à cause d'un grand mal de gorge auquel se joint une fluxion sur l'œil. Il fait bien de se soigner, car il n'a plus que trois semaines pour cela.
On m'a dit au Château que, dans la séance de la Chambre ce matin, M. Jaubert avait écorché vif le Ministère et que la journée d'aujourd'hui pourrait bien en amener le renversement; je ne le crois pas, parce que personne n'est pressé de son héritage immédiat.
Le bruit circulait aussi d'une victoire importante qui aurait été remportée par don Carlos.
Il me semble que je n'ai pas mandé ce que Matusiewicz m'a raconté de la nouvelle Reine de Naples, sur laquelle je l'ai fort questionné; c'est l'archiduchesse Thérèse dont il était tant question l'année dernière. Il dit, donc, qu'elle est agréable, spirituelle, gracieuse, surtout gentille; point de grand air, ni de belles manières; point du tout Princesse. On dit que le Roi en est fort amoureux.
Paris, 4 mai 1837.– J'ai été hier au Sacré-Cœur, voir Mgr l'Archevêque; je l'ai trouvé enchanté des réponses de Rome, ne voulant pas en faire publiquement parade, et désireux, pour peu que de l'autre côté on y mette des formes, d'user de la latitude que lui laisse Rome pour traiter tout à l'amiable; enfin, plus calme, plus doux que je ne l'avais vu depuis longtemps.
Paris, 5 mai 1837.– M. Molé, qui a dîné hier chez nous, disait que son collègue, M. Martin du Nord, ferait, aujourd'hui même, une espèce d'amende honorable à la Chambre pour son équipée d'avant-hier. M. Thiers a harangué ses soldats et les a calmés.
Les ratifications du contrat de mariage de M. le duc d'Orléans sont arrivées du Mecklembourg; la maladie de M. de Plessen, le ministre mecklembourgeois, l'ayant empêché de se rendre à l'endroit où l'échange des ratifications devait se faire, on a craint des retards qui auraient été d'autant plus prolongés que M. de Plessen est mort depuis. M. Bresson lui a, en conséquence, envoyé quelqu'un qui lui a porté l'acte; il était presque agonisant quand il a signé; trois heures après, il est mort.
M. de Lutteroth mande que le portrait du Prince Royal, qu'il était chargé de porter à la princesse Hélène, a eu le plus grand succès. Deux accès de grippe, dont la Princesse a été atteinte, ont empêché d'achever le sien; à sa place, je n'en enverrais pas du tout! M. de Lutteroth ne tarit pas sur les agréments de la Princesse, bien qu'il convienne qu'elle ait un nez peu distingué et d'assez mauvaises dents. Le reste est très bien, surtout la taille, qui est charmante. Le jour où il a dîné avec elle, elle avait des gants trop larges et des souliers noirs qui, évidemment, n'avaient point été faits à Paris. Ce qui est fâcheux, c'est que M. le duc d'Orléans ait un échauffement de poitrine qui se prolonge. Il tousse beaucoup et a une forte extinction de voix; il se soigne, et il fait bien.
Les Princesses de Mecklembourg n'ont pas de dot, seulement, quand elles se marient, les États votent deux ou trois cent mille francs de don volontaire. M. le duc d'Orléans les a refusés, ce qui, dit-on, a fait grand plaisir aux Mecklembourgeois. Le duc de Broglie sera accompagné, dans sa mission, de M. le comte Foy, fils du général célèbre, du comte d'Haussonville, de M. Léon de Laborde, de Philippe de Chabot, et de M. Doudan, celui-ci avec le titre de premier secrétaire d'ambassade66.
Paris, 6 mai 1837.– Après une visite de M. Royer-Collard,
65
Fête du Roi Louis-Philippe.
66
Cette ambassade d'honneur était envoyée au-devant de la royale fiancée; elle la rencontra à Fulda, le 22 mai 1837.