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Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4). Dorothée Dino
Читать онлайн.Название Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4)
Год выпуска 0
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Автор произведения Dorothée Dino
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Le soir, j'ai vu, chez Mme de Lieven, Berryer, qui, en fait d'admiration pour le discours de M. Thiers, ne le cède pas à M. Royer. J'ai appris que M. Martin du Nord avait reculé sur la souscription au discours Guizot, comme sur le reste. Pour quelqu'un qui se dit dans la résistance, il me semble qu'il ne résiste guère!
Paris, 11 mai 1837.– J'ai eu, hier, la visite de l'excellent abbé Dupanloup. Nous avions, réciproquement, le désir de nous voir, dans l'intérêt de Pauline, avant l'éparpillement général pour la campagne. Comme de coutume, j'ai été touchée et satisfaite de sa douce et spirituelle raison. Nous avons parlé de notre espoir, que l'amnistie donnera, au gouvernement, le courage de rouvrir l'église de Saint-Germain-l'Auxerrois, dont la clôture est le plus grand scandale de la révolution de Juillet; et quand la clémence s'étend depuis Ham jusqu'à la République et la Vendée, bouder contre l'Église, et laisser la croix brisée, me paraîtrait un vrai contre sens. On doit rouvrir l'église, sans regarder aux difficultés que peut élever l'Archevêque, le forcer ainsi à nommer un curé sage, et à aller ensuite remercier aux Tuileries; mais il faut s'y prendre tout de suite, pendant que l'effet de l'amnistie est encore tout-puissant; dans un semblable moment, il n'y a pas d'émeute à craindre dans le quartier, et c'est donner, d'ailleurs, la plus ferme réponse aux Doctrinaires, dont la tactique est de représenter l'amnistie comme le prix du pacte fait avec la gauche. Rouvrir Saint-Germain-l'Auxerrois, c'est retrouver l'équilibre. Je crois que ce serait autant un coup politique qu'une réparation religieuse. Si on tarde trop, les journaux religieux et les dévots vont crier, et avec raison, à l'injustice, et ce que l'on fera plus tard aura l'air d'avoir été concédé à leurs plaintes, ce dont les ennemis s'empareront pour irriter contre la mesure. Il faut donc que tout soit spontané, la réparation religieuse comme l'a été la clémence royale. Je pense qu'on va s'en occuper. Il me semble que cela devrait déjà être fait.
Paris, 14 mai 1837.– Le Moniteur d'hier contenait, Dieu en soit loué! l'ordonnance en vertu de laquelle l'église de Saint-Germain-l'Auxerrois sera rendue au culte. J'en suis ravie. Le baron de Montmorency, qui est venu chez moi ce matin, avait dîné hier au Château, où la Reine en pleurait de joie.
J'ai été le soir faire mes adieux à l'hôtel de Broglie, où on est fort monté contre l'amnistie, Mme de Broglie fort occupée de maintenir la princesse Hélène dans le protestantisme.
J'ai été, de là, chez la duchesse de Montmorency, où l'on m'a donné de fort mauvaises nouvelles du prince de Laval. Il a pris une petite grippe, il ne s'est pas soigné, il a été aux courses de Chantilly par un temps très aigre. Son mal a empiré, et donne maintenant de graves inquiétudes. Je serais désolée qu'il lui arrivât mal, car avec toutes ses manies et ses ridicules, il a un excellent cœur et c'est un très bon ami.
J'ai fini ma soirée chez Mme de Castellane où est venu M. Molé, qui nous a dit que Mgr. l'Archevêque, accompagné de deux de ses grands vicaires, était venu ce soir-là même chez lui et chez le Garde des Sceaux, après avoir été chez le Roi. Il paraît que cette apparition dans les salons ministériels y a fait grande sensation. Avant sa visite, l'Archevêque avait fait bénir l'église à petit bruit. On y dit la messe ce matin; la semaine se passera en restaurations convenables, et dimanche prochain on y installera le nouveau curé. M. Dupanloup ayant refusé cette cure, le choix est tombé sur M. Demerson, curé de Saint-Séverin, incontestablement l'ecclésiastique le plus distingué du diocèse; il est le confesseur de Mme Andral, et l'ami de son père, M. Royer-Collard, qui m'en a beaucoup parlé et en fait grand cas.
Paris, 15 mai 1837.– J'ai été, hier au soir, aux Tuileries; j'ai trouvé le Roi radieux d'une visite qu'il avait faite le matin au Jardin des Plantes, pour y voir les nouvelles serres qui y sont établies. Il avait été extrêmement applaudi sur son passage; enfin, il avait l'air de renaître. On est fort satisfait auprès de lui. Il y avait été sans escorte et s'est promené pendant deux grandes heures avec les Ministres de l'Intérieur et de l'Instruction publique, le Préfet de police, et un seul aide de camp. La foule a été toujours grossissant, et ces Messieurs, qui voyaient toutes les abominables figures de la rue Mouffetard et de ce quartier se presser autour du Roi, mouraient de peur; mais il n'y a pas eu moyen de faire rentrer le Roi, qui était ravi. Il a été applaudi, on ne saurait davantage, par tout ce peuple. Je crois, cependant, qu'il vaudrait mieux ne pas trop souvent recommencer de pareilles épreuves.
Paris, 16 mai 1837.– Le prince de Laval ne va pas bien. On a été obligé de le saigner une seconde fois; les médecins disent que son état est grave.
Il se pourrait que M. Dupanloup fût ambitieux; je ne le connais pas assez pour dire oui ou non. Douceur, sagesse, mesure, connaissance du monde, bon langage, discrétion infinie, conversation fine, il réunit tout ce qui est convenable pour diriger parfaitement une personne du monde. Toutes ses pénitentes, toutes les mères de ses pénitentes en font le plus grand cas. Cela n'exclut pas l'ambition! Je sais qu'il se tient fort à l'écart de la politique, mais que, vis-à-vis de l'Archevêque, il a le petit tort de le pousser à aller aux Tuileries, et d'y aller lui-même, à la suite du curé de Saint-Roch dont il est le vicaire et l'ami. Mais la robe de l'ambition est comme celle du caméléon, et on la voit selon le reflet sous lequel on est placé. Je ne garantis donc rien, si ce n'est qu'il a refusé deux cures considérables de Paris. Je sais que l'Archevêque le destine in petto à la cure de la Madeleine quand elle deviendra vacante, et, en effet, c'est une paroisse de beau monde qui lui va le mieux.
Paris, 18 mai 1837.– J'ai été, hier, dans la matinée, chez Madame Adélaïde, où j'ai vu le Roi. On est uniquement occupé, au Château, des préparatifs du mariage, et du voyage de Fontainebleau qu'on veut rendre splendide. J'en suis charmée. Je le serais encore plus, si je n'avais appris qu'on comptait, non seulement sur les mères, mais aussi sur les filles; j'ai fait tout au monde pour que la mienne fût dispensée, parce que j'y vois des inconvénients infinis, mais M. de Talleyrand est arrivé chez Madame, à travers tout cela, et, au lieu de me soutenir, il s'est mis contre moi. Cela me paraît fâcheux.
Paris, 19 mai 1837.– La mort de ce pauvre jeune comte Putbus est un bien triste événement pour sa famille et pour la malheureuse comtesse Buol. Elle me fait grande pitié, et son mari me semble manquer de cœur et de délicatesse. Dans une position telle que la sienne avec sa femme, on peut se séparer avec autant d'éclat qu'on veut, mais quand, par des considérations d'argent, on ne le fait pas, il faut alors rester doux, ou du moins humain. Du reste, je persiste à dire, pour ce qui la concerne, qu'il vaut mieux pleurer son amant mort qu'infidèle, et que, toute malheureuse qu'elle est, elle le serait bien davantage encore si M. de Putbus l'avait abandonnée. Le danger, pour une femme, de trouver son amant infidèle, c'est d'être portée à la vengeance, et de perdre les illusions qui abritent, non contre une faute, mais contre la sécheresse du cœur et la galanterie proprement dite. La mort laisse toutes les illusions du cœur; elle les encourage même…
Paris, 21 mai 1837.– Nous sommes invités, M. de Talleyrand, M. et Mme de Valençay, Pauline et moi, pour toute la durée du séjour de Fontainebleau, c'est-à-dire pour y arriver le 29 mai et y rester jusqu'au 3 juin inclusivement. C'est une faveur, car presque tout le monde est échelonné par vingt-quatre heures.
Une de mes amies d'Allemagne, chanoinesse, personne d'esprit et de discernement72, m'écrit ce qui suit, sur la princesse Hélène de Mecklembourg: «La plus aimable, la plus instruite, la plus douce des Princesses allemandes va orner le trône de France. Je suis sûre qu'elle vous plaira beaucoup; elle est gaie comme une enfant de quinze ans, et solide comme une personne de trente. Elle réunit le charme de tous les âges.»
Le marquis de Praslin et le duc de Trévise sont les deux chevaliers d'honneur nommés comme adjoints au sauvage duc de Coigny qui sera leur chef.
Paris, 22 mai 1837.– M. le duc d'Orléans ira d'abord à Verdun, voir sans être vu, et ensuite à Melun pour être vu. Henri IV,
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Mlle Sidonie de Dieskau, dont il sera parlé plus loin, pendant le voyage en Allemagne de la duchesse de Talleyrand.