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Palmyre, la fameuse couturière! A la vérité, elle a travaillé sur un modèle envoyé de Mecklembourg, mais il ne me paraît pas certain que ce modèle soit bien bon, ni bien fait. Les quatre-vingts robes de la corbeille pourraient donc fort mal aller, et on fait bien d'avoir là quelqu'un tout prêt à rajuster ce qui pourrait en avoir besoin. Du reste, les marchands, les ouvriers, les diligences, les postes, tout cela ne sait où donner de la tête. C'est inouï tout ce qui se dépense, se commande et s'emploie. On ne peut rien se procurer, et, certes, le commerce n'a pas le droit de crier, car le mouvement est énorme. Il arrive aussi une foule d'étrangers à Paris, surtout des Anglais.

      Les Werther partent décidément aussitôt après le mariage du Prince Royal, sans même attendre les fêtes, car M. de Werther a accepté de remplacer Ancillon. Ce sont de très braves gens, qu'on regrettera à Paris, et qui, de leur côté, partent avec de sincères regrets.

      Paris, 25 mai 1837.– Pour le 29 et le 30, qui sont les jours d'arrivée et de mariage, on a invité à Fontainebleau les Maréchaux, les bureaux des deux Chambres, les Ministres du 11 octobre, du 22 février, du 6 septembre et tout le Cabinet actuel. J'ai toujours dit que Fontainebleau était un Château chronologique! On n'a pas voulu remonter plus haut que le 11 octobre pour éviter M. Laffitte. On a invité aussi tous les premiers Présidents des Cours. En Corps diplomatique, M. et Mme de Werther73, M. et Mme Lehon74; le reste pour les autres jours, deux par deux.

      Il faut que je raconte un trait de Mme Molé, qui végète plus qu'elle ne vit. L'autre soir, chez la duchesse de Montmorency, on parle de la tristesse des Werther; elle demande pourquoi ils sont tristes: «Mais de quitter Paris!» Elle reprend: «Mais aller à Fontainebleau n'est ni bien triste, ni bien fatigant. – Mais, Madame, M. de Werther va à Berlin remplacer M. Ancillon! – Ah! c'est donc M. Ancillon qui vient ici?» Je ne pense pas qu'après un pareil trait on accuse M. Molé de livrer les secrets de la diplomatie à sa femme!

      La Reine d'Angleterre a écrit une lettre charmante à la Reine des Français sur le mariage du Prince Royal, et, se prévalant de sa très proche parenté avec la princesse Hélène, elle envoie à celle-ci un magnifique châle des Indes, l'un des plus beaux qui soient jamais sortis des magasins si riches de la Compagnie! On dit que c'est une merveille. Je le verrai à Fontainebleau, où on exposera la corbeille.

      Paris, 26 mai 1837.– Le Roi d'Angleterre a tenu, assis, le dernier «drawing-room». Depuis, il s'est senti encore plus mal; on en est inquiet. Il aura voulu vivre juste assez pour jouer le mauvais tour à la duchesse de Kent de ne pas lui laisser un seul jour de Régence, puisque la princesse Victoria a atteint depuis deux jours sa majorité.

      On dit que l'anarchie est à son comble à Madrid, mais qu'aussi Don Carlos est à bout de voies.

      Le duc de Broglie et les Messieurs de sa suite écrivent des lettres transportées sur la princesse Hélène. Tous disent qu'elle est très agréable d'extérieur; tous en ont l'air amoureux; puis ils ne tarissent pas sur sa bonne grâce et disent qu'elle est très bien mise. Le trousseau, commandé par ses ordres ici, est, dit-on, très magnifique.

      Fontainebleau, 30 mai 1837.– C'est un tour de force que d'écrire ici! Le temps a été trop beau hier, de sorte qu'un gros orage s'en est suivi; il a éclaté le matin et s'est dissipé dix minutes avant l'arrivée de la Princesse, qui a été reçue par le plus beau soleil et par des cœurs bien émus. L'arrivée a été fort belle; une scène de famille très intime au milieu de la pompe la plus royale. La Princesse a eu beaucoup d'émotion, aucun embarras, de la bonne grâce, de la noblesse, de l'à-propos. Je ne sais pas si elle est jolie. On n'y regarde pas, tant elle a d'obligeance. Elle rappelle un peu Mme de Marescalchi, mais avec un type beaucoup plus allemand et un bas de visage un peu fuyant. Elle a de beaux cheveux, de la couleur la plus correcte, enfin elle est fort bien, et le Prince Royal très satisfait.

      Pauline n'a pas quitté mon côté, pas même à dîner, où j'ai été conduite par M. de Werther. Il était entre Mme la grande-duchesse de Mecklembourg et moi. M. de Talleyrand était à bout hier, mais faisait bonne contenance à force de volonté. J'en ai été tout le temps dans une grande inquiétude.

      Nous sommes, jusqu'à demain, deux cent quatre-vingts personnes à table. Ma journée d'hier a commencé à cinq heures et demie du matin à Paris, et a fini ici à une heure de la nuit. Il faut être tout habillée à dix heures, à la messe de la Reine.

      Fontainebleau, 31 mai 1837.– Les deux journées les plus fatigantes sont passées, et j'en bénis le ciel, car j'ai tremblé tout le temps pour M. de Talleyrand, qui a traversé, avec une témérité incroyable, de si rudes épreuves. Enfin, il a été témoin de tout, et, à un peu de fatigue près, il s'en est tiré.

      Les personnes correctes suivent ici la Reine à sa messe matinale et particulière. Pauline vient de m'y conduire dans une petite chapelle charmante, souvenir de Louis VII le Jeune.

      On n'a pas vu hier les deux Princesses allemandes pendant toute la matinée. Des promenades, pour ceux qui en ont été tentés (je n'étais pas du nombre), l'inspection de la corbeille pour les autres (et j'étais de ceux-ci) ont rempli l'avant-dîner. Les cadeaux, les chiffons, tout est magnifique et élégant, surtout le meuble de Boule qui renfermait les châles, et qui est une des plus belles choses que j'aie vues. Le tout exposé dans l'appartement des Reines mères. Les diamants sont beaux, les bijoux de fantaisie nombreux, mais pas une perle. M. le duc d'Orléans ne les aime pas; la Princesse pourra, d'ailleurs, porter celles de la Couronne.

      La famille Royale a dîné en particulier. C'est Mme de Dolomieu et le général Athalin qui tenaient la table de deux cent quatre-vingts couverts, dans la galerie de Diane. Pauline a été encore près de moi à dîner, et M. Thiers de l'autre coté.

      A huit heures et demie, le mariage civil a eu lieu, dans la salle de Henri II. C'était superbe; c'est le plus beau local imaginable, et il était éclairé magnifiquement. Le Chancelier, nouvellement nommé à ce poste, M. Pasquier, en simarre, était devant une immense table rouge et or autour de laquelle étaient tous les assistants, et en face les mariés. On s'y était rendu en cortège. De là, on s'est transporté à la grande chapelle ornée des écussons de France et de Navarre. Le discours de l'Évêque de Meaux75 a été aussi court que mesuré. Malheureusement, il y a obligation aux mariages mixtes de laisser de côté beaucoup de cérémonies, qui auraient ajouté à l'éclat de la chose. Le curé de Fontainebleau, qui est le fameux abbé Lieutard, et, jusqu'à présent, un des grands opposants au gouvernement actuel, assistait l'Évêque, et avait même réclamé cela comme un droit. La salle arrangée en temple protestant nous contenait avec peine, on y suffoquait; le discours du Pasteur, M. Cuvier, a été très long, très lourd, remontant à l'origine de la création, et revenant sans cesse sur la progéniture. C'était le puritain parfait! Avant la bénédiction, il a demandé à la mariée la permission de s'acquitter de la mission dont il était chargé par la Société Biblique, en lui offrant une Bible dans laquelle il l'a engagée à lire souvent. J'ai trouvé cela bien déplacé dans un pareil moment, et d'un grand manque de respect pour la Reine, qui, sous le rapport religieux, fait un grand sacrifice.

      La Princesse a été tout le temps d'un calme parfait. Je n'ai aperçu aucun trouble et moins d'émotion qu'à son arrivée. Elle était parfaitement bien arrangée; malheureusement elle n'a pas de couleur, ce qui lui donne quelque chose de terne, mais, malgré sa maigreur, elle a bien bonne grâce, et, de plus, une simplicité charmante. Son pied est très long, mais bien fait, sa main blanche et fine; en tout, beaucoup de choses agréables.

      On s'est séparé après toutes ces cérémonies. J'ai encore été veiller chez M. de Talleyrand dont j'étais inquiète, et que j'ai trouvé bien. M. Molé y est venu. Il a de l'humeur. En effet, c'est singulier que dans tout ceci il n'ait obtenu aucune grâce d'aucun genre.

      Fontainebleau, 1er juin 1837.– Il n'y a rien à savoir, ici, de la politique. Les Princes sont absorbés en eux-mêmes; M. de Salvandy, le seul Ministre resté de garde auprès du Roi, en fait autant. La curiosité est ailleurs, et il y a beaucoup ici pour l'exciter et la satisfaire.

      Voici

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<p>73</p>

Le baron de Werther était, depuis 1824, ministre de Prusse à Paris.

<p>74</p>

Le comte Lehon était ministre de Belgique.

<p>75</p>

Mgr Gallard.