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livraison, il y a un hommage « [à] son Altesse Royale Monseigneur le Duc de Chartres1 », c’est-à-dire à Louis d’OrléansLouis d’Orléans, le fils aîné du Régent. Notre intérêt principal se porte cependant sur la présence de références au monde ancien – ou sur leur absence – dans la glorification du Régent.

      Un premier coup d’œil révèle bien des parallèles entre les textes dédiés à Louis XIVLouis XIV et ceux consacrés au Régent. Les lecteurs retrouvent donc de nombreux éléments qu’ils connaissent déjà : en avril 1716, par exemple, un certain « M. Gabriel Capitaine de Dragons » estime que Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans est supérieur à « [c]e César, Jules [Cesar]Cesar, ce grand Alexandre le GrandAlexandre2 » puisqu’il respecte les bienfaits de la paix et parce que faire la guerre ne constitue guère une fin en soi pour lui – une qualité qui fut également mise en avant dans des odes à la gloire du roi-soleil, voir notamment les contributions de Mademoiselle Deshoulières, Antoinette-Thérèse, MademoiselleDeshoulières et de Pierre-Charles Roy, Pierre-CharlesRoy.

      Les comparaisons des personnages mythiques forment une autre similitude. Dans la livraison de juillet 1716, Hardouin Le Fèvre de Fontenay présente à son public un « Extrait des Réjoüissances qui ont esté faites pour le rétablissement de la santé de Monsieur le Duc. Relation qui vaut la meilleure Histoire que puisse vous donner l’Auteur de ce Journal3 ». Le responsable du Nouveau Mercure galant y résume la maladie et la guérison de Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans avant de décrire les festivités qui sont organisées pour célébrer son « rétablissement ». Il y reproduit également certains vers qui, selon lui, furent présentés au guéri par un mystérieux « Magister [mise en italique dans l’original] 4 ». Celui-ci rappelle les hauts faits des ancêtres du Régent et constate ensuite :

       A la chasse il sonne du Cor,

       Il est Prince à la Ville,

       Dans les Conseils c’est un Nestor Nestor,

      A Fribourg un AchilleAchille [mise en italique dans l’original]5.

      IlLouis XIV n’est pas clair de quelle bataille de Fribourg il est question dans ce poème, mais ce qui nous intéresse – et ce qui a certainement choqué Houdar de La Motte s’il a lu la revue –, c’est la comparaison de Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans à NestorNestor et à AchilleAchille, deux héros de l’Iliade. Curieusement, cette parallèle ne forme pas non plus une innovation ; rappelons-nous l’ode de Pierre-Charles Roy, Pierre-CharlesRoy qui fut publiée dans le Nouveau Mercure galant d’octobre 1715.

      La présence d’HerculeHercule dans la glorification du Régent est encore plus classique, mais en même temps assez audacieuse. Certes, des contributeurs au Nouveau Mercure galant n’hésitent pas non plus à décrire Louis XIVLouis XIV comme un « autre AlcideHerculeAlcide6 » et un « jeune AlcideHerculeAlcide7 », mais dans la livraison d’août 1716, la comparaison avec le fils de ZeusZeus et d’AlcmèneAlcmène permet de présenter le Régent comme un nouveau Louis XIIILouis XIII. Étant donné qu’il s’agit d’une brève contribution, la voilà dans son intégralité :

      Je [Hardouin Le Fèvre de Fontenay] ne peux mieux fermer ce Volume que par cette Devise à la louange de nostre Regent. En voicy l’Histoire. Un Aumônier de Madame Duchesse de Berry, a presenté à cette Princesse un Portrait de M. le Duc d’Orleans, au bas duquel Portait est un HerculeHercule avec sa massuë, & autour cette devise.

       Nec mole gravatur,

      Et au-dessous ces deux Vers.

       Mars Mars fuit Hispanis, invictam stradit Ilerdam.

       Jupiter Jupiter est Gallis, PhœbusApollon Phœbus et alma Ceres

      [Toutes les mises en italique d’après l’original]8.

      Une description qui rappelle un tableau de Claude Vignon, ClaudeVignon : l’« HerculeHercule Admirandus » qui a été peint pour le Cardinal RichelieuRichelieu en 1634 et qui a été repris par Abraham Bosse, AbrahamBosse dans une gravure vastement diffusée pour glorifier Louis XIIILouis XIII9. Il paraît donc plausible que l’artiste qui a fait le portrait dont il est question dans le Nouveau Mercure galant ait vu auparavant la peinture représentant Louis XIIILouis XIII. De plus, à plusieurs décennies d’écart, les deux œuvres célèbrent des victoires militaires en Espagne : en reprenant des éléments de la propagande royale de Louis XIIILouis XIII et Louis XIVLouis XIV, Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans est donc inscrit dans la tradition des Bourbons et il apparaît ainsi comme un souverain légitime.

      Le Louis XIVregard vers le passé ne constitue cependant pas une obligation et les glorificateurs du Régent sont également à même de se passer des modèles historiques pour célébrer Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans – un autre parallèle entre lui et Louis XIVLouis XIV. Un bon exemple se trouve dans le Nouveau Mercure galant d’octobre 1716, la dernière livraison dont Hardouin Le Fèvre de Fontenay est le responsable. Il y publie l’« Epitre à son Altesse Royale Monseigneur Petit Fils de France, Regent du Royaume, Duc d’Orleans10 » de « M. le Baron de S. Martin11 » qui lui dédie son « Traité des Fortifications12 ». Selon Marc Fumaroli, c’est un domaine dans lequel la suprématie des Modernes sur l’Antiquité se manifeste le plus13 et par conséquent, il n’est pas étonnant que le Baron de S. Martin n’évoque aucun général macédonien ou romain pour célébrer le génie militaire de Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans. Au lieu de le décrire comme un nouveau César, Jules [Cesar]César, il se contente simplement de présenter les faits extraordinaires du Régent : « Tant de Villes enlevées en si peu de jours & réduites par vos soins sous l’obéïssance de leur Souverain légitime, ont veu dans leurs attaques avec quelle habileté vous sҫaviez vous-même ordonner, conduire & perfectionner les ouvrages14. » Par conséquent, force est de constater que la mise en scène du Régent ne se distingue guère de la glorification dont profite Louis XIVLouis XIV dans le Nouveau Mercure galant. Il existe cependant une exception qui confirme la règle. Il s’agit de TitusTitus.

      Le fils de VespasienVespasien et son successeur sur le trône impérial – fait son entrée dans la propagande royale développée par Hardouin Le Fèvre de Fontenay et ses divers contributeurs. Dans la livraison d’octobre 1715, l’abbé Jean-François de Pons, Jean-François de [M. P.]Pons essaie de consoler le peuple triste qui pleure la mort de Louis XIVLouis XIV. Après avoir vanté les qualités de Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans qu’il présente comme une incarnation de MinerveMinerve et d’HerculeHercule15, il s’adresse à une « Muse indiscrete16 » :

      Aux Auteurs qu’ApollonApollon inspire ;

      Dis, si tu peux, ce que je sens.

      Vous qu’une noble ardeur anime

      A chanter son nom, ses vertus ;

      Meritez, s’il se peut, l’estime

      D’un Prince plus grand que TitusTitus.

      […]

      Prince que la France revere,

      Moins par le sang & le pouvoir,

      Que par le sacré caractère

      Que le Ciel en vous nous fait voir17.

      AvantLouis XIV d’analyser ce passage, il faut encore étudier un « Portrait […] [du] Regent du Royaume » qui fut intégré dans le numéro de janvier 1716. Il s’agit d’une brève ode d’un certain « Le Fort de La Moriniere ». Celui-ci inscrit Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans dans la longue liste de « nos Rois […] [et] des plus fameux Guerriers, que nous vante l’Histoire18 », mais il s’abstient de donner des noms. Uniquement dans la deuxième partie de ses

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