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plus traditionnels de la glorification royale, c’est-à-dire ceux qui tournent le regard du lecteur vers le passé.

      Sur les traces de Charles Perrault

      En 1714, Louis XIVHardouin Le Fèvre de Fontenay ne publie guère de vers à la gloire de son souverain dans le Nouveau Mercure galant. Après une ode à la paix rédigée en latin dans la livraison d’août 1714, le premier exemple en français se trouvant dans le numéro de novembre 1714 est celui des « vers que Mademoiselle Deshoulieres […] adresse [aux lecteurs] sur la paix1 » : « Aux Muses, Sur la Paix de Nimègue2. » La poétesse y explique que c’est Louis XIV qui rend la paix possible en vainquant les agresseurs jaloux de sa grandeur3. Et elle ajoute que la garantie du bonheur du royaume de France est inséparable de la maison des Bourbons, donc du bien-être du roi et du dauphin :

      De mille biens la paix sera suivie,

      Les plaisirs, les beaux arts vont revivre & fleurir,

      De nouveaux dons la terre est prête à se couvrir :

      Mais pour nous satisfaire au gré de nôtre envie,

      Sous les yeux de mon Roy puisse croître & meûrir

      L’auguste rejetton d’une si belle tige.

      Dans l’ardeur que pour lui nôtre tendresse exige,

      Puissent les Immortels accorder à nos vœux

      De longs jours à Louis, saint [S. Loüis]Louis IXLOUIS, & de longs jours heureux4.

      La poétesse Louis XIVaborde ici un sujet délicat : la succession au trône. Ainsi, selon elle, la seule paix ne suffit pas à assurer le bonheur d’un royaume qui a également besoin d’un dauphin – mais au contraire, selon la contributrice, la prospérité du pays est en danger. Force est de constater que Mademoiselle Deshoulières, Antoinette-Thérèse, MademoiselleDeshoulières est tournée vers l’avenir. Elle évoque l’état présent et futur du royaume sans mentionner l’histoire ni présenter Louis XIVLouis XIV comme la réincarnation des héros antiques. De ce point de vue, sa contribution respecte parfaitement les idées des Modernes, tels que Perrault, CharlesPerrault.

      Le thème central du poème de Mademoiselle Deshoulières, Antoinette-Thérèse, MademoiselleDeshoulières se retrouve également chez un autre versificateur dont un texte fut publié dans le Nouveau Mercure galant d’août 1715. Il s’agit de l’ode qui a permis à un certain « M. Roy, Pierre-CharlesRoy5 » de remporter le prix de poésie de l’Académie française de cette même année. Le thème de ce concours était : « Les avantages de la Paix, l’obligation que nous avons au Roi de nous l’avoir procurée6. » Afin de profiter du prestige du prix sans s’attirer les foudres de Jean-Baptiste Coignard, Jean-BaptisteCoignard, un des imprimeurs de l’Académie française, Hardouin Le Fèvre de Fontenay ne publie qu’un extrait de l’ode de Pierre-Charles Roy, Pierre-CharlesRoy. Voici la strophe centrale de son poème :

      O Paix, l’Europe en allarmes

      N’espere plus ton retour ;

      Elle a méprisé tes charmes,

      Tu te vanges à son tour.

      Mais parmi tous ces rebelles,

      Si des mains pures, fidelles

      Restablissoient tes autels ! .. [sic]

      Vien les habiter encore,

      Et pour Louis, saint [S. Loüis]Louis IXLOUIS qui t’implore,

      Fai grace à tous les mortels7.

      Louis XIVLouis XIV est donc érigé en héros infaillible de la paix, voire son seul défenseur en Europe, et si M. Roy, Pierre-CharlesRoy renonce à comparer son roi à un modèle antique afin de souligner ces exploits extraordinaires, il s’efforce néanmoins à présenter une situation aussi désastreuse que possible de la situation politique en Europe. D’après lui, la France et l’Espagne étaient attaquées par « cent peuples divers » et l’étendue de ce conflit aurait même dépassé les Guerres puniques :

      Jadis par moins de carnage

      Rome, & la fiere Carthage

      Signalerent leur fureur8.

      LaLouis XIV situation du royaume semble tellement désespérée que le moi lyrique s’interroge même de la manière suivante : « Quel Dieu contre nous conspire9 ? » Cette question rhétorique, à laquelle la réponse est sans aucun doute possible MarsMars, le dieu de la guerre, amplifie davantage l’exploit du pacificateur Louis XIVLouis XIV. Comme dans l’ode de Mademoiselle Deshoulières, Antoinette-Thérèse, MademoiselleDeshoulières, le roi-soleil fait prospérer son pays ainsi que tout le continent. La misère va en disparaissant et une « [p]aix feconde & salutaire10 » peut enfin s’installer.

      Dans les mois suivants le décès de Louis XIVLouis XIV – de septembre à novembre 1715 –, Hardouin Le Fèvre de Fontenay intègre plusieurs odes qui ont également été soumises au jury de l’Académie français, mais sans succès11. Le thème central est toujours le même et les différents poètes décrivent Louis XIVLouis XIV comme une force pacificatrice12. Cette suite d’odes nous donne une certaine idée des ateliers de propagande dédiés au service du roi et de la monarchie que sont l’Académie française et – dans une moindre mesure – le Nouveau Mercure galant13.

      Curieusement, tout comme Pierre-Charles Roy, Pierre-CharlesRoy, quelques-uns de ses concurrents n’ont su se passer de références au monde ancien. Ils vont même plus loin que Roy, Pierre-CharlesRoy qui – on vient de le voir – ne se sert de l’Antiquité que pour caractériser l’étendue des guerres à l’époque de Louis XIVLouis XIV. Contrairement à cet emploi modeste des exemples empruntés à l’histoire, certains participants au concours de l’Académie française comparent le roi-soleil à des personnalités historiques ou mythiques ignorant ainsi les réflexions de Charles Perrault, CharlesPerrault ou d’Houdar de La Motte. Cet aspect de leur versification est également typique d’une autre série d’éloges du roi : les odes des Jésuites qui célèbrent dans une approche plus globale toutes les qualités de la personnalité du roi. Il s’agit des poèmes de Pierre Brumoy, PierreBrumoy, de Jean-Baptiste Margat de Tilly, Jean-BaptisteMargat de Tilly et de Nicolas-Louis Ingoult, Nicolas-LouisIngoult qui sont publiés après la mort de Louis XIVLouis XIV.

      Donc, après avoir mis l’accent sur des odes dont les auteurs – Mademoiselle Deshoulières, Antoinette-Thérèse, MademoiselleDeshoulières et Pierre-Charles Roy, Pierre-CharlesRoy – se passent largement du recours à l’Antiquité, l’attention sera désormais principalement portée sur les références historiques et mythologiques qui sont utilisées pour décrire le roi-soleil.

      Persévérance de la glorification traditionnelle

      Nous Louis XIVpartirons donc concrètement à la recherche de traces historiques et avant tout antiques dans la propagande royale. C’est là une étude qui s’intéressera à deux traditions : d’un côté, comme le rappellent Gérard Sabatier ou Chantal Grell, confronter son propre souverain à des modèles intemporels fut une pratique récurrente et la rupture entamée par les Modernes, mais jamais assumée complètement1, constitue la véritable innovation. De l’autre, le monde gréco-romain est omniprésent dans le système éducatif du XVIIe et du XVIIIe siècle : en développant l’importance de la mythologie antique, Sylvain Menant insiste particulièrement sur la réception d’OvideOvide dans les écoles des Jésuites :

      OvideOvide est, par excellence, le maître de mythologie. Dans toutes les classes, de la cinquième à la seconde, on le retrouve au programme des collèges de la Compagnie. […] il présente [dans les Métamorphoses] un tableau particulièrement complet, cohérent et explicite du monde des dieux et des héros2.

      DansLouis XIV La Pensée européenne au XVIIIème siècle, Paul Hazard arrive à la même conclusion.

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