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roi-soleil. Premièrement, il faut constater qu’à l’époque moderne, tout en étant moins présent qu’Alexandre le GrandAlexandre le Grand, TitusTitus ne fut, par exemple, pas un absent de la propagande royale française. Chantal Grell et Christian Michel soulignent qu’il incarne au XVIIe siècle l’« archétype du bon prince20 ». Et Marc Fumaroli le situe au même niveau qu’Alexandre le GrandAlexandre, César, Jules [Cesar]César ou AugusteAuguste21. Ainsi et sans surprise, l’empereur romain se trouve bien au château de Versailles. Dans sa Nouvelle description des chasteaux et parcs de Versailles et Marly, Jean-Aymar Piganiol de la Force, Jean-AymarPiganiol de la Force explique en décrivant la décoration du « Cabinet du Billard » : « Le triomphe de VespasienVespasien & de TitusTitus ; par Jules-Romain. Ce Tableau est sur bois, & a trois pieds huit pouces & demis de haut, sur cinq pieds trois pouces de large22. » De plus, depuis 1694, il y a à Versailles une galerie regroupant 84 bustes d’empereurs romains dont un de TitusTitus également23.

      DeuxièmementLouis XIV, il ne faut pas oublier une pièce de théâtre qui a connu un grand succès au siècle de Louis XIVLouis XIV. Le TitusTitus le plus connu à l’époque du roi-soleil fut certainement celui de Jean Racine, JeanRacine24. L’écrivain a fait de TitusTitus un des personnages principaux de sa tragédie Bérénice qui fut présentée sur scène pour la première fois en 1670 : déchiré entre son amour pour Bérénice, une reine étrangère, et son devoir en tant qu’empereur qui lui interdit d’épouser ladite dame, le TitusTitus de Racine, JeanRacine choisit la raison d’État et abandonne son amour pour garantir le bonheur de son peuple25 devenant de cette manière l’incarnation du « bon prince26 » par excellence. De ce fait, les vers de Pons, Jean-François de [M. P.]Pons qui font l’éloge du « sacré caractère27 » du « nouveau TitusTitus28 » paraissent moins surprenants et il semble que le versificateur essaie de mettre la bonne réputation de TitusTitus au service de la Régence.

      De même, le choix des contributeurs au Nouveau Mercure galant semble paradoxal. Comparer Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans et non pas Louis XIVLouis XIV à TitusTitus demande une explication : selon Stanis Perez, lorsque Bérénice est représentée en 1670, les contemporains de Louis XIVLouis XIV n’ont pas hésité à rapprocher leur souverain du personnage de Jean Racine, JeanRacine. D’après Perez, l’amour impossible entre Bérénice et TitusTitus leur a rappelé la liaison entre le jeune Louis XIVLouis XIV et Marie Mancini, MarieMancini, une nièce de Mazarin. Tout comme le héros de la tragédie, le jeune monarque a renoncé à son véritable amour pour épouser l’infante Marie-ThérèseMarie-Thérèse et ne pas mettre en danger la paix des Pyrénées29. Or, au début du XVIIIe siècle, ce sacrifice de Louis XIVLouis XIV semble oublié et la notion de « raison d’État » est associé davantage au Régent qu’au défunt roi30.

      Finalement, Louis XIVforce est de constater que, à quelques nuances près, comme par exemple la comparaison de Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans avec TitusTitus, il n’y a guère de différences entre les glorifications du roi-soleil et du Régent. Comme Louis XIVLouis XIV, Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans est comparé à HerculeHercule et décrit comme supérieur à Jules César, Jules [Cesar]César ou AugusteAuguste.

      En définitive, nous pouvons observer que si quelques contributions, celle de Mademoiselle Deshoulières, Antoinette-Thérèse, MademoiselleDeshoulières par exemple, peuvent se passer de personnages historiques ou mythologiques, ceux-ci sont pourtant bien présents dans le Nouveau Mercure galant. Les lecteurs y rencontrent HerculeHercule, Alexandre le GrandAlexandre le Grand, Jules César, Jules [Cesar]César ou Louis IXSaint Louis – pour n’en citer que quelques exemples.

      Cette persévérance de différentes stratégies élogieuses illustre le triomphe partiel des idées des Modernes qui, à l’instar de Charles Perrault, CharlesPerrault, rêvent de bannir de la glorification royale toute allusion au passé. Ils redoutent que ces héros antiques soient utilisés pour critiquer le pouvoir royal en place et présenter un modèle politique alternatif. Étant donné que l’établissement d’un premier inventaire des références historiques ne nous a pas encore fourni d’exemples d’une telle mobilisation de l’ancien monde, il faut désormais se pencher plus sérieusement sur la question de savoir s’il existe des contributions dont les auteurs formulent une critique du pouvoir, aussi cachée qu’elle puisse être. Dans ce contexte, il sera également primordial de relire au deuxième degré les louanges étudiées auparavant.

      2.2 Démarcation de Louis XIV

      Dans Louis XIVles pages précédentes, le rôle conservateur du Nouveau Mercure galant, puisque stabilisateur de la société de l’Ancien Régime, a été souligné. Néanmoins, il s’agit seulement d’une face de la médaille, et pour finir, s’impose enfin la question de savoir si le périodique prend également ses distances avec le pouvoir royal et l’héritage de Louis XIVLouis XIV. C’est la raison pour laquelle il sera nécessaire de débattre sur la possible dénonciation d’erreurs ou d’évolutions défavorables par la revue. Dans un premier temps, nous resterons dans le domaine de la politique au sens étroit du terme et la présentation du souverain. Dans un deuxième temps, en revanche, nous nous pencherons sur la vie culturelle – rappelons-nous les défenses vigoureuses de la langue française et de sa littérature prises par les Modernes – et étudierons les innovations introduites par le Régent.

      Critique du pouvoir royal

      D’après Chantal Grell, cette coexistence de plusieurs formes de propagande royale, dont certaines sont quelque peu démodées, est le propre d’une production que l’on pourrait qualifier de populaire, c’est-à-dire des textes qui ne sont écrits ni par l’entourage du roi, ni par les instituts proches du centre du pouvoir, comme les différentes académies royales. Cela souligne bien la position marginale du Nouveau Mercure galant sur l’échiquier politique de l’époque qui est également illustrée par la dédicace faite au fils de Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans et non pas au Régent lui-même. Cependant, il ne faut pas oublier que les Modernes rejettent le recours à l’Antiquité pour des raisons précises. Comme l’a évoqué Houdar de La Motte, les héros de l’Iliade ne sont pas dignes d’être comparés à Louis XIVLouis XIV et Thomas Hobbes, ThomasHobbes estime même que les livres gréco-latins incitent à la révolte. De ce fait, la question de savoir dans quelle mesure les références au monde ancien ne constituent pas seulement des lieux communs, mais cachent également une critique réelle du roi-soleil ou une mise en garde formulée à l’encontre du Régent s’impose. Cela s’apparente néanmoins à une aventure sur un terrain miné puisqu’il est peu probable que nous trouvions des critiques directes, mais au contraire, des traces ayant un sens voilé.

      Une « Ode presentée au roy sur la paix » publiée dans le Nouveau Mercure galant de janvier 1715 éveille notre attention. La transition vers cet éloge à l’égard de Louis XIVLouis XIV paraît déjà intéressante puisque les vers sont attribués au « fils de M. Chappe, ancien Payeur des Rentes1 » – une pratique qui rappelle l’exemple de Charles Perrault, CharlesPerrault qui publie ses Histoires, ou contes du temps passé sous le nom de son fils, afin de ne pas être associé à ce genre littéraire. Pour confirmer ces soupçons, il faut pourtant lire attentivement l’ode.

      Premièrement, les vers semblent effectivement louer les qualités de Louis XIVLouis XIV qui est comparé à Alexandre le GrandAlexandre le Grand. Le jeune homme est clair :

      Cede, temeraire Alexandre le GrandAlexandre,

      Cede, à nôtre équitable Roy ;

      Au nom de Grand il peut pretendre

      A plus juste titre que toi2.

      Le Louis XIVmessage paraît évident et le fils de Chappe explique amplement les raisons de la supériorité de son souverain sur le roi macédonien. Tout comme celui-ci, Louis XIVLouis XIV est un grand chef militaire et « vainqueur des plus superbes Têtes3 » qui court de victoire en victoire,

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