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est bien informé des différentes politiques royales aux niveaux national et européen25, a remplacé la réalité européenne par un idéal utopique puisque c’est le roi-soleil qui a instauré un système peu tolérant en France et essayé de créer un empire français en Europe26. Son but consiste donc à dénoncer de manière ironique la politique de Louis XIVLouis XIV et de proposer en même temps une alternative plus humaniste.

      EnvironLouis XIV 20 ans plus tard, la situation n’a guère changé. Certes, la guerre de succession d’Espagne s’est terminée en 1714, mais ses conséquences néfastes sont toujours présentes et les vers de Chappe de janvier 171527 en témoignent. De ce fait, il semble être possible de continuer à appliquer la grille de lecture d’Asbach aux éloges publiés dans le Nouveau Mercure galant : pour les contemporains avertis d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay, ces contributions qui célèbrent notamment le génie militaire du roi malgré la quasi-défaite militaire des armées royales28 ou qui présentent le monarque comme le garant de la paix en fermant les yeux sur sa politique expansionniste29 paraissent ironiques, voire satiriques. Et, au vu de l’érudition littéraire des membres de la société mondaine, nous pouvons supposer qu’un nombre relativement conséquent, peut-être même une majorité, ait compris ce message caché qui critique Louis XIVLouis XIV et qui peut être considéré comme une mise en garde du Régent qui est censé ne pas répéter les erreurs du roi-soleil.

      En définitive, il faut constater que le Nouveau Mercure galant propose deux lectures de la royauté. D’une part, le périodique apparaît comme un pilier de l’Ancien Régime. D’autre part, ces éloges paraissent trop parfaits et suggèrent qu’il faille lire entre les lignes afin de découvrir leur véritable sens. À cela s’ajoutent quelques contributions très rares qui dénoncent plus directement certains aspects de la politique royale ou de l’état du royaume, comme par exemple la dégradation des mœurs30, mais ces textes-là restent l’exception qui confirme la règle.

      Le retour des Italiens et des innovations culturelles

      DansLouis XIV la livraison de mai 1716, Hardouin Le Fèvre de Fontenay condamne à nouveau les cultures italienne et espagnole à cause « des representations de farces, & de quantité de Comedies modernes si triviales, que tout leur merite pour attirer la risée des spectateurs, roule souvent sur la saleté d’une équivoque, ou sur l’effronterie d’une phrase impudente1 ». Or, lorsque le directeur du périodique publie ce constat, celui-ci est déjà dépassé et ne reflète plus l’esprit de ses contemporains2. Philippe d’Orléans, le RégentPhilippe d’Orléans en est le responsable puisqu’il n’entame pas seulement une révolution politique en modifiant amplement le testament de Louis XIVLouis XIV, mais également en changeant de politique culturelle. Si le roi-soleil a banni les comédiens italiens de Paris en 16973, le Régent les rappelle et ce retour est accompagné d’une série de contributions dans le Nouveau Mercure galant qui célèbre la langue et la culture italiennes. Celles-ci seront étudiées dans un premier temps avant qu’une autre innovation de la Régence – les bals de l’Opéra – soit évoquée.

      Déjà un mois avant cette attaque contre la culture italiennes, c’est-à-dire dans le Nouveau Mercure galant d’avril 1716, Le Fèvre de Fontenay monte au créneau pour défendre la langue de Dante : après les énigmes, il résume brièvement – sur quelques pages – l’actualité des différents théâtres parisiens et conclut son récit avec une petite réflexion enthousiaste à l’égard de la Comédie-Italienne : « La nouvelle la plus interessante que je croye pouvoir à present vous apprendre, c’est qu’on nous promet pour le 20. du mois prochain, l’ouverture de la Comédie-Italienne4. » Il semblerait que certains lecteurs et amateurs du théâtre soient pourtant sceptiques et aient peur de ne rien comprendre à l’intrigue. En tant que bon vendeur, le responsable de la revue prend cette crainte au sérieux et, patiemment, il leur explique :

      [L]a langue [italienne] […] est tres facile pour tout le monde, qu’elle en a second lieu beaucoup de rapport avec la langue Latine, ce qui est d’un grand secours pour ceux qui la sҫavent, de plus j’ajoûte qu’elle a beauocup de conformité avec la Franҫaise […]. Enfin ce sera pour tous ceux qui ignorent l’Italien qui est la plus galante & la plus délicate langue du monde, une école où ils l’apprendront en tres peu de tems, & un plaisir reglé toujours nouveau pour ceux qui la sҫavent5.

      Hardouin Le Fèvre de Fontenay fait donc un effort et cherche à réduire la peur du contact. De plus, il ne se contente pas d’inciter une seule fois ses lecteurs à apprendre l’italien, mais plusieurs fois, et ainsi, il répète quasiment ce même discours dans les livraisons de mai6 et juin 17167. Dans ce dernier numéro, il va encore plus loin et introduit même une histoire d’une « Aventura Amourosa [sic] » en italien8.

      Hormis la défense de la langue, Le Fèvre de Fontenay fait également de la publicité pour les comédiens italiens. Après avoir annoncé les premières représentations dans la livraison d’avril 1716, il en fait le compte-rendu dans le numéro suivant, celui de mai 1716 : « Le 18. de ce mois les Comediens italiens de Son Altesse Royale Monseigneur le Duc d’Orleans Regent, representerent pour la premiere fois dans la Salle de l’Opera, une Comedie Italienne intitulée l’Heureuse surprise. Jamais spectacle fut honoré d’une plus belle Assemblée9. » Et Le Fèvre de Fontenay poursuit en soulignant non seulement la qualité du public, mais également le fait qu’il soit possible de suivre l’intrigue sans comprendre l’italien. D’après lui, tout le monde peut « voir dans toutes […] [les] Pieces [des Italiens] un jeu continuel de mouvements, d’attitudes & d’actions si variées, si justes, & si naturelles, qu’elles […] [l’] occuperont toûjours agréablement, & […] [lui] faciliteront l’intelligence des choses qu’ils representent10 ». Puis, il précise que même les concurrents des Italiens – « les Comediens Franҫois11 » – approuvent leurs productions et les considèrent comme « d’excellents Acteurs12 ».

      Or, toutes ces louanges n’empêchent pas certains contemporains de la revue de se prononcer contre la Comédie-Italienne et d’en être scandalisés13. Dans le Nouveau Mercure galant de juin 1716, Le Fèvre de Fontenay leur répond que ces pièces ne sont ni meilleures ni pires que certains textes d’auteurs français, comme par exemple « Scaron, PaulScaron, Marot, ClémentMarot & Rabelais, FrançoisRabelais14 ». Et puis, digne d’un Fontenelle, Bernard Le Bovier deFontenelle qui défend dans son Digression sur les Anciens et les Modernes l’idée d’une égalité des peuples15, le responsable du périodique excuse certains traits spécifiques du théâtre italien en rappelant à son public que « [c]haque peuple a ses Us & Coûtumes16 ». Et par conséquent, il est parfaitement acceptable pour Le Fèvre de Fontenay qu’une bonne pièce de théâtre ne suive pas forcément les règles de « nostre Theatre Franҫois17 ». Il conclut ensuite cette défense de la Comédie-Italienne par un éloge des acteurs :

      Pour ce qui regarde les Acteurs & Actrices, je n’en parleray pas davantage ; chacun est d’accord sur cet article, & il n’y a personne qui ne convienne de leur merite. Arlequin est le plus joly, le plus fin & le plus gracieux Arlequin qu’on puisse voir ; & le Signor Lelio est, de l’aveu même de ses Emules, un des plus sҫavans & des plus grands Comediens de l’Europe18.

      Cette déclaration d’amour pour le théâtre italien de la part d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay et sa forte présence dans le périodique mérite une explication. D’un côté, cet engouement pour la Comédie-Italienne traduit certainement la mission première du périodique qui veut informer les provinciaux de la situation parisienne. Ainsi, le Nouveau Mercure galant ne fait que suivre et divulguer l’évolution récente de la vie culturelle. Cependant, même d’un simple point-vue culturel, il s’agit d’une importante démarcation du siècle de Louis XIVLouis XIV. D’après Marc Fumaroli, un des enjeux centraux de la Querelle des Anciens et des Modernes est « la supériorité et l’autonomie absolues du français19 ». De ce fait, force est de constater que ce combat n’a apparemment plus lieu au printemps 1716 et qu’une nouvelle époque a déjà commencé.

      De l’autre

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