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l’été 1714, Hardouin Le Fèvre de Fontenay publie deux textes de Jean-Antoine Du Cerceau, Jean-AntoineDu Cerceau : l’« Apolopie D.P.D.C. » et « De la nécessité de la Critique ». S’il est difficile d’établir comment Le Fèvre de Fontenay a obtenu ces deux pièces en vers, dont la deuxième a déjà été publiée à l’époque de Charles Dufresny, CharlesDufresny, son prédécesseur à la tête de la revue10, il est moins compliqué de savoir où Du Cerceau, Jean-AntoineDu Cerceau a rédigé ses textes. Selon le Dictionnaire des journalistes, Du Cerceau, Jean-AntoineDu Cerceau séjournait à Bourges de 1710 à 1714. Il y était préfet des études au collège des jésuites – établissement prestigieux puisqu’il avait profité du généreux soutien financier d’Henri II de Bourbon-Condé, Henri II de BourbonCondé11 et car le Grand Condé, Louis II de BourbonCondé y fut élevé12 – et, à ce titre, chargé de son bon fonctionnement pédagogique. La présence de Du Cerceau, Jean-AntoineDu Cerceau à Bourges est d’ailleurs confirmée par deux textes qu’il publia dans cette ville : une oraison funèbre de Monseigneur Louis, dauphin, en 1711 et une autre à la gloire de l’épouse de ce dernier, Marie-Adélaïde de Savoie, Marie-Adélaïde deSavoie, en 171213. Il est donc fort possible que Du Cerceau, Jean-AntoineDu Cerceau ait également écrit les vers publiés dans la revue à Bourges.

      Un autre auteur relativement illustre – également membre des jésuites et résidant en province – a également contribué au Nouveau Mercure galant et plus précisément à la livraison d’octobre 1715 : il s’agit du « R. P. de Clery14 » qui a versifié un conte dédié à « M. Houdart de la Motte, Auteur de la nouvelle Iliade15 ». Au premier coup d’œil, il est difficile d’attribuer le poème à un auteur précis car le responsable de la revue écrit que « c’est un conte de la faҫon du R. P. de Clery, Professeur d’Eloquence à Toulouse16 » : s’agit-il simplement d’un imitateur de Clery ou un de ses disciples a-t-il envoyé le texte au Nouveau Mercure galant sans demander l’approbation de son professeur, ce qui a amené Le Fèvre de Fontenay à ne pas associer le poème à Clery ? Si un dernier doute persiste, il est cependant plausible qu’il y ait une faute d’orthographe dans le Nouveau Mercure galant d’octobre 1715 et qu’il est effectivement question de Pierre Cléric, PierreCléric : dans la livraison du 7 décembre 1715 des Nouvelles Littéraires, le même poème est imprimé et Henri Du Sauzet, HenriDu Sauzet, le responsable de ce périodique, annonce que le « Révérend Pere Pierre Cleric […] est l’Auteur du Conte17 ». De plus, au XVIIIe siècle, plusieurs contemporains lui ont également attribué les vers en question, par exemple Claude Pierre Goujet, Claude PierreGoujet dans sa Bibliothèque franҫoise ou Histoire de la littérature franҫoise de 174418 ou Heinrich Wilhelm Lawätz, Heinrich WilhelmLawätz dans son Handbuch für Bücherfreunde und Bibliothekare19. De plus, selon la Biographie universelle des Anciens et des Modernes, un certain Pierre Cléric, PierreCléric « professa les humanités dans divers colléges, et la rhétorique à Toulouse pendant vingt-deux ans20 » ce qui le rapproche encore davantage du « Clery » du Nouveau Mercure galant. Par conséquent, il paraît plus que probable qu’il s’agisse de la même personne.

      Si Jean-Antoine Du Cerceau, Jean-AntoineDu Cerceau et Pierre Cléric, PierreCléric font parties des auteurs plus connus, il existe également des contributeurs moins renommés : dans la livraison de juillet 1715 par exemple, « l’Auteur desinteressé des bords de la Marne21 » publie un « Rondeau redoublé, & decisif, sur le sujet des Anciens & des Modernes22 ». Le recours à une périphrase constitue une stratégie typique et bien répandue dans la société mondaine. Selon Suzanne Dumouchel, c’est un « jeu de masque23 » qui permet au responsable de la revue de présenter une diversité de voix tout en protégeant l’identité du contributeur lui-même. Or, celui-ci ne cherche guère l’anonymat, mais il initie un jeu littéraire. Comme à un bal masqué, le versificateur de juillet 1715 se cache derrière une description géographique et les autres lecteurs peuvent deviner de qui il s’agit véritablement. Le fait que l’auteur désintéressé des bords de la Marne choisit cette forme au lieu de signer simplement par son nom ou de choisir la discrétion de l’anonymat signifie qu’il connaît bien les règles et les traditions du monde galant.

      De plus, il semble que le Nouveau Mercure galant soit régulièrement lu aux « bords de la Marne24 » étant donné que le contributeur inconnu cite indirectement et à plusieurs occasions le numéro de mars 1715 de la revue :

      Mais dés qu’on vit l’horloge menagere

      […]

      On fut surpris dessus nostre hemisphere

      Qu’un tournebroche ait sceu nous étonner25.

      L’idée de présenter l’horloge comme un perfectionnement d’un tournebroche n’est pas nouvelle. Dans la livraison de mars 1715, Thémiseul de Saint-Hyacinthe, Thémiseul deSaint-Hyacinthe a recours à cette comparaison pour défendre le concept du progrès26. En outre, l’auteur provincial se sert également d’un texte de l’abbé Jean-François de Pons, Jean-François de [M. P.]Pons. Tout comme celui-ci, il voit dans Houdar de La Motte un nouveau Descartes, RenéDescartes27.

      Ainsi, cet exemple montre bien une dimension particulière de la fameuse fécondité des querelles et, en même temps, dans quelle mesure la revue d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay a contribué à divulguer les grands thèmes de la Querelle d’Homère en France : il est désormais clair que des lecteurs présents partout dans le royaume des Bourbons s’y sont intéressés et que la revue a également facilité leur accès.

      Hormis ces exemples, il existe des contributions qui sont cependant plus difficilement attribuables à un auteur précis. C’est le cas de nombreux textes envoyés à Hardouin Le Fèvre de Fontenay par « un de mes amis28 » ou des réflexions anonymes. Bien que ces contributions très élaborées, comme par exemple, le « Dialogue magnifique entre Iris, Mercure & un Moderne29 », aient très certainement été rédigées par quelqu’un possédant une grande culture littéraire, certains textes plus courts, également présents dans la revue, sont susceptibles d’avoir été écrits par des auteurs-lecteurs moins savants. Il faut penser, entre autres, aux énigmes et aux questions aux lecteurs – deux catégories à la mode qui sont présentes dans de nombreuses livraisons de la revue.

      En août et en octobre 1715, Le Fèvre de Fontenay intègre dans le périodique des questions que des amis lui ont envoyées et qui s’inspirent directement de la Querelle d’Homère. Voilà la « [q]uestion moderne » d’août : « Lequel a plus de raison, ou de Me. Dacier de nous avoir donné la Traduction d’Homere, comme celle d’un original parfait, ou de M. de la Motte d’avoir choisi ce mesme Homere pour en faire une imitation30. » Deux mois plus tard, le responsable de la revue cherche à nouveau à élucider les pensées de ses lecteurs et publie deux questions concernant la Querelle d’Homère : « Quatriéme Question. On est grandement curieux de sҫavoir, si Hélène [Helen] [Helene] de TroieHelen estoit blonde ou brune […]. Cinquiéme Question Qu’on nous dise enfin, s’il y a eû un Homère, & qu’on réponde cette fois par un ouї, ou un non définitif31. » Dans les deux cas, les lecteurs n’ont pas hésité à envoyer de nombreuses réponses au Nouveau Mercure galant – du moins selon les propos d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay qui n’en publie que les meilleures32. Étant donné notre problématique, il nous suffit de formuler quelques hypothèses au sujet des intentions du responsable de la revue et des participants à ce jeu littéraire. Au vu du contenu un peu simpliste, voire naïf des questions – dès le début de la Querelle d’Homère, les Modernes ont par exemple souscrit au fait qu’Homère a bel et bien existé33 –, il semble s’agir avant tout d’une tentative d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay de prolonger les débats en raison d’un intérêt véritable ou supposé de son public. De plus, si l’on prête foi au responsable de la revue et à son affirmation que bien des lecteurs auraient réagi aux questions, il est fort probable qu’il ne s’agissait guère d’un public savant, mais plutôt mondain. Bien évidemment, sans aucune recherche archivistique supplémentaire, il est impossible de savoir si ce public fut plus parisien que provincial, ou l’inverse. Pourtant, l’essentiel

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