Скачать книгу

à la clef, de raconter la gravité d'une blessure dont elle porte les marques au côté droit.

      Étonnantes sensations que celles d'une chute! J'en fis une un jour de quinze mètres.

      Je divise les impressions que j'éprouvai en six périodes distinctes de un vingtième de seconde chacune.

      1° En tombant, je m'aperçut à l'instant que quelque chose allait mal.

      2° Je continuai à m'apercevoir que cela allait bigrement mal.

      3° Je pensai fortement que la chose n'était pas du tout claire.

      4° Rencontrant un échafaudage qui m'enfonça trois côtes, je fus convaincu que mon affaire était totalement embrouillée.

      5° Au contact d'un boulon qui me caressa l'échine, je lâchai mon histoire et abandonnai le raisonnement de la situation.

      6° Arrivé au but, la réalité me fit rechercher ma respiration, égarée pendant le trajet, et, ceci fait, je me retirai, avec aide, dans mon logement.

      Raccommodant mes os endommagés, je pensai amèrement qu'il devait exister sur terre quelque chose de moins assommant qu'une chute de quinze mètres.

      Et ma pipe, quelles sensations éprouva-t-elle…? Son mutisme nous empêche de la sonder, mais quelles révélations si elle voulait s'ouvrir à moi!

      Voilà où nous en sommes, pauvres motels! Notre génie reste confondu devant le silence et se perd dans des conjectures plus ou moins raisonnables.

      Elle guérit cependant de sa profonde blessure, grâce à un bandeau forgé par l'horloger de la Grand'rue, et, un peu de ciment aidant, elle fut entre mes lèvres vingt-quatre heures après.

      Par ce qui précède, vous concevez aisément les attaches qui me lient à cette vieille compagne des déboires et de dégringolade.

      Comment peut-on admettre, vu ses droits, que mon sac ait pu passer avant elle?

      Hélas! le sort en a voulu ainsi!

      Chroniqueur fidèle des péripéties de ce voyage, je me suis attaché à un récit impartial des scènes dont ma tente est témoin.

      Le hasard, jaloux de sa gloire, a jugé à propos de loger ma pipe où elle se trouve, et force me fut de l'y prendre et de lui consacrer ces quelques lignes, appelées à rehausser les vieilles pipes dans l'esprit des gens hostiles.

      Elle est d'ailleurs en bonne compagnie, car tout près d'elle se rencontre mon revolver, que je vous demande d'examiner.

       Table des matières

      LE REVOLVER

      Bronzé, modèle 1874, matricule 45293, mon revolver fut placé dans mes mains le 4 octobre 1879.

      Il était alors innocent de tout acte sinistre.

      A part quelques trous, qu'il perça à la cible dans de petits ronds noirs, il ne se distingua pas outre mesure depuis.

      Le revolver est un bijou insouciant et quelquefois dangereux, surtout pour celui qui le manie. Il est assez rare qu'il le soit pour celui sur lequel on tire.

      Je sais de certains revolvers à sept coups, doués d'une manie grincheuse.

      Le tireur, ému, pressait la détente au moment sérieux, et le premier coup parti invitait les autres à suivre son exemple.

      C'était alors une orgie épouvantable, à laquelle assistait l'honnête tireur.

      L'oreille effarée, la main tremblante, il suivait avec stupéfaction la série de coups que lançait cet ingénieux revolver. Puis, ce bon diable de tireur songeait invariablement à mettre le holà quand la noce était finie.

      Cette arme appartenait au système américain Allen.

      Par un mécanisme que l'inventeur n'avait peut-être pas encouragé, les coups, au lieu d'être intermittents, partaient en bande.

      Il serait intéressant de faire ici une étude sérieuse sur le revolver.

       Cela aurait le piquant de la nouveauté.

      Je regarde mon modèle 1874, et les noires profondeurs de son canon n'ont rien d'attrayant.

      Il est assez original de penser que de six petits trous bien polis peuvent sortir vivement six balles, d'un excellent plomb, à l'adresse de six malheureux mortels.

      Malgré la haute philosophie de ces candides idées, je ne m'y arrête pas, et je m'empresse de développer mon sujet.

      Il y a loin du naïf pistolet à un seul feu au revolver actuel.

      Il est vrai de dire, cependant, que le pistolet à coup unique trouve encore des admirateurs, surtout chez nos ennemis actuels, les Arabes.

      Aussi est-ce un vrai bon moment que de voir ces fiers gars du désert se promener avec une de ces armes, gravées, ornementées sur toutes les faces.

      Un guerrier nomade accompagné d'un pareil engin croit que le monde est à lui.

      Chaque fois qu'un de ces petits fusils fait feu, il faut être discret et se tenir à distance car chez ces meubles antiques tout peut être solide, excepté le canon.

      Dix fois sur dix, ils éclatent, et, ma foi, ce n'est pas si drôle que d'être si près.

      On a bien encore quelques Européens arriérés qui dédaignent les améliorations modernes et tiennent ferme au pistolet d'arçon.

      Il y a aussi les armes de précision à un seul coup. Mais elles ne servent généralement qu'à orner les panoplies, ou à entrer en scène dans un petit duel pas trop sérieux.

      Parlez-moi du grave revolver, du gaillard que crache ses six projectiles à deux cents mètres et tue infailliblement à trente.

      Voilà le genre. Aussi l'humanité bien pensante l'a-t-elle accepté comme protecteur personnel dans nos armées modernes.

      Un homme qui sait bien se servir du revolver est à craindre.

      Faut-il affirmer aussi qu'il est très-difficile de tirer juste? Et moi qui vous parle, malgré mes quinze années d'étude, je ne puis encore faire mouche à chaque coup.

      J'abats bien un perdreau à vingt pas (?), et la vie d'un homme ne serait parbleu pas en sûreté dans un rayon de quarante mètres du canon de mon arme; mais cela est infime.

      Donnez-moi, par exemple, un cow-boy américain qui tire des deux mains à la fois, et croit avoir fait une chose extraordinaire quand il manque un coup sur vingt.

      Après tout, attachez l'importance qu'il vous plaira à ce que je viens d'avancer. Je ne le donne pas pour dogme religieux.

      Certains tireurs sont fiers de toucher une fois sur vingt, et je ne puis faire autrement que de les en féliciter.

      D'ailleurs, cette vanité peut valoir l'autre: question de tempérament.

      Mais n'engendrons pas une mauvaise querelle là-dessus, et, pour mettre un terme à cet intéressant chapitre, je vous propose une digression sur le sabre.

      Конец ознакомительного фрагмента.

      Текст предоставлен ООО «ЛитРес».

      Прочитайте эту книгу целиком, купив полную легальную версию на ЛитРес.

      Безопасно

Скачать книгу