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ce que j'ai vu en France, comptent parmi ses bonnes oeuvres; on leur doit bien ce nom, car il n'y employa pas les corvées. Le même patriote éminent a fondé une société d'agriculture; mais dans cette direction, où les efforts de la France ont presque toujours été malheureux, il n'a rien pu faire, des abus trop enracinés lui barraient le chemin. Comme dans les autres sociétés, on s'assemble, on fait la conversation, on offre des prix et on publie des sottises. Il n'y a pas grand mal à cela; le peuple, ne sachant pas lire, est bien loin de consulter les mémoires qu'on écrit. Il peut voir cependant, et si une ferme lui était présentée digne d'être imitée, il pourrait apprendre. Je demandai, entre autres choses, si les membres de cette société avaient des terres, d'où l'on pût juger s'ils connaissaient eux-mêmes ce dont ils parlaient; on m'en assura, cependant la conversation m'éclaira bientôt là-dessus. Ils ont des métairies autour de leurs maisons de campagne, et se considèrent comme faisant valoir, se faisant justement un mérite de ce qui est la malédiction et la ruine du pays. Dans toutes mes conversations sur l'agriculture depuis Orléans, je n'ai pas trouvé une personne qui sentît le mal dérivant de ce mode de fermage.

      Le 7. — Les châtaigneraies cessent une lieue avant Pierre- Buffière, parce que, dit-on, le sol est un granit très dur; on ajoute aussi à Limoges que sur ce granit il ne vient ni vignes, ni blé, ni châtaignes, bien que ces plantes prospèrent quand il se désagrège; il est vrai que le granit et les châtaignes nous apparurent à la fois à notre entrée dans le Limousin. La route est incomparable, et ressemble plutôt aux allées bien tenues d'un jardin qu'à un grand chemin ordinaire. Vu pour la première fois de vieilles tours; elles semblent nombreuses dans ce pays. — 33 milles.

      Le 8. — Spectacle extraordinaire pour l'oeil d'un Anglais: plusieurs bâtiments, trop bien construits pour mériter le nom de chaumières, n'ont pas une vitre. À quelques milles sur la droite se trouve Pompadour, haras royal; il y a des chevaux de toutes races, mais principalement des arabes, des turcs et des anglais. Il y a trois ans, on importa quatre étalons arabes coûtant soixante-douze mille livres (3 149 L.). Le prix d'une saillie n'est que de trois livres, au bénéfice du palefrenier; les propriétaires peuvent vendre leurs poulains comme ils l'entendent, mais lorsque ceux-ci atteignent la taille voulue, les officiers du roi jouissent d'un privilège, pourvu qu'ils donnent le prix offert par d'autres. On ne monte pas ces chevaux avant six ans. Ils pâturent tout le jour; la nuit on les renferme par crainte des loups, une des grandes plaies du pays. Un cheval de six ans, haut de quatre pieds six pouces, se vend soixante-dix liv. st.; on a offert quinze liv. st. d'un poulain d'un an. Passé Uzarche; dîné à Douzenac; entre cet endroit et Brives, rencontré le premier champ de maïs ou blé de Turquie.

      La beauté du pays, dans les 34 milles qui séparent Saint-Georges de Brives, est si variée, et sous tous les rapports si frappante et de tant d'intérêt, que je n'entreprendrai pas une description minutieuse; je remarquerai seulement, d'une manière générale, que je doute qu'il y ait en Angleterre ou en Irlande quelque chose de comparable. Ce n'est pas que, dans le Royaume-Uni, une belle vue ne rompe çà et là l'uniformité ennuyeuse de tout un district, et ne récompense le voyageur; mais il n'y a pas cette rapide succession de paysages, dont bon nombre seraient fameux en Angleterre par la foule de curieux qu'ils attireraient. Le pays est tout en collines et en vallées; les collines sont très hautes, elles seraient chez nous des montagnes si elles étaient désertes et revêtues de bruyères; la culture, qui s'étend jusqu'au sommet, les amoindrit à l'oeil. Leurs formes sont très variées: elles se renflent en dômes superbes; elles se dressent en masses abruptes, enserrant des gorges profondes (glens); elles s'étendent en amphithéâtres de cultures que l'oeil suit de gradin en gradin; à de certains endroits se trouvent amoncelées mille et mille inégalités de terrain; dans d'autres, la vue se repose sur des tableaux de la plus douce verdure. Ajoutez à ceci le riche vêtement de châtaigneraies que la main prodigue de la nature a jeté sur les pentes. Soit que les vallées ouvrent leur sein verdoyant pour que le soleil y fasse resplendir les rivières qui s'y reposent, soit qu'elles se resserrent en sombres gorges, livrant à peine passage aux eaux qui roulent sur leurs lits de rochers, éblouissant l'oeil de l'éclat des cascades, toujours le paysage est rempli d'intérêt et de caractère. Des vues, d'une beauté singulière, nous rivaient au sol; celle de la ville d'Uzarche, couvrant une montagne conique surgissant du milieu d'un amphithéâtre de forêts, les pieds baignés par une magnifique rivière, n'a point d'égale en son genre. Derry (Irlande) y ressemble, mais les traits les plus beaux lui manquent. De la ville elle-même, et un peu après l'avoir passée, on jouit de délicieuses scènes formées par les eaux. À la descente de Douzenac, on a également un horizon immense et magnifique. Il faut y joindre le plus beau chemin du monde, parfaitement construit, parfaitement tenu: on n'y voit pas plus de poussière, de sable, de pierres, d'inégalités que dans l'allée d'un jardin; solide, uni, formé de granit broyé, tracé toujours tellement de façon à dominer le paysage, que si l'ingénieur n'avait pas eu d'autre but, il ne l'eût pas fait avec un goût plus accompli.

      La vue de Brives, prise des hauteurs, est si attrayante, que l'on s'attend à trouver une charmante petite ville; l'animation des alentours confirme cet espoir; mais en entrant le contraste est tel, qu'il vous en dégoûte entièrement. Les rues étroites, mal bâties, tortueuses, sales, puantes, empêchent le soleil et presque l'air de pénétrer dans les habitations; il faut en excepter quelques-unes sur la promenade. — 34 milles.

      Le 9. — Nous entrons dans une nouvelle province, le Quercy, partie de la Guyenne; elle n'est pas, à beaucoup près, si belle que le Limousin, mais en revanche, elle est beaucoup mieux cultivée, grâce au maïs qui y fait merveilles. Passé devant Noailles; sur le sommet d'une haute colline, on voit le château du duc de ce nom. Nous avons quitté le granit pour le calcaire, et perdu du même coup les châtaigniers.

      En descendant à Souillac, on jouit d'une vue qui doit plaire à tout le monde: c'est une échappée sur un délicieux petit vallon, encaissé entre des collines très abruptes; de sauvages montagnes font ressortir la beauté de la plaine couverte de cultures, ombragée çà et là de noyers. Rien ne semble pouvoir surpasser l'exubérance de ce fonds.

      Souillac est une petite ville florissante, qui compte quelques gros négociants. Par la Dordogne, rivière navigable huit mois de l'année, on reçoit du merrain d'Auvergne qu'on exporte à Bordeaux et Libourne, ainsi que du vin, du blé et du bétail; on importe du sel en grande quantité. Impossible pour une imagination anglaise de se figurer les animaux qui nous servirent à l'hôtel du Chapeau- rouge: des êtres appelés femmes par la courtoisie des habitants de Souillac, en réalité des tas de fumier ambulants. Mais ce serait en vain qu'on chercherait en France une servante d'auberge proprement mise. — 34 milles. Le 10. — Passé la Dordogne sur un bac, parfaitement arrangé aux deux extrémités pour l'entrée et la sortie des chevaux, sans qu'on soit obligé, comme en Angleterre, de les battre outrageusement pour les décider à y sauter: le contraste des prix n'est pas moindre; pour un whisky anglais, un cabriolet français, un cheval de selle et six personnes, nous ne payâmes que 50 sous (2/1). En Angleterre, sur ces exécrables bacs, j'ai payé une demi-couronne par roue, et au grand risque de rompre les jambes des chevaux. La rivière coule dans une vallée très profonde entre deux rangs de collines élevées: la vue qui s'étend loin, rencontre partout des villages ou des habitations isolées; l'apparence d'une nombreuse population. Les châtaigniers viennent ici sur le calcaire, contrairement à la maxime limousine.

      Passé Payrac, rencontré beaucoup de mendiants, ce qui ne m'était pas encore arrivé. Partout le pays, filles et femmes n'ont ni bas, ni souliers; les hommes à la charrue n'ont ni sabots, ni bas à leurs pieds. Cette pauvreté frappe à sa racine la prospérité nationale, la consommation du pauvre étant d'une bien autre importance que celle du riche: la richesse d'un peuple consiste dans la circulation intérieure et sa propre consommation; on doit donc regarder comme un mal des plus funestes, que les produits des manufactures de lainage et de cuir soient hors de la portée des classes pauvres. Cela nous rappelle la misère de l'Irlande. Traversé Pont-de-Rodez et gagné un terrain élevé, d'où nous jouissons d'un immense panorama de chaînes de montagnes, de collines, de pentes douces, de vallées, s'échelonnant l'une derrière l'autre dans toutes les directions; peu de bois, mais de nombreux arbres disséminés. On embrasse distinctement au moins quarante milles, sur lesquels pas un acre n'est de

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