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vous serez chargé de sa défense; et s'il est vrai, que les étrangers persistent dans le projet impie d'attenter à notre indépendance et à notre honneur, je pourrai profiter de la victoire sans être arrêté par aucune sollicitude.

      Soldats, fédérés! s'il est des hommes dans les hautes classes de la société qui ayent déshonoré le nom Français; l'amour de la patrie et le sentiment d'honneur national, se sont conservés tout entiers dans le peuple des villes, les habitans des campagnes et les soldats de L'armée. Je suis bien aise de vous voir. J'ai confiance en vous: vive la nation!

      Néanmoins, malgré sa promesse, l'Empereur, sous le prétexte que le nombre des fusils n'était point suffisant, ne fit donner des armes qu'aux fédérés de service; en sorte qu'elles passaient journellement de mains en mains, et ne restaient par conséquent en la possession de personne. Plusieurs motifs lui firent prendre cette précaution. Il voulait conserver à la garde nationale une supériorité qu'elle aurait perdue, si la totalité des fédérés eût été armée. Il craignait ensuite que les républicains qu'il regardait toujours comme ses ennemis implacables, ne s'emparassent de l'esprit des fédérés et ne parvinssent, au nom de la liberté, à leur faire tourner contre lui les armes qu'il leur aurait données. Prévention funeste! qui lui fit placer sa force autre part que dans le peuple, et lui ravit par conséquent son plus ferme soutien.

      Au moment où la population de Paris témoignait à l'Empereur et à la patrie le plus fidèle dévouement, le tocsin de l'insurrection retentissait dans les campagnes de la Vendée.

      Dès le 1er mai, quelques symptômes d'agitation avaient été remarqués dans le Boccage[15]. Le brave et infortuné Travot par fermeté, par persuasion, était parvenu à rétablir l'ordre; et tout paraissait tranquille, lorsque des émissaires de l'Angleterre vinrent de nouveau rallumer l'incendie.

      MM. Auguste de la Roche-Jaquelin, d'Autichamp, Suzannet, Sapineau, Daudigné, et quelques autres chefs de la Vendée, se réunirent. La guerre civile fut résolue. Le 15 mai, jour convenu, le tocsin se fit entendre; des proclamations énergiques appelèrent aux armes les habitans de l'Anjou, de la Vendée, du Poitou; et l'on parvint à rassembler une masse confuse de sept à huit mille paysans.

      Les agens Anglais avaient annoncé que le marquis Louis de la Roche-Jaquelin apportait aux provinces de l'Ouest des armes, des munitions, et de l'argent. Les insurgés se portèrent aussitôt à Croix-de-Vic pour favoriser son débarquement. Quelques douaniers réunis à la hâte, s'y opposèrent, mais vainement: la Roche-Jaquelin triomphant remit, entre les mains des malheureux Vendéens, les funestes présens de l'Angleterre[16].

      La nouvelle de ce soulèvement que des rapports inexacts avaient considérablement exagéré, parvint à l'Empereur dans la nuit du 17. Il m'appela près de son lit, me fit mettre sur la carte les positions des Français et des insurgés, et me dicta ses volontés.

      Il prescrivit à une partie des troupes stationnées dans les divisions limitrophes, de se porter en toute hâte sur Niort et sur Poitiers, au général Brayer de se rendre en poste à Angers, avec deux régimens de la jeune garde; au général Travot de rappeler ses détachemens et de se concentrer jusqu'à nouvel ordre; des officiers d'ordonnance expérimentés furent chargés d'aller reconnaître le terrain; et le général Corbineau dont l'Empereur connaissait les talens, la modération et la fermeté, fut envoyé sur les lieux pour apaiser la révolte, ou présider en cas de besoin aux opérations militaires. Toutes ces dispositions arrêtées, l'Empereur referma tranquillement les yeux; car la faculté de goûter à volonté les douceurs du sommeil, était une des prérogatives que lui avait accordé la nature.

      Des dépêches télégraphiques apportèrent bientôt des détails plus circonstanciés et plus rassurans. On sut que les paysans, auxquels on avait donné l'ordre de fournir seulement quatre hommes par paroisse, avaient montré de l'hésitation et de la mauvaise volonté, et que les chefs avaient eu beaucoup de peine à rassembler quatre à cinq mille hommes, composés en grande partie de vagabonds et d'ouvriers sans ouvrage. On sut enfin que le général Travot, ayant été instruit du débarquement et de la route qu'avait suivi le convoi, s'était mis à la poursuite des insurgés, les avait atteints en avant de St.-Gilles, leur avait tué trois cents hommes, et s'était emparé de la majeure partie des armes et des munitions.

      L'Empereur pensa que cette émeute pourrait se résoudre autrement que par la force; et adoptant à cet égard les vues de conciliation proposées par le général Travot, il chargea le ministre de la police d'inviter MM. de Malartic et deux autres chefs Vendéens, MM. de la Beraudière et de Flavigny, à se rendre en qualité de pacificateurs près de leurs anciens compagnons d'armes, et à leur remontrer que ce n'était point dans les plaines de l'Ouest que le sort du trône serait décidé; et que l'expulsion définitive ou le rétablissement de Louis XVIII, ne dépendant ni de leurs efforts ni de leurs revers, le sang français qu'ils allaient verser dans la Vendée serait inutilement répandu.

      Il transmit l'ordre au général Lamarque qu'il venait d'investir de la direction suprême de cette guerre[17], de favoriser de tout son pouvoir les négociations de M. de Malartic; il lui prescrivit en même tems de déclarer formellement à la Roche-Jaquelin et aux autres chefs des insurgés, que s'ils persistaient à continuer la guerre civile, il ne leur serait plus fait de quartier, et que leurs maisons et leurs propriétés seraient saccagées et incendiées[18].

      Il lui recommanda aussi de presser le plus vivement possible les bandes de la Vendée, afin de ne leur laisser d'autre espoir de salut qu'une prompte soumission. Mais cette recommandation était superflue. Déjà le général Travot, par des attaques imprévues, des marches savantes, des succès toujours croissans, était parvenu à porter le trouble et l'effroi dans l'âme des insurgés, et ils cherchaient moins à le combattre qu'à l'éviter.

      En opérant le mouvement de concentration qui lui avait été prescrit, ce général se rencontra la nuit et par hasard, à Aisenay, avec l'armée royale. Les Vendéens, surpris, se crurent perdus. Quelques coups de fusils jetèrent dans leurs rangs le désordre et l'épouvante; ils se précipitèrent les uns sur les autres, et se débandèrent si complétement que MM. de Sapineau et Suzannet se trouvèrent plusieurs jours sans soldats. M. d'Autichamp, quoiqu'éloigné du lieu du combat, éprouva le même sort. Ses troupes l'abandonnèrent avec autant de facilité, qu'il avait eu de peine à les réunir.

      Cette défection n'était point le seul effet de la terreur que l'armée impériale devait naturellement inspirer à de malheureux paysans; elle tenait encore à plusieurs autres circonstances. D'abord, elle résultait du peu de confiance des insurgés dans l'expérience et la capacité de leur général en chef le marquis de la Roche-Jaquelin. Ils rendaient justice à sa belle bravoure, mais il s'était perdu dans leur esprit en les compromettant sans cesse par de fausses manoeuvres, et en voulant les assujettir à un service régulier, incompatible avec leurs habitudes domestiques et leur manière de faire la guerre. Elle provenait ensuite de la division qui s'était introduite, dès le début de la guerre, parmi leurs généraux. Le marquis de la Roche-Jaquelin, ardent et ambitieux, s'était arrogé le commandement suprême; et les vieux fondateurs de l'armée royale, les d'Autichamp, les Suzannet, les Sapineau, n'obéissaient qu'à regret aux ordres impérieux d'un jeune officier, jusques-là sans service et sans réputation.

      Mais la cause première, la cause fondamentale de la mollesse ou de l'inertie des Vendéens, était plus encore le changement survenu depuis le couronnement de Napoléon dans l'état politique et militaire de la France: ils savaient que le tems où ils faisaient peur aux bleus et s'emparaient à coups de bâton de leur artillerie, était passé. Ils savaient que le tems de la terreur, de l'anarchie, était fini pour toujours, et qu'ils n'avaient plus à redouter ni les abus, ni les excès, ni les crimes qui avaient provoqué et entretenu leur première insurrection. Quant à l'attachement qu'ils avaient hérité de leurs pères pour la famille des Bourbons, cet attachement, sans être banni de leurs coeurs, était balancé par la crainte de voir renaître les malheurs et les dévastations de l'ancienne guerre civile, par l'inquiétude que leur inspirait la renaissance du double despotisme des prêtres et des nobles, et peut-être encore par le souvenir des bienfaits de Napoléon. C'était lui qui leur avait rendu leurs églises et leurs

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