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ne peut être déclarée en état de siége, que dans le cas d'invasion de la part d'une force étrangère, ou de troubles civils.

      Dans le premier cas, la déclaration est faite par un acte du gouvernement.

      Dans le second cas, elle ne peut l'être que par la loi. Toutefois, si, le cas arrivant, les chambres ne sont pas assemblées, l'acte du gouvernement déclarant l'état de siége, doit être converti en une proposition de loi dans les quinze premiers jours de la réunion des chambres.

      Art. 67. Le peuple Français déclare en outre que, dans la délégation qu'il a faite et qu'il fait de ses pouvoirs, il n'a pas entendu et n'entend pas donner le droit de proposer le rétablissement des Bourbons, ou d'aucun prince de cette famille sur le trône, même en cas d'extinction de la dynastie impériale, ni le droit de rétablir soit l'ancienne noblesse féodale, soit les droits féodaux et seigneuriaux, soit les dîmes, soit aucun culte privilégié et dominant; ni la faculté de porter aucune atteinte à l'irrévocabilité de la vente des domaines nationaux; il interdit formellement au gouvernement, aux chambres, et aux citoyens, toute proposition à cet égard.

      Donné à Paris, le 22 avril 1815.

      Signé: NAPOLÉON.

      Par l'Empereur,

       Le ministre secrétaire d'état,

      Signé: LE DUC DE BASSANO.

      Cet acte additionnel ne répondit point à l'attente générale.

      On avait espéré recevoir de Napoléon une constitution neuve, affranchie des vices et des abus des constitutions précédentes; et l'on fut surpris, affligé, mécontent, quand on vit, par le préambule même de l'acte additionnel, qu'il n'était qu'une modification des anciennes constitutions et des sénatus-consultes et autres actes qui régissaient l'empire.

      Quelle confiance, s'écriait-on, peut inspirer une semblable production? quelle garantie peut-elle offrir à la nation? ne sait-on pas que c'est à l'aide de ces sénatus-consultes que Napoléon s'est joué de nos lois les plus saintes? et puisqu'ils sont maintenus et confirmés, ne pourra-t-il pas s'en servir, comme il le fit autrefois, pour interpréter à sa guise son acte additionnel, pour le dénaturer et le rendre illusoire?

      Il eût été à désirer, sans doute, que l'acte additionnel n'eût point rappelé le nom et emprunté le secours de tous les actes sénatoriaux, devenus à tant de titres l'objet de la risée et du mépris public; mais cela n'était point possible[8]. Ils étaient la base de nos institutions, et l'on n'aurait pu les proscrire en masse, sans arrêter la marche de l'administration et intervertir de fond en comble l'ordre établi.

      La crainte que Napoléon pût les remettre en vigueur, n'était d'ailleurs fondée que sur de vaines suppositions. Les dispositions oppressives des sénatus-consultes se trouvaient annulées, de fait et de droit, par les principes que consacraient l'acte additionnel; et Napoléon, par le pouvoir immense dont il avait investi les chambres, par la responsabilité à laquelle il avait dévoué ses agens et ses ministres, par les garanties inviolables qu'il avait données à la liberté des opinions et des individus, s'était mis dans l'impuissance d'accroître son autorité ou d'en abuser. Le moindre effort aurait trahi ses intentions secrètes, et mille voix se seraient élevées pour lui dire: Nous qui sommes autant que vous, nous vous avons fait notre roi, à condition que vous garderiez nos lois: sinon, non[9].

      Le rétablissement de la chambre des pairs, importée d'Angleterre par les

       Bourbons, excita non moins vivement le mécontentement public.

      Il était certain, en effet, que les priviléges et la jurisdiction particulière dont jouissaient exclusivement les pairs, constituaient une violation manifeste des lois de l'égalité, et que l'hérédité de la pairie était une infraction formelle à l'égale admission de tous les Français aux charges de l'état.

      Aussi, les amis de la liberté et de l'égalité reprochèrent-ils avec raison à Napoléon d'avoir trahi ses promesses, et de leur avoir donné, au lieu d'une constitution basée sur les principes d'égalité et de liberté qu'il avait solennellement professés, un acte informe plus favorable que la charte et que toutes les constitutions précédentes, à la noblesse et à ses institutions.

      Mais Napoléon, en promettant aux Français une constitution qu'on pourrait appeler républicaine, avait plutôt suivi les inspirations de la politique du moment, que consulté les intérêts de la France. Rendu à lui-même, devait-il s'attacher rigoureusement à la lettre de ses promesses, ou les interpréter seulement comme un engagement de donner à la France une constitution libérale, aussi parfaite que possible?

      La réponse ne peut être douteuse.

      Or, le témoignage des plus savans publicistes, l'expérience faite par l'Angleterre pendant cent vingt-cinq années, lui avait démontré que le gouvernement le mieux approprié aux habitudes, aux moeurs et aux rapports sociaux d'une grande nation; celui qui offre le plus de gages de bonheur et de stabilité; celui enfin qui sait le mieux concilier les libertés politiques avec la force nécessaire au chef de l'état, était évidemment le gouvernement monarchique représentatif. Il était donc du devoir de Napoléon, comme législateur et comme souverain paternel, de donner la préférence à ce mode de gouvernement.

      Ce point accordé (et il est incontestable), il fallait nécessairement que Napoléon établît une chambre des pairs héréditaire et privilégiée; car il ne peut exister de monarchie représentative sans une chambre haute, ou des pairs: comme il ne peut exister de chambre des pairs sans privilége et sans hérédité.

      Le reproche d'avoir introduit cette institution dans notre organisation politique, ne pouvait donc être adressé à Napoléon que par des gens de mauvaise foi, ou par des hommes bons patriotes sans doute, mais qui, à leur insu, mettaient leurs répugnances ou leurs passions à la place du bien-être public.

      Le rétablissement d'une chambre intermédiaire ne les aurait peut-être point blessés aussi vivement, si l'on avait eu le soin de lui donner un nom moins entaché de souvenirs féodaux, mais la révolution avait épuisé la nomenclature des magistratures publiques. L'Empereur, d'ailleurs, trouva que ce titre était le seul qui pût remplir sa haute destination. Peut-être, encore, fut-il bien aise, comme Louis XVIII avait eu ses pairs, d'avoir aussi les siens.

      Une troisième accusation pesait sur Napoléon. Il nous avait promis, disait-on, comme une conséquence naturelle de cette vérité fondamentale, le trône est fait pour la nation, et non la nation pour le trône, que nos députés réunis au Champ de Mai donneraient à la France, concurremment avec lui, une constitution conforme aux intérêts et aux volontés nationales; et par un odieux manque de foi, il nous octroie un acte additionnel à la manière de Louis XVIII, et nous force de l'adopter dans son ensemble, sans nous permettre d'en rejeter les parties qui peuvent blesser nos droits les plus chers et les plus sacrés.

      Napoléon avait proclamé, il est vrai, le 1er mars, que cette constitution serait l'ouvrage de la nation; mais, depuis cette époque, les circonstances étaient changées. Il importait à la conservation de la paix intérieure et aux rapports de Napoléon avec les étrangers, que l'état fût promptement constitué, et que l'Europe trouvât, dans les lois nouvelles, les sauve-gardes qu'elle pouvait désirer contre l'ambition et le despotisme de l'Empereur, et peut-être aussi contre le rétablissement de la république.

      Pour accomplir textuellement la parole de Napoléon, il aurait fallu que les colléges électoraux donnassent des cahiers, comme en 1789, à leurs députés. La réunion de ces colléges, la rédaction raisonnée de leurs cahiers, le choix des commissaires, leur arrivée à Paris, la distribution du travail, la préparation, l'examen et la discussion des bases de la constitution, les conférences contradictoires avec les délégués de l'Empereur, etc., etc., auraient absorbé un tems incalculable, et laissé la France dans un état d'anarchie qui aurait ôté les moyens et la possibilité de faire la paix ou la guerre avec les étrangers.

      Ainsi donc (et loin de blâmer l'Empereur d'avoir dérogé

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