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ordres d'idées qui ont entre elles une affinité psychique: l'idée religieuse et les conceptions érotiques. Le fétichisme religieux a d'autres liens et une autre signification que le fétichisme sexuel. Le premier naît de cette idée fixe que l'objet revêtu du prestige de fétiche ou l'idole n'est pas un simple symbole, mais possède des qualités divines, ou bien il lui attribue par superstition une puissance miraculeuse (reliques), certaines vertus protectrices (amulettes).

      Il n'en est pas de même dans le fétichisme érotique. Celui-ci est psychologiquement motivé par le fait que des qualités physiques ou psychiques d'une personne, ou même des qualités d'objets dont cette personne se sert, deviennent un fétiche, en éveillant par association d'idées une image d'ensemble et en produisant une vive sensation de volupté. Il y a analogie avec le fétichisme religieux en ce sens: que bien souvent des objets insignifiants (des os, des ongles, des cheveux, etc.) servent de fétiches et peuvent provoquer des sensations de plaisir qui vont jusqu'à l'extase.

      En ce qui concerne le développement de l'amour physiologique, il est probable qu'on doit chercher et trouver son origine dans le charme fétichiste et individuel qu'une personne d'un sexe exerce sur un individu de l'autre sexe.

      Le cas le plus simple est celui où une émotion sensuelle coïncide avec le moment où l'on aperçoit une personne de l'autre sexe et quand cette vue augmente l'excitation sensuelle. L'impression optique et l'impression du sentiment s'associent, et cette liaison devient plus forte à mesure que la réapparition du sentiment évoque le souvenir de l'image optique ou que la réapparition de l'image éveille de nouveau une émotion sexuelle qui peut aller jusqu'à l'orgasme ou à la pollution, comme dans les songes.

      Dans ce cas la vue de l'ensemble du corps produit l'effet d'un fétiche.

      Comme le fait remarquer Binet, des parties d'un individu, des qualités physiques ou morales peuvent aussi agir comme fétiches sur une personne du sexe opposé, si la vue de ces parties de l'individu coïncide accidentellement avec une excitation sexuelle ou si elle en provoque une.

      C'est un fait établi par l'expérience que cette association d'idées dépend du hasard, que l'objet fétiche peut être très varié, et qu'il en résulte les sympathies les plus étranges de même que les antipathies les plus curieuses.

      Ce fait physiologique du fétichisme explique les sympathies individuelles entre homme et femme, la préférence qu'on donne à une personne déterminée sur toutes les autres du même sexe. Comme le fétiche ne représente qu'un symbole individuel, il est évident que son impression ne peut se produire que sur un individu déterminé. Il évoque de très fortes sensations de plaisir; par suite il fait, par un trompe-l'œil, disparaître les défauts de l'objet aimé—(l'amour rend aveugle)—et provoque une exaltation fondée sur l'impression individuelle, exaltation qui paraît aux autres inexplicable et même ridicule. On s'explique ainsi que l'homme calme ne puisse pas comprendre l'amoureux qui idolâtre la personne aimée, en fait un véritable culte et lui attribue des qualités que celle-ci, vue objectivement, ne possède nullement. Ainsi s'explique également le fait que l'amour devient plus qu'une passion, qu'il se présente comme un état psychique exceptionnel dans lequel l'impossible paraît possible, le laid semble beau, le vulgaire sublime, état dans lequel tout autre intérêt et tout autre devoir disparaissent.

      Tarde (Archives de l'anthropologie criminelle, 5e année, nº 3) fait judicieusement ressortir que, non seulement chez les individus mais aussi chez les nations, le fétiche peut être différent, mais que l'idéal général de la beauté reste toujours le même chez les peuples civilisés de la même époque.

      À Binet revient le grand mérite d'avoir approfondi l'étude et l'analyse de ce fétichisme en amour. Il fait naître des sympathies spéciales. Ainsi l'un se sont attiré par une taille élancée, un autre par une taille épaisse; l'un aime la brune, l'autre la blonde. Pour l'un, c'est l'expression particulière de l'œil; pour l'autre, le timbre de la voix, ou une odeur particulière, même artificielle (parfums), ou la main, ou le pied, ou l'oreille, etc., qui forment le charme fétichique individuel, et sont pour ainsi dire le point de départ d'une série compliquée de processus de l'âme dont l'expression totale est l'amour, c'est-à-dire le désir de posséder physiquement et moralement l'objet aimé.

      À ce propos il convient de rappeler une condition essentielle pour la constatation de l'existence du fétichisme encore à l'état physiologique.

      Le fétiche peut conserver d'une manière durable sa vertu sans qu'il soit pour cela un fétiche pathologique. Mais ce cas n'existe que quand l'idée de fraction va jusqu'à la représentation de l'ensemble et que l'amour provoqué par le fétiche finit par embrasser comme objet l'ensemble de la personnalité physique et morale.

      L'amour normal ne peut être qu'une synthèse, une généralisation. Louis Brunn (Deutsches Montagsblatt, Berlin, 20.8.88) dit très spirituellement dans son étude sur Le fétichisme en amour:

      «L'amour normal nous paraît comme une symphonie qui se compose de toutes sortes de notes. Il en résulte les excitations les plus diverses. Il est pour ainsi dire polythéiste. Le fétichisme ne connaît que la note d'un seul instrument; il est la résultante d'une seule excitation déterminée: il est monothéiste.»

      Quiconque a quelque peu réfléchi sur ce sujet, reconnaîtra qu'on ne peut parler de véritable amour—(on n'abuse que trop souvent de ce mot)—que lorsque la totalité de la personne physique et morale forme l'objet de l'adoration.

      Tout amour a nécessairement un élément sensuel, c'est-à-dire le désir de posséder l'objet aimé et d'obéir, en s'unissant avec lui, aux lois de la nature.

      Mais celui qui n'aime que le corps de la personne d'un autre sexe, qui ne tend qu'à satisfaire ses sens, sans posséder l'âme, sans avoir la jouissance spirituelle et partagée, n'aime pas d'un véritable amour, pas plus que le platonique qui n'aime que l'âme et qui dédaigne les jouissances charnelles, ce qui se rencontre dans certains cas d'inversion sexuelle.

      Pour l'un, c'est le corps; pour l'autre, c'est l'âme qui constituent le fétiche: l'amour de tous les deux n'est que du fétichisme.

      De pareils individus forment en tous cas un degré de transition vers le fétichisme pathologique.

      Le spinal cérébral postérieur de Magnan, qui trouve son plaisir avec n'importe quelle femme et auquel n'importe quelle femme plaît, ne peut que satisfaire sa volupté. L'amour acheté ou forcé n'est pas un véritable amour (Mantegazza). Celui qui a inventé le proverbe: Sublata lucerna, nullum discrimen inter feminas, a dû être un horrible cynique. Le pouvoir pour l'homme de faire l'acte d'amour n'est pas une garantie que l'acte procure réellement la plus grande jouissance amoureuse.

      Parmi les phénomènes physiologiques du fétichisme il me reste encore à parler de ce fait très intéressant que, parmi le grand nombre d'objets susceptibles de devenir fétiches, il y en a quelques-uns qui sont particulièrement choisis par un grand nombre de personnes.

      Les objets particulièrement attractifs pour l'homme sont: les cheveux, la main, le pied de la femme, l'expression du regard.

      Quelques-uns d'entre eux ont, dans la pathologie du fétichisme, une importance particulière. Tous ces faits remplissent évidemment dans l'âme de la femme un rôle dont quelquefois elle ne se doute pas; d'autres fois c'est préméditation de sa part.

      Une des principales préoccupations de la femme, c'est de soigner ses cheveux, et elle y consacre souvent plus de temps et d'argent qu'il ne faudrait. Avec quel soin la mère ne soigne-t-elle pas déjà la chevelure de sa petite fille! Quel rôle important pour le coiffeur! La perte d'une partie des cheveux fait le désespoir des jeunes

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