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Métallique luxembourgeois (Columeta), le comptoir de vente créé en 1919/1920 par l’Arbed dans le but de diffuser à travers le monde les produits fabriqués au sein du groupe métallurgique. Le marché allemand s’étant effondré après la Première Guerre mondiale, l’industrie sidérurgique luxembourgeoise devait donc chercher de nouveaux créneaux. La cartellisation ou entente de sidérurgies allemande, française, belge, luxembourgeoise et sarroise a connu son apogée durant l’entre-deux-guerres. Deux cartels ont été domiciliés à Luxembourg et ont été présidés successivement par Emile Mayrisch, son principal promoteur, et ensuite par Aloyse Meyer.68

      

      Enchaînant les postes, il fut d’abord envoyé à Paris de 1919 à 1920. Au bout de la Conférence de paix de Paris, le 28 juin 1919, le Traité de Versailles, venant de rejeter les visions annexionnistes de la Belgique, a consacré des articles répondant aux questions relatives au statut du Luxembourg, ce que Le Gallais devait avoir observé avec intérêt. Ensuite, il a été mandaté à Londres de 1921 à 1922, où deux conférences internationales ont été organisées pour rechercher des solutions aux difficultés de mise en application des traités de paix. Par la suite, il est parti direction Sarrebruck pour les Aciéries Réunies de Burbach-Eich-Dudelange en 1923. À l’époque, la Sarre était placée sous administration internationale de la Société des Nations sous contrôle français. Hugues Le Gallais a été à Tokyo en 1924, à Luxembourg en 1925, à Bombay en 1926, en tant que directeur à Tokyo de 1927 à 1936 et de nouveau à Luxembourg de 1937 à 1939 en tant que « Chief of the Rail Export Division ». Le réseau de Columeta était basé sur des représentants souvent issus de familles liées à l’Arbed. Il correspondait en quelque sorte à un réseau diplomatique avant la lettre. Le Grand-Duché ne disposait que de quelques rares diplomates, la plupart itinérants, qui étaient suppléés dans leur travail par des consuls honoraires.

      63 Le terme « spats » peut être traduit par guêtres : un raccourcissement des éclaboussures ou protège-éclaboussures, un type d’accessoire de chaussure classique pour les vêtements de plein air, couvrant le pied et la cheville

      64 Haut-de-forme qui s’aplatit et se relève à l’aide de ressorts.

      65 Très probablement Gaston Barbanson.

      66 Renée, dite Poussy Muller, fille des époux René Muller et Jeanne Laval, épouse de Jacques Neef de Sainval (beau-frère de Gaston Barbanson) qui est allé travailler à Dublin lorsque Hugues Le Gallais est allé à Tokyo en 1927 ; amie d’enfance d’Andrée Mayrisch.

      67 Correspondance Aline Mayrisch ; CNL.

      68 En 1976, Columeta fut renommé en Trade Arbed.

      AU SERVICE DE COLUMETA À BOMBAY (1926)

      Nous avons vu que l’oncle du côté paternel d’Hugues, le Lieutenant-Colonel Walter Le Gallais, avait servi en Inde de 1891 à 1895 en tant qu’aide de camp du commandant en chef de Bombay. Hugues en avait entendu parler et avait été d’autant plus curieux de revenir sur les traces de ce parent décédé depuis plus d’un quart de siècle et duquel subsistaient des photos et sans aucun doute des anecdotes sur ses aventures et sa bravoure. Au cours des années 1920, Bombay était la capitale économique de l’Inde et le premier marché cotonnier du monde. La deuxième ville du pays après Calcutta comptait un million d’habitants administrés par les Britanniques. C’était aussi l’un des grands centres du mouvement nationaliste indien et, au cours de ces années, Gandhi et Nehru, les leaders du parti du Congrès, ont réclamé à la métropole des réformes démocratiques, puis l’autonomie. Ces revendications ont été accompagnées d’actions non violentes, avec un boycottage des produits britanniques et un refus d’obéir. Delhi a été la capitale de plusieurs empires indiens, mais l’administration de l’Empire britannique des Indes se faisait à partir de Calcutta. Ce ne fut qu’en 1911 que le roi George V avait annoncé le transfert de la capitale de l’Empire de cette ville jugée trop excentrée vers Delhi, dont la position plus centrale allait rendre l’administration de l’empire plus aisée.

      En octobre 1927, Columeta a opéré un changement majeur dans plusieurs des villes où ont été affectés les représentants suivants : Hugues Le Gallais fut déplacé à Tokyo d’où son prédécesseur Guy Noesen fut muté au Brésil, alors que Victor Buffin, jusqu’à ce stade à Milan, fut envoyé à New York et que, finalement, le représentant au Brésil, Jacques Neef, allait représenter désormais Columeta à Dublin. Tous ces changements font l’objet d’une publication au Luxemburger Wort, le 15 octobre 1927.

      En mai 1929, Le Gallais ayant quitté l’Inde depuis deux ans, le gouvernement luxembourgeois a demandé que Alphonse Als, directeur de la Corporation de l’Industrie manufacturière belge, soit reconnu comme vice-consul honoraire à Bombay. Ce frère de Robert Als, le futur ministre et diplomate, allait devenir à Londres le chef de cabinet du ministre Bech à la fin de la guerre.

      AU JAPON (1927-1936)

      Columeta Tokyo, fondée en 1925 afin de conquérir de nouveaux marchés, offre un aperçu de la mécanique culturelle d’une entreprise européenne au Japon pendant l’entre-deux-guerres. Alors que les affaires s’étaient bien déroulées au cours des années 1920, la situation est devenue plus difficile au cours des années 30, en raison de la crise économique mondiale, de l’essor de la production sidérurgique japonaise et de politiques économiques protectionnistes de plus en plus nombreuses. Au pays du Soleil levant, Hirohito, petit-fils de l’empereur Meiji, était monté sur le trône le 25 décembre 1926 sous le nom de règne Shôwa (« Paix brillante »). Il avait déjà assuré la régence durant les années précédentes du fait de la maladie de son père et allait survivre malgré tout à la Seconde Guerre mondiale, au terme de laquelle le ministre plénipotentiaire Hugues Le Gallais allait être l’un des signataires du traité de paix à San Francisco en 1951.

      Bien que la population japonaise ait presque doublé depuis 1868, de 34 millions d’habitants à près de 60, le Japon des années 1930 où Le Gallais était de passage, d’abord seul, puis avec son épouse et son fils, a, d’un côté, été marqué par une économie dynamisée et une industrie puissante et compétitive à l’échelle mondiale. D’un autre côté, les mentalités urbaines se sont rapprochées du monde occidental et des quartiers modernes se développaient dans les grandes villes comme Tokyo et Yokohama. La majorité du pays restait toutefois agricole et artisanale, l’occidentalisation y étant perçue comme une remise en cause des idéaux traditionnels japonais avec à la clé une opposition conservatrice, réactionnaire même, favorisant un pouvoir militaire fort à tendance ultranationaliste. Le suffrage universel, instauré en 1925, y a constitué un faux-semblant de démocratie libérale, et en 1931 les militaires ont mis l’empereur et le gouvernement devant le fait accompli en envahissant la Mandchourie avant que l’assassinat du Premier ministre Inukaï en 1932 et la tentative de coup d’Etat du 26 février 1936 ne conduisent l’empereur et le gouvernement à confier le pouvoir à l’Etat-major pour échapper aux plus extrémistes de ces officiers. Le régime mis en place par les militaires prit vite la forme d’un totalitarisme japonais.

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      Des premières années de la vie de Le Gallais au Japon il ne subsiste guère de traces sur sa vie privée, hormis celles laissées par Aline Mayrisch-de Saint-Hubert qui lui a rendu visite en 1930. Sur la maison de Le Gallais à Tokyo, elle a écrit, le 7 décembre 1930, de Nara à Schlumberger: « C’est d’un des plus beaux et des plus vieux endroits que je continue. J’espère rester huit jours ici dans une relative solitude dont j’ai fort besoin. La maison de Hugues, minuscule et incommode, ne permet guère de s’isoler longuement, et lui-même, affectueux, généreux, attentif autant qu’il est possible, ne vous apporte pas une atmosphère bien nourrissante [avec en marge : encore que maints éléments d’inconscient comique], avec cela il est relativement absorbant avec sa manie du bricolage. Tous les jours, il faut

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