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il a aussi été bourgmestre, Auguste Collart, était de six ans l’aîné d’Hugues. Il avait été directeur général, c’est-à-dire ministre de l’Agriculture, du Commerce, de l’Industrie et du Travail de 1918 à 1920 en tant qu’indépendant appuyé par le Parti populaire (« Freie Volkspartei »). Il avait été chargé d’affaires à La Haye. Durant la Seconde Guerre mondiale, il a été interné au camp de concentration de Hinzert et plus tard déporté avec sa famille à Leubus. Il a écrit ses mémoires et un livre sur la tourmente autour de la dynastie après la Première Guerre mondiale. Il a été membre de la Section historique de l’Institut grand-ducal. Il vivait à La Haye dans une demeure entourée d’un vaste parc, d’abord louée et ensuite achetée par l’Etat luxembourgeois. Bon vivant et sachant recevoir, exigeant et qualifié par d’aucuns de difficile, Collart y vivait souvent seul, sa femme et ses deux filles restant, du moins au début de son mandat, à Luxembourg. Même s’il ne subsiste aucune correspondance connue ou lien particulier entre les deux cousins au destin similaire à maints égards, le plus jeune semble s’être souvent inspiré de son aîné.

      Au-delà de cette fonction honorifique à la Cour, Le Gallais avait aussi un lien spécial, pour ne pas dire privilégié, avec la famille grand-ducale. Alors que ses lettres adressées à la Grande-Duchesse se terminent, la plupart du temps, par la formule de mise à l’époque : « Je suis, Madame, avec le plus profond respect, de Votre Altesse Royale le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur et sujet », Le Gallais prenait aussi la liberté de s’adresser à la Grande-Duchesse de manière plutôt personnelle voire intime. Pendant la guerre, Le Gallais a ainsi donné son opinion sur des affaires personnelles touchant la Souveraine. Ainsi, le 8 octobre 1942, il est allé jusqu’à philosopher en quelque sorte, rappeler son éducation, se confondre en exemples à invoquer et saisir l’occasion pour « demander à Madame si Elle ne croit pas indiqué, chaque fois qu’Elle écrira à Son fils, de Lui parler de Ses responsabilités futures. Tout ce que Votre Altesse Royale écrira d’ici (continent américain), pour Lui là-bas (Royaume-Uni), aura beaucoup plus d’importance que des paroles échangées sur place. Le grand défaut des hommes de ce siècle a été le côté indécis et flottant de leur caractère. Les hommes des pays occupés qui resteront après cette épreuve seront différents et feront preuve de fermeté de caractère. Ils demanderont que le souverain donne le bon exemple. Voir se raffermir le caractère du prince Jean est mon unique souci et Madame seule peut avoir une influence dans ce sens. Mon professeur ne manquait jamais une occasion pour montrer le côté mou de mon caractère et pour renforcer la volonté. Pour Votre Altesse Royale, les exemples à citer ne manquent pas. Celui de S.A.R. Madame la Grande-Duchesse Marie Anne dans le sens positif et dans le sens négatif on peut revenir toujours sur le danger de se laisser prendre par des mots, au lieu de réfléchir soi-même sur les idées derrière les mots. Peut-être Madame pourrait obtenir du prince Jean qu’il lui résume certaines conversations; c’est un excellent exercice pour l’esprit et pour la mémoire. Par orgueil Il voudra bien faire et Madame pourra l’encourager, ce qui est très important. » Voilà Hugues Le Gallais s’essayant en tant que conseiller en matière de formation du futur souverain, et ceci deux jours après le départ du continent américain du prince héritier. Peut-être ce sermon de Le Gallais ne reflète tout simplement que l’amertume de son auteur de lui voir échapper un membre de cette famille pour laquelle il était disposé à tout faire. D’autres sujets, autrement plus sensibles politiquement, vont aussi faire l’objet d’un courrier similaire que nous citons ici comme témoignage des libertés que Le Gallais prenait à l’égard de la Grande-Duchesse. Aussi en relation avec des sujets politiques et économiques comme le plan Ensch83 et ses discussions à ce sujet avec le sous-secrétaire d’Etat américain Sumner Welles, Le Gallais a dûment tenu informée la souveraine à laquelle il a envoyé non seulement son rapport d’entretiens avec Sumner Welles (notamment ceux du 30 novembre 1942 et du 21 décembre 1942), mais aussi une note de Dupong sur la conversation de ce dernier avec Sumner Welles, le 9 février 1943.84 Le Gallais était certes loyal envers ses autorités directes, mais estimait de son devoir d’informer en priorité sa souveraine qui allait lui exprimer son appréciation après un incident avec le ministre Bodson à Chicago,85 mais à laquelle il allait aussi téléphoner et écrire sans intermédiaire durant l’exil.86 Avant de relater l’épopée de l’exil, voici quelques extraits de diverses lettres de Le Gallais à la Grande-Duchesse écrites aussi lisiblement que possible de sa propre main et exprimant le lien affectif et admiratif très personnel et prononcé de Le Gallais : « Soyons réalistes en politique extérieure : donnons pour recevoir et ne comptons pas sur le droit. M. Dupong m’a dit que Madame avait l’impression qu’Elle était devant un fait accompli. Je ne comprends pas très bien… Je m’excuse si j’ai mal compris. D’ailleurs quand j’ai téléphoné hier soir à Madame, ce que je croyais être une bonne nouvelle (invitation de se rendre en Louisiane), il m’a semblé que Votre Altesse Royale n’était pas si contente. J’en suis encore tout triste, parce que quand je ne pense pas à la politique extérieure et que je deviens alors un vilain réaliste, je voudrais toujours faire plaisir à Madame. Ce n’est pas facile de trouver le juste milieu entre agir selon sa conscience et sa raison d’un côté et son cœur et ses sentiments de l’autre côté. Ce que je sais c’est que j’aime profondément Madame. J’espère de tout cœur que lorsque Votre Altesse Royale, qui a un esprit tellement ouvert aux choses nouvelles, verra la Louisiane, Elle sera plus contente à nouveau et qu’Elle pardonnera à Son serviteur son dernier péché. » (Lettre du 12 décembre 1942). Deux semaines plus tôt, Le Gallais, au sujet de son idée avortée de voir l’aide de camp Konsbruck désigné comme attaché militaire, a donné une définition du rôle qu’il considère être le sien : « Je voudrais encore très humblement demander pardon à Madame de Lui avoir causé des ennuis. Ma seule excuse est de vouloir jouer le jeu de Madame pour le mieux et d’avoir voulu utiliser la carte Konsbruck au maximum. Que Votre Altesse Royale ne se fasse pas de soucis ; Elle gagnera quand même. » (Lettre du 28 novembre 1942.)87 Beaucoup de familiarité de la part d’un serviteur fidèle et dévoué ! Mentionnons d’ores et déjà que le couple Le Gallais a assisté au mariage du dernier des six enfants de la Grande-Duchesse et du prince Félix. Le chambellan Le Gallais et son épouse ont en effet adapté leur dispositif pour les congés d’été pour pouvoir assister, le 17 août 1950, en la cathédrale de Luxembourg aux noces de la princesse Alix de Luxembourg avec le prince Antoine de Ligne. Hugues Le Gallais aimait rencontrer des Altesses royales voire impériales et en a fréquenté plusieurs, non seulement les Luxembourg, mais encore les Bourbon-Parme et les Habsbourg durant la guerre. Par la suite, il a gardé des liens avec certains d’entre eux et suivi avec attention leur parcours dans les médias. Dans le « scrap book » organisé par Madame Maloney se trouvent des reportages sur les mariages d’Otto de Habsbourg, du prince héritier luxembourgeois Jean et de sa sœur Marie-Adélaïde avec le comte Henckel von Donnersmarck auxquels Le Gallais ne semble pourtant pas avoir participé.

      Au cours de sa retraite, il revenait régulièrement à Luxembourg pour l’anniversaire de naissance de la Grande-Duchesse. Une réception était donnée à cette époque-là, le 23 janvier, au Palais grand-ducal.

      Hugues Le Gallais a été Grand Officier de l’Ordre de mérite civil et militaire d’Adolphe de Nassau, Grand Officier de l’Ordre de la Couronne de Chêne, Grand-Croix de l’Ordre de Léopold II de Belgique et Grand-Croix de l’Ordre d’Orange-Nassau. Il fut nommé Grand Officier de l’Ordre de la Couronne de Thaïlande, probablement en tant que chambellan, lors de la visite à Luxembourg des souverains thaïlandais en 1960.

      Par arrêté grand-ducal du 21 janvier 1950, il fut gratifié du titre de Commandeur dans l’Ordre de la Couronne de Chêne, ensemble avec quelques-uns de ceux qu’il a fréquentés durant sa carrière, comme Robert Als et Albert Wehrer.88

      

      À l’occasion de son anniversaire, la Grande-Duchesse conféra en janvier 1960, l’arrêté datant du 11 mars 1960, le grade de Grand Officier à « Hugues Le Gallais, ministre plénipotentiaire honoraire, Venise ». Reconnaissance pour mérites rendus, mais aussi pour l’ancienneté de service, la décoration grand-ducale de l’Ordre

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