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Histoires de mariages. Ernest d' Hervilly
Читать онлайн.Название Histoires de mariages
Год выпуска 0
isbn 4064066323301
Автор произведения Ernest d' Hervilly
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
Ernest d' Hervilly
Histoires de mariages
Publié par Good Press, 2021
EAN 4064066323301
Table des matières
I
UN CANCRE FIEFFÉ
HISTOIRE RACONTÉE PAR M. E…
Le Doigt de la Providence se manifeste visiblement, à plusieurs reprises, dans le courant de ce récit, seulement,–il est noir.
Je m’explique:
Le roi nègre Rana-wah-go, plus connu sous le nom sans prétention de Boule-de-Suie, que lui ont décerné les équipages des navires qui viennent à la Côte des Dents (Guinée supérieure) faire un commerce d’échanges avec les souverains des pays de l’intérieur, a joué un rôle considérable et providentiel dans mon existence.
C’est lui qui a fait tourner bride à ma destinée.
Sans cet excellent Boule-de-Suie, pardon, sans l’intervention de S.M. Rana-wah-go, la douce et charmante créature que j’ai l’honneur d’avoir pour femme aurait été emmenée en esclavage conjugal par un certain capitaine Saint-Ideuc, et le reste de ma vie se serait passé dans les larmes et à jouer de la flûte, sans recevoir les compliments d’une épouse dilettante.
Car je suis musicien, vous le savez, et cela depuis mes plus tendres ans. C’est même ce tempérament musical, dont j’ai donné des preuves dès le berceau (elles étaient alors sans harmonie, je l’avoue) qui ameuta contre moi, au collège, les professeurs de toute espèce qu’il contenait et me fit acquérir la réputation d’un cancre fieffé.
Cancre fieffé je fus au collège–pour mes pions, et cancre fieffé je suis resté dans la vie,– pour ceux-là du moins à qui il me déplaît de montrer que je connais encore pas mal de petites choses apprises tout seul.
Je n’eus donc aucun prix au collège. Jamais, je le jure, jamais un accessit de n’importe quoi ne me tomba sur la tête! Seulement, en sortant du Mazas universitaire où, quoique innocent, j’avais été incarcéré pendant dix ans par la volonté de mon parrain et tuteur, M. Seuleunéer, marchand de grains à Cambrai, je savais tout ce qu’on n’apprend pas dans les salles d’études, depuis l’art de faire cuire une volaille à point jusqu’à la science des fonctions d’un garçon d’ honneur.
En outre je savais par cœur et récitais avec goût les plus beaux morceaux, prose ou vers, des poètes et des littérateurs qui sont l’honneur de la France contemporaine, et dont personne, dans les lycées, ne vous dit même le nom.
J’étais un cancre fieffé!
Si bien que le jour de ma libération, lorsque j’eus fini mon temps de bahut, qu’on me passe le mot, je faisais un cavalier modeste, point pédant, réservé, utile dans le monde, sachant donner le bras à une dame, lui glisser un coussin sous ses jolies bottines, ou reporter avec grâce sa tasse de thé vide sur une table; mais je n’étais pas bachelier!
Je ne dédaignais pas non plus d’écouter parler les vieillards. En une heure de temps, dans leur conversation, et malgré d’inévitables radotages, j’apprenais plus de choses sur les hommes et la vie, l’histoire sociale et naturelle, les usages, les mœurs, etc., que les livres classiques n’avaient pu m’en mettre dans la tête en dix ans.
En ma qualité de cancre fieffé et de musicien, je demandai à mon parrain Seuleunéer, marchand de grains à Cambrai, place du Saint-Sépulcre, la permission d’entrer au Conservatoire.