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      Quelques jours après, des hommes de corvée, charpentiers et autres, furent commandés pour la descendre, afin de la transporter à Paris comme trophée, mais, en la détachant, elle fut emportée par son poids; elle faillit tuer et entraîner avec elle tous les hommes qui la tenaient par les chaînes; il en fut de même des grands aigles qui dominaient les hautes tours, autour de l'enceinte du Kremlin.

      Il était midi lorsque nous eûmes fini de passer la revue; en partant, nous passâmes sous la fausse porte où se trouve le grand Saint Nicolas dont j'ai parlé plus haut. Nous y vîmes beaucoup d'esclaves russes occupés à prier, à faire des courbettes et des signes de croix au grand Saint; probablement qu'ils l'intercédaient contre nous.

      Le 25, avec plusieurs de mes amis, nous parcourûmes les ruines de la ville. Nous passâmes dans plusieurs quartiers que nous n'avions pas encore vus: partout l'on rencontrait, au milieu des décombres, des paysans russes, des femmes sales et dégoûtantes, juives et autres, confondues avec des soldats de l'armée, cherchant, dans les caves que l'on découvrait, les objets cachés qui avaient pu échapper à l'incendie. Indépendamment du vin et du sucre qu'ils y trouvaient, l'on en voyait chargés de châles, de cachemires, de fourrures magnifiques de Sibérie, et aussi d'étoffes tissées de soie, d'or et d'argent, et d'autres avec des plats d'argent et d'autres choses précieuses. Aussi voyait-on les juifs, avec leurs femmes et leurs filles, faire à nos soldats toute espèce de propositions pour en obtenir quelques pièces, que souvent d'autres soldats de l'armée reprenaient.

      Le même jour, au soir, le feu fut mis à un temple grec, en face de notre logement, et tenant au palais où était logé le maréchal Mortier. Malgré les secours que nos soldats portèrent, l'on ne put parvenir à l'éteindre. Ce temple, qui avait été conservé dans son entier et où rien n'avait été dérangé, fut, dans un rien de temps, réduit en cendres. Cet accident fut d'autant plus déplorable, que beaucoup de malheureux s'y étaient retirés avec le peu d'effets qui leur restaient, et même, depuis quelques jours, l'on y officiait.

      Le 26, je fus de garde aux équipages de l'Empereur, que l'on avait placés dans des remises situées à une des extrémités de la ville et vis-à-vis une grande caserne que l'incendie avait épargnée et où une partie du premier corps d'armée était logée. Pour y arriver avec mon poste, il m'avait fallu parcourir plus d'une lieue de terrain en ruines et situé presque sur la rive gauche de la Moskowa, où l'on n'apercevait plus que, ça et là, quelques pignons d'églises; le reste était réduit en cendres. Sur la rive droite, on voyait encore quelques jolies maisons de campagne isolées, dont une partie aussi était brûlée.

      Près de l'endroit où j'avais établi mon poste, se trouvait une maison qui avait échappé à l'incendie; je fus la voir par curiosité. Le hasard m'y fit rencontrer un individu parlant très bien le français, qui me dit être de Strasbourg, et qu'une fatalité avait amené à Moscou quelques jours avant nous. Il me conta qu'il était marchand de vins du Rhin et de Champagne mousseux, et que, par suite de malheureuses circonstances, il perdait plus d'un million, tant par ce qu'on lui devait que par les vins qu'il avait en magasin et qui avaient été brûlés, et aussi par ce que nous avions bu et que nous buvions encore tous les jours. Il n'avait pas un morceau de pain à manger. Je lui offris de venir manger avec moi sa part d'une soupe au riz, qu'il accepta avec reconnaissance.

      En attendant la paix, que l'on croyait prochaine, l'Empereur donnait des ordres afin de tout organiser dans Moscou, comme si l'on devait y passer l'hiver. L'on commença par les hôpitaux pour les blessés de l'armée; ceux des Russes mêmes furent traités comme les nôtres.

      On s'occupa de réunir, autant que possible, les approvisionnements de tous genres qui se trouvaient dans différents endroits de la ville. Quelques temples qui avaient échappé à l'incendie furent ouverts et rendus au culte. Pas loin de notre habitation, et dans la même rue, il existait une église pour les catholiques; un prêtre français émigré y disait la messe. L'église portait le nom de Saint-Louis. L'on parvint même à rétablir un théâtre, et l'on m'a assuré que l'on y avait joué la comédie avec des acteurs français et italiens. Que l'on y ait joué ou non, une chose dont je suis certain, c'est qu'ils furent payés pour six mois, et cela afin de faire croire aux Russes que nous étions disposés à passer l'hiver dans cette ville.

      Le 27, comme j'arrivais de descendre ma garde aux équipages, je fus surpris agréablement en trouvant deux de mes pays qui venaient me voir. C'étaient Flament, natif de Péruwelz, vélite dans les dragons de la Garde, et Melet, dragon dans le même régiment; ce dernier était de Condé. Ils tombaient bien, ce jour-là, car nous étions en disposition pour rire. Nous invitâmes nos dragons à dîner et à passer la soirée avec nous.

      Dans différentes courses de maraude que nos soldats avaient faites, ils nous avaient rapporté beaucoup de costumes d'hommes et de femmes de toutes les nations, même des costumes français du temps de Louis XVI, et tous ces vêtements étaient de la plus grande richesse. C'est pourquoi, le soir, après avoir dîné, nous proposâmes de donner un bal et de nous revêtir de tous les costumes que nous avions. J'oubliais de dire qu'en arrivant, Flament nous avait appris une nouvelle qui nous fit beaucoup de peine, c'était la catastrophe du brave lieutenant-colonel Martod, commandant le régiment de dragons dont Flament et Melet faisaient partie. Ayant été à la découverte deux jours avant le 25, dans les environs de Moscou, avec deux cents dragons, ils avaient donné dans une embuscade, et, chargés par trois mille hommes, tant cavalerie qu'artillerie, le colonel Martod avait été mortellement blessé, ainsi qu'un capitaine et un adjudant-major qui furent faits prisonniers après avoir combattu en désespérés. Le lendemain, le colonel fit demander ses effets, mais, le jour suivant, nous apprîmes sa mort.

      Je reviens à notre bal, qui fut un vrai bal de carnaval, car nous nous travestîmes tous.

      Nous commençâmes par habiller nos femmes russes en dames françaises, c'est-à-dire en marquises, et, comme elles ne savaient comment s'y prendre, c'est Flament et moi qui furent chargés de présider à leur toilette. Nos deux tailleurs russes étaient en Chinois, moi en boyard russe, Flament en marquis, enfin chacun de nous prit un costume différent, même notre cantinière, la mère Dubois, qui survint dans le moment et qui mit sur elle un riche habillement national d'une dame russe. Comme nous n'avions pas de perruques pour nos marquises, la perruquier de la compagnie les coiffa. Pour pommade, il leur mit du suif et, pour poudre, de la farine; enfin elles étaient on ne peut pas mieux ficelées, et, lorsque tout fut disposé, nous nous mîmes en train de danser. J'oubliais de dire que, pendant ce temps, nous buvions force punch, que Melet, le vieux dragon, avait soin d'alimenter, et que nos marquises, ainsi que la cantinière, quoique supportant très bien la boisson, avaient déjà le cerveau troublé, par suite des grands verres de punch qu'elles avalaient de temps en temps, avec délices.

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