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tressaillit.

      —Ma promesse,... ma promesse,... grommela-t-il; ma promesse consiste à faire tout ce qui dépendra de moi.

      Farenheit lui frappa amicalement sur l'épaule.

      —En ce cas, dit-il avec un sourire aimable, je foulerai bientôt du pied le sol des États-Unis; car, du moment qu'un savant tel que vous...

      —Permettez,... voulut dire le jeune homme.

      —Du moment qu'un savant tel que vous se met en tête de réussir, il réussit.

      Il ajouta en faisant claquer ses doigts d'un air de souverain mépris.

      —D'ailleurs, si je me souviens bien de ce que j'ai entendu dire par M. Ossipoff, il n'y a pas plus, entre la Terre et Mars qu'une distance de 15 millions de lieues... et pour des gens comme nous...

      —Pardon, fit Gontran,... c'était il y a deux mois que la distance entre les deux planètes n'était que de 15 millions de lieues, mais, depuis ce temps-là, chacune d'elle a couru sur son orbite, et maintenant... c'est une fière enjambée qu'il faudrait faire pour passer de l'une sur l'autre.

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      C'est subitement que cet argument s'était présenté à l'esprit du jeune comte pour le tirer de la situation difficile où venait de le mettre Farenheit et il considérait, d'un air très satisfait, le nez visiblement allongé de l'Américain.

      —Alors, grommela ce dernier, rien à faire?

      —Pour le moment, pas grand chose, répondit M. de Flammermont en secouant la tête.

      —Savez-vous bien que j'ai peur de devenir enragé! hurla Farenheit en secouant les bras de son compagnon à les lui briser.

      Puis, soudain, se penchant vers lui et le regardant avec des yeux furieux.

      —Savez-vous une chose? dit-il,... eh bien! je commence à croire que, vous aussi, vous n'êtes qu'un faux savant... comme votre ami Fricoulet.

      Et il ajouta avec un soupir de regret.

      —Ah! si Fédor Sharp était ici!

      Gontran tressaillit et le regarda avec stupéfaction.

      —C'était un savant, celui-là, un vrai savant, murmura Farenheit; d'ailleurs, pour être nommé secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences de Pétersbourg, il ne faut pas être un crétin... comme cet Ossipoff de malheur qui n'a jamais eu aucun titre.

      —Excepté à votre ressentiment, dit M. de Flammermont en plaisantant.

      —Oh! celui-là, rugit l'Américain, je l'étranglerai un jour ou l'autre.

      —Est-ce de moi que vous parlez? demanda une voix joyeuse derrière les deux causeurs.

      Ils se retournèrent et virent Fricoulet qui avait disparu depuis deux jours, pour aller, en compagnie de son ami Aotahâ, visiter des chantiers où l'on construisait des véhicules aériens d'un nouveau modèle et dans lesquels l'électricité jouait un rôle surprenant.

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      Il répéta sa question; Farenheit lui répondit d'un ton bourru:

      —Vous, je ne puis vous en vouloir,... car vous n'êtes point cause si je me trouve aujourd'hui si loin de mon pays natal.

      —Je puis même vous apprendre, articula Fricoulet que, s'il n'avait tenu qu'à moi, vous seriez resté dans le Cotopaxi.

      Farenheit le regarda d'un air interrogateur.

      —Oui, répéta l'ingénieur, le matin même de notre départ, je suis venu trouver M. Ossipoff et l'ai vivement encouragé à ne point vous donner place dans notre obus... Je craignais que cette surcharge n'entraînât des difficultés... Il a traité mes craintes de puériles... et vous êtes parti.

      —Ah! plût au ciel qu'il vous eût écouté! s'écria l'Américain, je ne serais pas ici à me morfondre, si loin de mon pays natal.

      Fricoulet haussa les épaules pour indiquer qu'à cela il ne pouvait rien, et il allait rejoindre sa couchette, lorsque l'espace, assombri par les voiles de la nuit, se trouva soudain rayé d'une fusée lumineuse qui s'évanouit presque aussi rapidement qu'elle avait apparu.

      —Une étoile filante! s'écria l'ingénieur.

      Et, s'adressant à Séléna qui était accourue, il lui dit en plaisantant:

      —Faites un vœu, mademoiselle.

      —Un vœu, répéta-t-elle surprise.

      —Les jeunes filles russes n'ont-elles donc point, comme nos jeunes filles françaises, cette charmante superstition qui leur fait former un vœu, lorsque brille au ciel une étoile filante... on prétend que le vœu se réalise rapidement.

      Séléna répondit en souriant:

      —Non, monsieur Fricoulet; nous ne connaissons point cela en Russie; mais ne suis-je pas, depuis longtemps, Française par le cœur?

      —Formez donc vite un vœu, dit Gontran.

      —C'est déjà fait, répondit-elle.

      —Et sans indiscrétion, demanda le jeune homme, pourrais-je savoir?

      La jeune fille le menaça du doigt:

      —Ne vous en doutez-vous pas un peu? dit-elle.

      —Monsieur Fricoulet, fit Farenheit en s'adressant à l'ingénieur, avez-vous entendu dire que des vœux formés, en de semblables circonstances par des hommes, se fussent réalisés.

      —Je vous avouerai, mon cher sir Jonathan, que je ne possède aucun renseignement à ce sujet... mais, pour ce que cela coûte, vous pouvez toujours essayer.

      Et il ajouta:

      —Je n'ai pas besoin de vous demander...

      —Certes non; je le dis bien haut: je souhaite de revoir les États-Unis le plus tôt possible.

      Comme il achevait ces mots, l'ombre se trouva zébrée soudain d'une, véritable pluie de feu, sans cesse éteinte et sans cesse renaissante, qui dura plusieurs secondes.

      —Eh! s'écria Fricoulet, ce doit être aujourd'hui, sur Terre, le 24 novembre.

      Il tira de sa poche un vieux calendrier qu'il avait emporté dans son portefeuille, et, après l'avoir consulté, il murmura:

      —Oui, c'est bien cela.

      Alors, se tournant vers l'Américain.

      —Mon cher sir Jonathan, votre vœu est exaucé.

      Farenheit regarda l'ingénieur d'un air incrédule.

      —Vous vous moquez de moi, murmurait-il.

      —Non pas.

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      Et, étendant la main vers un nouveau rayon lumineux qui venait de traverser l'espace.

      —Enfourchez une de ces étoiles filantes et vous avez beaucoup de chance de revoir les États-Unis.

      L'Américain haussa les épaules:

      —Je pense à des choses sérieuses, maugréa-t-il, et vous me parlez de choses absurdes.

      —Pas si absurdes que cela, répondit Fricoulet; ne savez-vous donc pas qu'un savant compatriote à vous, Simon Newcomb, a calculé que, par an, il ne tombe pas moins de quarante-six milliards d'étoiles filantes sur la Terre.

      image L'ombre

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