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      En le prévenant seulement au dernier moment, on avait cet avantage d'empêcher d'abord que la lutte s'éternisât, ensuite, d'enlever le vieux savant en faisant miroiter à ses yeux la perspective de Jupiter, de Saturne, d'Uranus, de Neptune, qu'une occasion unique s'offrait de pouvoir visiter.

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      Il était comme toujours, plongé dans ses études télescopiques, lorsque Gontran, lui touchant l'épaule, le força à quitter son instrument et à le regarder.

      —Eh bien! mon cher monsieur, demanda le jeune homme, avancez-vous un peu et pensez-vous avoir fini bientôt vos observations?

      Ossipoff secoua la tête d'un air désespéré.

      —C'est véritablement effrayant, mon cher ami, répondit-il, plus je vais et plus je me rends compte de la tâche gigantesque que j'ai entreprise.

      Il se fit un silence après lequel M. de Flammermont reprit:

      —Mais, savez-vous bien que de ce train-là, nous risquons fort de nous éterniser ici.

      —Vous y trouvez-vous donc mal? demanda le vieillard surpris.

      —Non pas,... mais la vie est un peu monotone,... et puis...

      —Et puis? questionna Ossipoff.

      —Il avait été convenu que nous ne nous arrêterions, sur chaque planète, que le temps de reprendre haleine,... et dame, je ne serais pas fâché d'aller voir sur Jupiter ce qui s'y passe,... Vous n'oubliez pas que d'ici à Jupiter, nous avons un nombre respectable de lieues à parcourir.

      Le vieux savant leva les bras en l'air.

      —Jupiter! s'écria-t-il avec un éclair dans les yeux, le géant des mondes! oh! voir!... contempler!... étudier de près l'ossature de ce monstre!...

      Mais l'éclair de son regard s'éteignit, et il murmura tristement:

      —Malheureusement,... c'est un rêve, et Mars est bien notre dernière étape dans ce grand voyage que nous avons entrepris.

      —Notre dernière étape! s'exclama M. de Flammermont, plaisantez-vous, monsieur Ossipoff? Vous nous avez promis de nous faire visiter tout le système solaire,... il faut tenir votre promesse... Voir Jupiter!... mais c'est notre rêve à tous, à Mlle Séléna, à Fricoulet, jusqu'à Farenheit lui-même...

      Et il ajouta:

      —Vous ne pouvez vous dérober ainsi à vos engagements...

      —Mais le moyen de les tenir?... vous l'avez dit vous-même tout à l'heure,... ce sont des millions et des millions de lieues qui nous séparent de Jupiter!... comment franchir une si effroyable distance?...

      —Retournons sur la Terre, en ce cas, insinua Gontran.

      Le vieux savant tressaillit et répliqua d'une voix nette:

      —Pour cela, rien ne presse,... nous avons, pour y songer, tout le temps qu'il nous plaira.

      Le jeune comte dissimula le sourire qui, malgré lui, venait plisser ses lèvres, et répondit:

      —Je plaisantais, mon cher monsieur Ossipoff;... ma devise, vous le savez bien, depuis que j'ai entrepris ce grand voyage, est «en avant toujours en avant»,... eh bien! je viens vous dire aujourd'hui, fidèle à cette devise: «monsieur Ossipoff, ne nous immobilisons pas ici,... en avant!»

      Le jeune homme avait prononcé ces mots d'une voix vibrante qui parut faire sur Ossipoff une profonde impression; ses lèvres s'agitèrent dans un tremblement nerveux, et ses regards s'attachèrent avec curiosité sur Gontran.

      Celui-ci ajouta:

      —Savez-vous quel jour marque le calendrier terrestre, monsieur Ossipoff?

      Le vieillard secoua la tête négativement.

      —La Saint-Michel, repondit Gontran; c'est-à-dire, monsieur Ossipoff, que c'est aujourd'hui votre fête...

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      —C'est ma foi vrai, murmura le savant, c'est ma fête; absorbé dans ces intéressantes études, je l'avais complètement oublié!

      Puis, après un moment, il demanda, tout étonné:

      —Pourquoi me dites-vous cela?

      —Parce que, si vous l'aviez oublié, vous, nous nous en sommes souvenus... pour vous la souhaiter...

      Un air de contentement se répandit sur le visage du vieillard.

      —Ça, c'est gentil, dit-il.

      Et il serra cordialement la main du jeune comte.

      —Devinez un peu, fit celui-ci d'un ton mystérieux, ce que nous vous offrons?

      —Vous êtes donc plusieurs?

      —Pour le cadeau dont il s'agit, il a fallu nous cotiser; Mlle Séléna s'est rappelé que c'était aujourd'hui votre fête.

      —Chère enfant, murmura le vieillard attendri.

      —Farenheit a déclaré qu'il fallait vous la souhaiter.

      —C'est un brave homme, au fond, cet Américain, quoique violent.

      —Moi, j'ai trouvé le cadeau qu'il fallait vous faire.

      Une nouvelle poignée de main remercia le jeune homme de ses paroles.

      —Quant à Fricoulet, termina Gontran, il m'a aidé.

      —Peuh!... aidé à quoi?

      —À vous faire le cadeau en question.

      Le vieillard hocha la tête d'un air qui montrait en quelle piètre estime il avait l'aide de Fricoulet; puis il demanda:

      —Et ce cadeau, qu'est-ce que c'est?

      —Jupiter!

      Ossipoff fit un bond en arrière, fixant sur son futur gendre un regard un peu inquiet.

      —Vous dites? s'écria-t-il.

      —Je dis: Jupiter.

      —Vous m'offrez Jupiter en cadeau?

      —Mais oui,... Jupiter lui-même,... et ipse, comme disait le bon proviseur du lycée Henri IV.

      —Vous perdez la tête, riposta le vieillard dont l'inquiétude allait croissant.

      Comme Gontran allait répondre, une nuée de Martiens envahit l'observatoire au milieu d'un bruit d'ailes assourdissants: c'était l'appareil que l'on apportait sous la direction de Fricoulet.

      Ossipoff examinait d'un œil ébahi ce singulier instrument.

      —Qu'est-ce que cela? murmura-t-il.

      —Le véhicule qui va nous transporter dans Jupiter.

      —Est-ce possible? balbutia Ossipoff,... mais par quel moyen?

      —Par le moyen du courant parabolique d'astéroïdes qui forme un fleuve naturel sur lequel nous allons naviguer...

      Le vieillard poussa une exclamation indéfinissable et, se précipitant sur M. de Flammermont, le saisit dans ses bras et le tint longtemps serré sur sa poitrine.

      —Ah! mon enfant!... mon cher enfant! balbutia-t-il tout ému, il y en a dont les statues de bronze se dressent sur les places publiques, qui l'ont moins mérité que vous.

      Pendant que le jeune comte faisait visiter en détail l'appareil au vieux savant, Farenheit exprimait à Fricoulet la stupéfaction profonde en laquelle venait de le jeter la légèreté de l'appareil.

      —Il

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