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Voyages en France pendant les années 1787, 1788, 1789. Arthur Young
Читать онлайн.Название Voyages en France pendant les années 1787, 1788, 1789
Год выпуска 0
isbn 4064066087883
Автор произведения Arthur Young
Жанр Документальная литература
Издательство Bookwire
Le 5. — Jusqu'à Saint-Martory, suite d'enclos bien cultivés. — Depuis plus de cent milles, les femmes vont sans souliers, même dans les villes; à la campagne, beaucoup d'hommes font de même.
La chaleur, hier et aujourd'hui, est aussi intense qu'auparavant; il est hors de propos de chercher à voir clair dans les appartements; tout doit être clos, ou il n'y en a pas d'assez frais; en passant d'une chambre éclairée dans une autre, noire, quoique toutes deux au nord, on éprouve une fraîcheur bien différente; mais aller de là sur une terrasse couverte, c'est comme si on entrait dans un four. On m'a conseillé, aujourd'hui, de ne pas bouger avant quatre heures. De dix heures du matin à cinq heures de l'après-midi, la chaleur rend tout exercice pénible, et les mouches sont une vraie plaie d'Égypte. Plutôt le froid et les brouillards de l'Angleterre qu'une telle chaleur, si elle devait durer! Les gens du pays me disent que cette intensité a atteint son terme ordinaire, quatre ou cinq jours, et que même, dans les mois les plus brûlants, il fait beaucoup plus frais qu'à présent. Pendant deux cent cinquante milles, je n'ai rencontré que deux cabriolets et trois misérables choses semblables à notre vieille chaise de poste anglaise à un cheval; pas un gentilhomme; beaucoup de négociants, comme ils s'appellent, avec deux ou trois porte-manteaux en croupe: rareté de voyageurs surprenante! — 28 milles.
Le 6. — Rejoint mes amis à Bagnères-de-Luchon, très aise de me reposer un peu au sein de ces fraîches montagnes, après une si brûlante tournée.
Le 10. — Notre société n'étant pas encore prête à retourner à Paris, je résolus d'employer les dix ou douze jours qui restaient à visiter Bagnères-de-Bigorre et Bayonne, et de revenir rejoindre mes compagnons à Auch sur le chemin de Bordeaux. Cela conclu, je montai ma jument anglaise et pris un dernier congé de Bagnères-de- Luchon. — 28 milles.
Le 11. — Paré près d'un couvent de Bernardins, dont le revenu est de 30 000 livres; il est situé, dans un vallon qu'arrose un charmant ruisseau aux eaux cristallines; des hauteurs, boisées de chênes, l'abritent en arrière. — Arrivé à Bagnères, qui contient peu de choses remarquables, mais que l'on fréquente beaucoup à cause de ses eaux. Visité la vallée de Campan, dont j'avais entendu faire de grands récits, et qui a cependant surpassé mon attente. Elle diffère entièrement de celles que j'ai vues dans les Pyrénées ou en Catalogne. Les traits en sont autrement disposés. En général, les pentes cultivées des montagnes sont divisées en enclos; ici, elles restent ouvertes. La vallée elle-même est une nappe unie de cultures et de prairies arrosées, parsemée de nombreux villages et de maisons isolées. Les montagnes de l'est sont sauvages, escarpées, rocheuses, et ne nourrissent que des moutons et des chèvres. Elles forment le trait le plus saillant de ce tableau par leur contraste frappant avec celles de l'ouest qui déploient une admirable succession de moissons et de verdure, sans haies ni fossés, coupée seulement par les lignes de division des propriétés et les canaux, amenant aux basses région, les eaux des sommets; leurs pentes offrent l'aspect de la plus riche et la plus luxuriante végétation. Çà et là s'éparpillent quelques bouquets de bois que le hasard a groupés avec un merveilleux bonheur pour jeter de la variété. La saison, en mélangeant l'or des blés mûrs avec le vert des prairies, colorait vivement ce paysage, qui est en somme, pour les formes et les teintes, le plus exquis dont nos yeux se soient récréés. — Pris le chemin de Lourdes; on y tient garnison dans un château bâti sur le roc, rien que pour garder les prisonniers d'État envoyés ici par lettres de cachet. On en connaît sept ou huit qui y sont; il y en a eu jusqu'à trente à la fois, arrachés par la main impitoyable d'une jalouse tyrannie, du sein des douceurs de la famille, enlevés à leurs femmes, à leurs enfants, à leurs amis, et condamnés pour des crimes ignorés d'eux, peut-être pour leurs vertus, à languir dans ce séjour de douleur et à y mourir de désespoir! O liberté! Liberté! Et ce gouvernement est encore, après le nôtre, le plus doux de ceux d'Europe. Les décrets de la Providence semblent avoir permis à la race humaine d'exister, sous condition de servir de proie aux tyrans, comme elle a fait les pigeons pour les vautours. — 35 milles.
Le 12. — Pau est une ville considérable, ayant un Parlement et une manufacture de toile, mais elle est plus célèbre comme lieu de naissance d'Henri IV. J'ai vu le château, et on m'a montré, comme à tous les voyageurs, la chambre où Henri IV vint au monde et l'écaille de tortue qui lui servit de berceau. Influence des talents sur la postérité! Voici une grande ville, mais je doute que rien y amenât l'étranger s'il n'y avait pas ce souvenir favori.
En prenant la route de Moneng (Moneins), je suis tombé sur une scène si nouvelle pour moi en France, que j'en pouvais à peine croire mes yeux. Une longue suite de chaumières bien bâties, bien closes et confortables, construites en pierres et couvertes en tuiles, ayant chacune son petit jardin entouré d'une baie d'épines nettement taillée, ombragé de pêchers et d'autres arbres à fruits, de beaux chênes épars dans les clôtures, et çà et là de jeunes arbres traités avec ce soin, cette attention inquiète du propriétaire, que rien ne pourrait remplacer. De chaque maison dépend une ferme, parfaitement enclose; le gazon des tournières dans les champs de blé est fauché ras, et ces champs communiquent ensemble par des barrières ouvertes dans les haies. Les hommes portent des bonnets rouges comme les montagnards d'Écosse. Quelques parties de l'Angleterre (là où il reste encore de petits Yeomen) se rapprochent de ce pays de Béarn, mais nous en avons bien peu d'égales à ce que je viens de voir dans ma course de douze milles de Pau à Moneng. Il est tout entre les mains de petits propriétaires sans que les fermes se morcèlent assez pour rendre la population misérable et vicieuse. Partout on respire un air de propreté, de bien-être et d'aisance qui se retrouve dans les maisons, dans les étables fraîchement construites. Dans les petits jardins, dans les clôtures, dans la cour qui précède les maisons, jusque dans les mues de volailles et les toits à porcs. Peu importe au paysan que son porc soit mal abrité, si son propre bonheur tient à un fil, à un bail de neuf ans. Nous sommes en Béarn, à quelques milles du berceau d'Henri IV. Serait-ce de ce bon prince qu'ils tiennent tant de bonheur? Le génie bienveillant de cet excellent monarque semble régner encore sur le pays: chaque paysan y a la poule au pot. — 34 milles.
Le 13. — L'agréable tableau d'hier se déroule encore devant nos yeux: beaucoup de petites propriétés, toutes les apparences du bonheur champêtre. Navarreins est une petite ville murée et fortifiée, ayant trois rues principales, qui se coupent à angle droit, et une petite place. Des remparts on domine une belle campagne. La fabrication de la toile est très répandue. Jusqu'à Saint-Palais, le pays est le plus souvent enclos, et, en général, par des haies admirablement venues et soigneusement coupées. — 25 milles.
Le 14. — Pris un guide de Saint-Palais pour me conduire à quatre lieues de là, à Auspan (Hasparren). Jour de foire, la place est remplie de fermiers; j'ai vu la soupe qu'on leur préparait: c'était une montagne de tranches d'un pain de couleur peu ragoûtante, une grande masse de choux, de la graisse et de l'eau, et pour quelques vingtaines de personnes, à peu près autant de viande qu'en eussent mangé six fermiers anglais, en grognant contre leur hôte pour sa parcimonie. — 26 milles.
Le 15. — Bayonne est de beaucoup la plus jolie ville que j'aie vue en France: non seulement les maisons sont en pierre et bien bâties, mais les rues sont larges, et il y a beaucoup de vides qui, sans former de places régulières, sont d'un bon effet. La rivière est large, beaucoup de maisons lui font face, ce qui, du pont, forme une belle perspective. La promenade est charmante; les allées d'arbres, dont les têtes se croisent en berceau, donnent un ombrage délicieux dans ce climat brûlant. Le soir elle était remplie de personnes de bonne mine; les femmes de ce pays sont les plus belles que j'aie vues en France. Sur mon chemin, depuis Pau, j'ai rencontré, ce qui est bien rare dans ce royaume, des paysannes jolies et proprement mises; dans la plupart des provinces, un travail dur leur gâte la taille et le teint. La fleur de la santé sur les joues d'une fille de campagne convenablement habillée n'est pas la moindre beauté d'un paysage. Loué une chaloupe pour