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Voyages en France pendant les années 1787, 1788, 1789. Arthur Young
Читать онлайн.Название Voyages en France pendant les années 1787, 1788, 1789
Год выпуска 0
isbn 4064066087883
Автор произведения Arthur Young
Жанр Документальная литература
Издательство Bookwire
Le 31. — Traversé la montagne par un affreux chemin et gagné Beg de Rieux (Bédarieux), qui partage avec Carcassonne la fabrication des londrins pour le commerce du Levant. — Grands espaces incultes jusqu'à Béziers. J'ai rencontré aujourd'hui dans un marchand français de bonne mine, un exemple d'ignorance qui m'a surpris. Il m'avait harassé par une foule de questions saugrenues, et me demandait, pour la troisième ou quatrième fois, de quel pays j'étais. Je lui dis que j'étais Chinois. — Combien y a-t-il d'ici? Deux cents lieues, répliquai-je. Deux cents lieues! Diable! C'est un grand chemin! — L'autre jour un Français me demanda, après que je lui eus dit que j'étais Anglais, si nous avions des arbres dans mon pays. — Quelquefois, lui répondis-je. — Et des rivières? — Oh! Pas du tout. — Ah! Ma foi, c'est bien triste.[5] Cette ignorance incroyable, quand on la compare aux lumières si universellement répandues en Angleterre, doit être attribuée, comme tout le reste, au gouvernement. — 40 milles.
1er août. — Quitté Béziers pour me rendre à Capestang, par la montagne Percée. Traversé plusieurs fois le canal de Languedoc et de grands terrains incultes avant d'arriver à Pléraville. On voit les Pyrénées en plein sur la gauche, et leurs derniers contreforts ne sont qu'à quelques lieues. À Carcassonne, on me mena voir une fontaine d'eau bourbeuse et la porte des Casernes; mais je fus plus satisfait de quelques grandes maisons de manufacturiers, qui marquaient de la richesse. — 40 milles.
Le 2. — Faujours (Fargeaux), couvent considérable, avec une longue ligne de bâtiments très élevés.
Le 3. — À Mirepoix, on bâtit un pont magnifique à sept arches plates, chacune de 64 pieds d'ouverture, qui coûtera 1, 8000 000 livres (78 758 l. st.). Voilà douze ans qu'on y travaille; il en faudra encore bien deux pour le finir. Le temps, depuis quelques jours, a été aussi beau que possible, mais très chaud; aujourd'hui, la chaleur était si désagréable, que je me suis reposé à Mirepoix depuis midi jusqu'à trois heures; il faisait un soleil si brûlant, qu'il m'en coûta beaucoup de faire un demi- quart de mille pour voir le pont. Des myriades de mouches me dévoraient, et je pouvais à peine supporter un peu de clarté dans ma chambre. Le cheval me fatiguant, je cherchai un véhicule quelconque pour ces grandes chaleurs, c'est ce que j'avais fait à Carcassonne; mais on ne put m'en procurer d'aucune sorte. En se rappelant que Carcassonne est une des villes manufacturières les plus considérables de France, comptant 15 000 âmes, que Mirepoix est loin d'être sans importance, et que cependant on n'y peut trouver de voiture d'aucune espèce, combien un Anglais doit s'estimer heureux des facilités de tout genre, universellement répandues dans son pays, où je ne crois pas qu'il y ait une ville de 1 500 âmes dans laquelle on ne puisse avoir, en un moment, une chaise de poste et de bons chevaux. Quel contraste! Ceci confirme le fait déduit du peu de mouvement sur les routes près de Paris. La circulation est presque nulle en France. La chaleur était telle que je quittai Mirepoix presque malade: c'est de beaucoup le jour le plus chaud que j'aie éprouvé. L'air paraissait enflammé des rayons ardents qui rendaient impossible de diriger les regards même à bien des degrés de distance de l'orbe radieux flamboyant alors dans les cieux. Traversé un autre beau pont de trois arches; puis, une contrée boisée, ce qui ne m'était pas arrivé depuis longtemps. Vignes nombreuses autour de Pamiers, qui est situé au centre d'une belle vallée, sur le bord d'une jolie rivière. La ville elle-même est remarquablement laide et mal bâtie; et quelle auberge! Adieu, monsieur Gascit; si le sort m'en départ encore une comme la vôtre, que cela me soit compté en rémission de mes péchés! — 28 milles.
Le 4. — Un peu après, au sortir d'Amons (du Mas d'Azil), on a le spectacle extraordinaire d'une rivière sortant d'une caverne; au revers de la montagne, on voit l'autre caverne par où elle entre; la montagne est percée. Dans beaucoup de pays, il y a de ces exemples de rivières souterraines. À St-Géronds (St-Girons), descendu à la Croix-Blanche, le plus exécrable réceptacle de saleté, de vermine, d'impudence et de vol qui ait jamais exercé la patience ou blessé les sentiments d'un voyageur! Là préside une sorcière décrépite, le démon de la brutalité. Je me couchai (je ne dis pas que j'aie dormi) dans une chambre au-dessus de l'écurie, dont les vapeurs étaient les moins désagréables des parfums qu'exhalait ce hideux bouge. On ne put me servir que deux oeufs gâtés, pour lesquels seulement je dus payer vingt sous. L'Espagne ne m'a rien présenté qui égalât ce cloaque, dont un porc anglais se détournerait avec horreur. Mais toutes les auberges depuis Nîmes sont misérables, excepté celles de Lodève, de Ganges, de Carcassonne et de Mirepoix. Saint-Géronds paraît avoir de 4 à 5 000 âmes. Pamiers en contient près du double. Quelle peut être, entre ces centres de population et d'autres, la circulation, encouragée par de semblables auberges? Certains écrivains ont regardé de telles remarques comme dictées purement par la vivacité des voyageurs; cela montre leur ignorance. Il y a une donnée politique dans ces petites observations. Nous ne pouvons demander que tous les registres de France soient ouverts pour trouver quelle est la circulation dans ce royaume; le politique doit donc le préjuger de choses à sa portée et parmi celles-ci, la circulation sur les grandes routes, et la disposition des maisons établies pour la réception des voyageurs nous disent et le nombre et la qualité de ces voyageurs. J'entends les gens du pays, que les affaires ou les plaisirs appellent hors de chez eux; car, s'ils ne sont pas assez nombreux pour entretenir de bonnes auberges, ce ne seront certes pas ceux qui viennent de loin qui le feront: on le voit par la détestable hospitalité offerte même sur le grand chemin de Londres à Rome. Au contraire, allez en Angleterre, dans des villes de 1 500, 2 000 ou 3 000 habitants, tout à fait en dehors de la circulation comme moyen de ressource, et n'ayant à attendre presque aucun voyageur, vous y trouverez cependant des auberges bien tenues par du monde propre et convenable, de bons meubles, une civilité cordiale; si vos sens ne sont pas flattés, au moins ne seront-ils blessés par rien; et, si vous demandez une chaise de poste et un couple de bons chevaux, ce qui ne coûte pas moins de 80 liv. st., vous l'aurez à votre disposition pour vous mener où bon vous semblera, malgré la lourde taxe qui les grève. N'y a-t-il pas des conclusions politiques à tirer de ce contraste? Cela prouve qu'il y a assez de communications entre les villes anglaises pour soutenir de telles maisons. Les clubs des habitants, les visites de leurs amis et de leurs parents, les parties de plaisir, les marchés, les rapports avec la capitale et les autres centres, forment les bonnes auberges; et quand elles n'existent pas dans un pays, c'est qu'il n'a pas le même mouvement, ou que ce mouvement entraîne moins de richesse, moins de consommation, moins de bien-être. Dans cette tournée en Languedoc,