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de Blois dans la guerre de ce prétendant contre Jean de Montfort, ce qui lui aliéna l'amitié de ses compatriotes et le contraignit de passer dans l'armée de Charles V. Il battit peu après le roi de Navarre à Cocherel, et fut lui-même vaincu et fait prisonnier, la même année, par l'Anglais Chandos, à Auray. Rendu à la liberté, il conduisit en Espagne les grandes compagnies qui infestaient la France, et rançonna le pape à Avignon pour solder ses troupes. D'abord vaincu par le prince Noir, prince de Galles et fils d'Édouard III, roi d'Angleterre, il revint en Espagne après une courte captivité à Bordeaux, défit Pierre le Cruel, roi de Castille, et donna le trône à Henri de Transtamare.

      Nommé connétable de France en 1349, il chassa les Anglais de la Normandie, de la Guienne et du Poitou, et mourut au siège de Château-Randon. Voyant approcher la mort, il prit dans ses mains victorieuses l'épée de connétable, et il la considéra quelque temps en silence, et, les larmes aux yeux: «Elle m'a aidé, dit-il, à vaincre les ennemis de mon roi; mais elle m'en a donné de cruels auprès de lui. Je vous la remets, ajouta-t-il en s'adressant au maréchal de Sancerre, et je proteste que je n'ai jamais trahi l'honneur que le roi m'avait fait en me la confiant.» Alors il découvrit sa tête, baisa avec respect cette épée, embrassa les vieux capitaines qui l'entouraient, leur dit un dernier adieu, en les priant de ne point oublier «qu'en quelque pays qu'ils fissent la guerre, les gens d'Église, les femmes, les enfants et le pauvre peuple n'étaient point ses ennemis.» Et il expira le 13 juillet 1380, âgé de soixante-six ans, en recommandant à Dieu son âme, son roi et sa patrie. L'armée poussa des cris de désespoir. Charles V ordonna qu'il fût inhumé à Saint-Denis, dans la sépulture des rois et tout auprès du tombeau qu'il avait fait préparer pour lui-même. Neuf ans après, Charles VI ordonna pour du Guesclin de plus grandes funérailles, les princes, les grands seigneurs du royaume et le roi même y assistèrent.

      PERSONNAGES.

      Le comte DU GUESCLIN.

       La comtesse DU GUESCLIN.

       BERTRAND. }

       OLIVIER. } leurs fils.

       JEAN. }

       Le chevalier de LA MOTTE, leur oncle.

       La châtelaine de LA MOTTE, leur tante.

       RACHEL, femme juive, nourrice de Bertrand du Guesclin.

      La scène se passe d'abord au château du père de du Guesclin; puis à Rennes.

       D'UN GRAND CAPITAINE.

       Table des matières

       Table des matières

      Le théâtre représente une salle à manger gothique; la comtesse du Guesclin, Olivier et Jean sont à table.

       Table des matières

      La comtesse DU GUESCLIN, OLIVIER, JEAN, RACHEL, puis BERTRAND.

      LA COMTESSE à Rachel qui rentre. Vous ne me ramenez pas Bertrand!

      RACHEL. Madame, je pense qu'il va rentrer.

      LA COMTESSE. Je suis sûre que vous l'avez encore surpris se battant ou luttant avec les petits paysans du village.

      OLIVIER. Oh! oui, maman, il aime mieux ces petits vilains que nous.

      JEAN. Il dit que nous ne sommes pas assez forts; nous sommes trop sages pour lui.

      RACHEL. Ah! Jean, vous accusez votre frère qui n'est pas là; c'est mal.

      LA COMTESSE. Mais vous, nourrice, vous le justifiez toujours.

      RACHEL. Madame.... c'est que....

      LA COMTESSE. Enfin, où est-il?

      RACHEL. Madame, il chasse à coups de cailloux les hirondelles nichées dans les mâchicoulis du château.

      OLIVIER, se levant et s'approchant d'une fenêtre. Voyons si c'est vrai.... Oh! le voici qui rentre, il a le visage en sang, les habits déchirés.

      JEAN, s'approchant à son tour de la fenêtre. Il est plus laid vraiment qu'un bohémien.

      LA COMTESSE. Ah! quel enfant! je n'en aurai jamais que du chagrin!

      BERTRAND, entrant. J'en ai mis trois par terre. J'ai faim: à manger.

      LA COMTESSE. Non, vous ne mangerez pas, et vous serez au pain et à l'eau. Vous êtes la honte de la famille, méchant, sans esprit.... sans....

      BERTRAND. Moi, ma mère? je suis fort.

      LA COMTESSE. Le chapelain se plaint de vous; vous ne savez pas lire encore.

      BERTRAND. Dois-je me faire moine, pour passer mon temps sur des parchemins? Est-ce avec une plume qu'on peut pourchasser les Anglais?

      RACHEL. Voyez, maîtresse, quelle forte pensée s'agite déjà dans cette jeune tête.

      LA COMTESSE. Non, non, Rachel, il n'y a rien de bon en lui; il oublie la noblesse de son sang; il se mêle à des serfs.

      BERTRAND. Les Anglais sont nos serfs aussi, et, si je bats aujourd'hui les petits vilains, cela me donne l'espérance que je battrai plus tard nos ennemis. Mais j'ai bien faim! laissez-moi me mettre à table.

      LA COMTESSE. Non, sortez d'ici.

      BERTRAND. Moi, l'aîné, je serai chassé de votre table et les cadets y resteront? non, par Dieu!

      RACHEL. Oh! madame, un peu de bonté pour lui, cet enfant est destiné....

      LA COMTESSE. Oui.... à faire le malheur de sa mère.

      RACHEL, rêvant. Qui sait?

      BERTRAND. N'est-ce pas, nourrice, que je serai un preux?

      RACHEL. Donne-moi ta main.

      LA COMTESSE. Je crois que vous êtes folle, nourrice.

      RACHEL. Oh! madame, cette petite main est un grand livre où je lis bien des choses.

      LA COMTESSE. Et qu'y lisez-vous?

      RACHEL. Laissez-moi me recueillir. (Elle tient la main de Bertrand et l'examine attentivement.) Voyez, madame, ces lignes sont belles! voilà le courage, la force, l'héroïsme, le désintéressement. Il illustrera sa famille et sa patrie. Je vois Bertrand se montrer dans les tournois, je le vois vaincre les chevaliers. Bertrand grandira, Bertrand deviendra l'ami de son roi; il sera fait connétable. Sa vie sera une longue suite de prouesses; il y a d'autres choses encore.... mais il sera brave surtout.

      BERTRAND. Oh! oui, je serai brave, je le jure par tous les saints.

      LA COMTESSE. Tu es folle, nourrice; par tes sottes flatteries, tu le rends plus indocile. Allons, emmenez-le.

      BERTRAND. Ma mère! ma mère! laissez-moi m'asseoir à votre table, à la place qui m'est due.

      LA COMTESSE. La place qui vous est due?... (Elle rit.) Allons, sortez.

      BERTRAND, furieux. Eh bien! oui, je sortirai; mes frères sortiront aussi. Si je suis laid, je suis fort, et je vais vous le prouver.

      (Il se jette sous la table, la renverse et pousse brusquement ses frères.)

      LA COMTESSE. Misérable enfant! il a brisé toute ma vaisselle et renversé mon grand hanap de Hongrie.... Holà! qu'on appelle son père pour le châtier!...

      BERTRAND.

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