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naïvement le jeune comte, j'aperçois une petite boule rougeâtre qui s'avance doucement et qui est bien près de disparaître... ah! voilà qui est singulier... elle a pâli un peu... mais je la vois toujours.

      Ossipoff dont les yeux étaient fixés sur l'horloge sidérale et qui comptait les secondes tout bas, répliqua vivement:

      —Ce n'est point elle que vous voyez... car elle a disparu depuis quinze secondes derrière la lune, mais simplement son reflet.

      —Ah! fit Gontran, cette fois-ci, je ne vois plus rien.

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      Il allait quitter l'oculaire, mais, avec une force inimaginable, Ossipoff le maintint à sa place.

      —Restez, restez... commanda-t-il en poussant légèrement l'oculaire, et ne cessez pas de regarder.

      Docilement, le comte de Flammermont demeura immobile, s'écarquillant les yeux, s'impatientant d'être ainsi immobile et de ne rien voir, lorsqu'il s'écria:

      —Ah! par exemple, c'est très curieux... je revois la planète, mais de l'autre côté de la lune maintenant...

      —Et cependant elle n'a pas reparu à l'horizon, riposta Ossipoff, les yeux toujours fixés sur l'horloge.

      Plusieurs minutes s'écoulèrent.

      —La voici... la voici... répéta le jeune homme... elle est visible aux deux tiers... Tiens, le bord de la lune est tout sombre à l'endroit où la planète vient de sortir...

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      Sans doute étaient-ce ces paroles qu'attendait le vieux savant, car lui aussi jeta un cri, mais un cri de joie... un cri de triomphe, et, saisissant Gontran, il l'arracha presque du télescope et, l'attirant à lui:

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      —Vous l'avez-vu, n'est-ce pas... vous l'avez bien vu... je tenais à ce que vous fussiez convaincu par vos propres yeux.

      Et tout haletant, il fixait sur le jeune homme des regards dans lesquels brillait une flamme étrange.

      Puis, s'asseyant et désignant de la main un siège à son compagnon:

      —Béni soit le hasard, murmura-t-il, qui m'a permis de vous faire constater cela aujourd'hui même.

      Gontran le considérait, tout étonné.

      —Vous venez d'avoir là, sous les yeux, la preuve matérielle, palpable, que tous ceux qui présentent la lune comme un astre mort, inhabité et inhabitable, que tous ceux-là se trompent grossièrement.

      Le jeune homme se contenta d'approuver d'un hochement de tête, de peur de se compromettre encore par quelque parole imprudente.

      —Ils disent que la lune n'a point d'atmosphère! et pour cela, sur quoi se basent-ils, je vous le demande? Sur ce que la surface du disque n'est jamais voilée par aucun nuage et que ce disque se présente toujours à nous sous le même aspect... sur ce que toute atmosphère produit des crépuscules et que la partie éclairée et la partie obscure de la lune sont séparées l'une de l'autre par une ligne nettement tranchée ne présentant aucune dégradation de lumière!... d'autres ont examiné le spectre d'une étoile, au moment de son occultation, et n'ayant remarqué dans ce spectre aucune variation de couleur, concluent à l'absence de l'atmosphère, qui devrait causer cette variation... d'autres, enfin, partant de ce principe que les rayons lunaires ne sont que la réflexion des rayons solaires, déclarent que le spectre formé par la lumière de la lune devrait présenter les raies d'absorption ajoutées au spectre solaire par l'atmosphère lunaire!... or, toutes les observations prouvent, disent-ils, que la lune renvoie simplement la lumière solaire comme un miroir, sans que la moindre atmosphère sensible la modifie en quoi que ce soit.

      Ossipoff haussa les épaules et ajouta:

      —Tout cela est vraisemblable... mais cela n'est pas vrai... vous-même venez d'en voir la preuve... croyez-vous donc que vous auriez pu, même après sa disparition, apercevoir la planète Mars, si ses rayons n'avaient pas été réfléchis... et dans quoi, je vous le demande un peu, cette réflexion pourrait-elle avoir lieu sinon dans l'atmosphère lunaire?... c'est pour cette même raison qu'avant la fin de l'occultation il vous a été loisible de l'apercevoir de l'autre côté du disque... voyons, franchement, ce que je dis là vous paraît-il insensé?

      Gontran eut un beau mouvement d'indignation.

      —C'est-à-dire, répondit-il d'une voix vibrante, que tout cela est clair et limpide comme de l'eau de roche.

      —Quant au crépuscule, poursuivit Ossipoff en s'animant progressivement, Schroeter qui, certes, n'était pas un âne, non seulement a démontré l'existence du crépuscule lunaire, mais encore a trouvé que son arc, mesuré dans la direction des rayons solaires tangents, serait de 2° 34', et que les couches atmosphériques qui éclairent l'extrémité de cet arc devraient être à 352 mètres de hauteur... Est-ce concluant?

      —Merveilleusement concluant, riposta Gontran avec un sang-froid magnifique.

      Le jeune homme avait placé son coude sur ses genoux et le menton dans la paume de sa main, le visage grave, les yeux fixés sur le savant, il semblait le suivre dans ses explications avec une compréhension parfaite.

      Ossipoff poursuivit:

      —L'astronome Airy en discutant 295 occultations,—ce n'est pas rien cela, 295 occultations,—eh bien! en a conclu que le demi-diamètre lunaire est diminué de 2", dans la disparition des étoiles derrière le côté obscur de la lune, et de 2",4 dans leur réapparition également au bord obscur... il s'ensuit donc que le demi-diamètre conclu des occultations est inférieur au demi-diamètre télescopique... A quoi, je vous le demande, peut-on attribuer cette diminution, sinon à la réfraction horizontale d'une atmosphère lunaire?

      —Comme vous dites, répondit sérieusement le jeune homme.

      —Du reste, poursuivit Ossipoff, si je devais énumérer toutes les preuves diverses recueillies à différentes époques et par des savants qui n'étaient pas les premiers venus, en faveur de l'existence d'une atmosphère lunaire, il me faudrait plusieurs heures, au moins... quant à moi, je ne puis expliquer le phénomène auquel donne lieu l'occultation de certaines étoiles, que par une atmosphère existant surtout sur l'hémisphère que nous ne voyons pas et qui serait de temps en temps amenée par la libration vers le bord de la lune.

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      Et il regardait Gontran, semblant attendre son approbation qui se traduisit aussitôt par ces mots prononcés d'une voix ferme:

      —C'est aussi mon opinion.

      Puis, se reprenant aussitôt:

      —Ou plutôt celle de mon illustre homonyme...

      Ossipoff se redressa et tout dans son attitude révéla une grande satisfaction intérieure.

      —Maintenant, ajouta le jeune comte, il se pourrait parfaitement que la lune possédât une autre atmosphère que la nôtre.

      Le savant lui saisit la main.

      —Ah! fit-il avec enthousiasme, on voit que vous avez lu l'Astronomie du peuple, car ce que vous venez de dire est précisément une des suppositions faites par Flammermont en faveur de l'atmosphère lunaire; il admet parfaitement non seulement que dans une atmosphère céleste les proportions d'oxygène et d'azote ne soient pas les mêmes, mais encore que cette atmosphère soit composée d'autres gaz...

      —Après tout, s'écria Gontran, qu'importe ce dont cette atmosphère est composée, du moment qu'elle existe.

      Puis, soudain, redevenant plus calme:

      —Monsieur

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