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pour le reste; elle parcourut des yeux ses livres et se souvint de les avoir presque tous lus: surprise, ravie, elle se jeta au cou de Bonne-Biche, embrassa tendrement Beau-Minon, et leur dit:

      «Oh! mes bons, mes chers, mes vrais amis, que de reconnaissance ne vous dois-je pas pour avoir ainsi soigné mon enfance, développé mon esprit et mon coeur! car, je le sens, tout est amélioré en moi, et c'est à vous que je le dois.»

      Bonne-Biche lui rendit ses caresses. Beau-Minon lui léchait délicatement les mains. Quand les premiers moments de bonheur furent passés, Blondine baissa les yeux et dit timidement:

      «Ne me croyez pas ingrate, mes bons et excellents amis, si je demande d'ajouter un nouveau bienfait à ceux que j'ai reçus de vous. Dites-moi, que fait mon père? Pleure-t-il encore mon absence? Est-il heureux depuis qu'il m'a perdue?

      —Votre désir est trop légitime pour ne pas être satisfait. Regardez dans cette glace, Blondine, et vous y verrez tout ce qui s'est passé depuis votre départ, et comment est votre père actuellement.»

      Blondine leva les yeux et vit dans la glace l'appartement de son père; le roi s'y promenait d'un air agité. Il paraissait attendre quelqu'un. La reine Fourbette entra et lui raconta que Blondine, malgré les instances de Gourmandinet, avait voulu diriger elle-même les autruches, qui s'étaient emportées, avaient couru vers la forêt des Lilas et versé la voiture; que Blondine avait été lancée dans la forêt des Lilas à travers la grille; que Gourmandinet avait perdu la tête d'effroi et de chagrin; qu'elle l'avait renvoyé chez ses parents. Le roi parut au désespoir de cette nouvelle; il courut dans la forêt des Lilas, et il fallut qu'on employât la force pour l'empêcher de s'y précipiter à la recherche de sa chère Blondine. On le ramena chez lui, où il se livra au plus affreux désespoir, appelant sans cesse sa Blondine, sa chère enfant. Enfin il s'endormit et vit en songe Blondine dans le palais de Bonne-Biche et de Beau-Minon. Bonne-Biche lui donna l'assurance que Blondine lui serait rendue un jour et que son enfance serait calme et heureuse.

      La glace se ternit ensuite; tout disparut. Puis elle redevint claire, et Blondine vit de nouveau son père, il était vieilli, ses cheveux avaient blanchi, il était triste; il tenait à la main un petit portrait de Blondine, et le baisait souvent en répandant quelques larmes. Il était seul; Blondine ne vit ni la reine ni Brunette.

      La pauvre Blondine pleura amèrement.

      «Pourquoi, dit-elle, mon père n'a-t-il personne près de lui? Où sont donc ma soeur Brunette et la reine?

      —La reine témoigna si peu de chagrin de votre mort (car on vous croit morte, chère Blondine), que le roi la prit en horreur et la renvoya au roi Turbulent son père, qui la fit enfermer dans une tour, où elle ne tarda pas à mourir de rage et d'ennui. Quant à votre soeur Brunette, elle devint si méchante, si insupportable, que le roi se dépêcha de la donner en mariage l'année dernière au prince Violent, qui se chargea de réformer le caractère méchant et envieux de la princesse Brunette. Il la maltraite rudement; elle commence à voir que sa méchanceté ne lui donne pas le bonheur, et elle devient un peu meilleure. Vous la reverrez un jour, et vous achèverez de la corriger par votre exemple.»

      Blondine remercia tendrement Bonne-Biche de ces détails; elle eût bien voulu lui demander: «Quand reverrai-je mon père et ma soeur?» Mais elle eut peur d'avoir l'air pressée de la quitter et de paraître ingrate; elle attendit donc une autre occasion pour faire cette demande.

      Les journées de Blondine se passaient sans ennui parce qu'elle s'occupait beaucoup, mais elle s'attristait quelquefois; elle ne pouvait causer qu'avec Bonne-Biche, et Bonne-Biche n'était avec elle qu'aux heures des leçons et des repas. Beau-Minon ne pouvait répondre et se faire comprendre que par des signes. Les gazelles servaient Blondine avec zèle et intelligence, mais aucune d'elles ne pouvait parler.

      Blondine se promenait accompagnée toujours de Beau-Minon, qui lui indiquait les plus jolies promenades, les plus belles fleurs. Bonne-Biche avait fait promettre à Blondine que jamais elle ne franchirait l'enceinte du parc et qu'elle n'irait jamais dans la forêt. Plusieurs fois Blondine avait demandé à Bonne-Biche la cause de cette défense. Bonne-Biche avait toujours répondu en soupirant:

      «Ah! Blondine, ne demandez pas à pénétrer dans la forêt; c'est une forêt de malheur. Puissiez-vous ne jamais y entrer!»

      Quelquefois Blondine montait dans un pavillon qui était sur une éminence au bord de la forêt; elle voyait des arbres magnifiques, des fleurs charmantes, des milliers d'oiseaux qui chantaient et voltigeaient comme pour l'appeler. «Pourquoi, se disait-elle, Bonne-Biche ne veut-elle pas me laisser promener dans cette belle forêt? Quel danger puis-je y courir sous sa protection?»

      Toutes les fois qu'elle réfléchissait ainsi, Beau-Minon, qui paraissait comprendre ce qui se passait en elle, miaulait, la tirait par sa robe et la forçait à quitter le pavillon.

      Blondine souriait, suivait Beau-Minon et reprenait sa promenade dans le parc solitaire.

       Table des matières

       Table des matières

      Il y avait près de six mois que Blondine s'était réveillée de son sommeil de sept années; le temps lui semblait long; le souvenir de son père lui revenait souvent et l'attristait. Bonne-Biche et Beau-Minon semblaient deviner ses pensées. Beau-Minon miaulait plaintivement, Bonne-Biche soupirait profondément. Blondine parlait rarement de ce qui occupait si souvent son esprit, parce qu'elle craignait d'offenser Bonne-Biche, qui lui avait répondu trois ou quatre fois: «Vous reverrez votre père, Blondine, quand vous aurez quinze ans, si vous continuez à être sage; mais, croyez-moi, ne vous occupez pas de l'avenir, et surtout ne cherchez pas à nous quitter.»

      Un matin, Blondine était triste et seule; elle réfléchissait à sa singulière et monotone existence. Elle fut distraite de sa rêverie par trois petits coups frappés doucement à sa fenêtre. Levant la tête, elle aperçut un Perroquet du plus beau vert, avec la gorge et la poitrine orange. Surprise de l'apparition d'un être inconnu et nouveau, elle alla ouvrir sa fenêtre et fit entrer le Perroquet. Quel ne fut pas son étonnement quand l'oiseau lui dit d'une petite voix aigrelette:

      «Bonjour, Blondine: je sais que vous vous ennuyez quelquefois, faute de trouver à qui parler, et je viens causer avec vous. Mais, de grâce, ne dites pas que vous m'avez vu, car Bonne-Biche me tordrait le cou.

      —Et pourquoi cela, beau Perroquet? Bonne-Biche ne fait de mal à personne: elle ne hait que les méchants.

      —Blondine, si vous ne me promettez pas de cacher ma visite à Bonne-Biche et à Beau-Minon, je m'envole pour ne jamais revenir.

      —Puisque vous le voulez, beau Perroquet, je vous le promets. Causons un peu: il y a si longtemps que je n'ai causé! Vous me semblez gai et spirituel; vous m'amuserez, je n'en doute pas.»

      Blondine écouta les contes du Perroquet, qui lui fit force compliments sur sa beauté, sur ses talents, sur son esprit. Blondine était enchantée; au bout d'une heure, le Perroquet s'envola, promettant de revenir le lendemain. Il revint ainsi pendant plusieurs jours et continua à la complimenter et à l'amuser. Un matin il frappa à la fenêtre en disant:

      «Blondine, Blondine, ouvrez-moi, je viens vous donner des nouvelles de votre père; mais surtout pas de bruit, si vous ne voulez pas me voir tordre le cou.»

      Blondine ouvrit sa croisée et dit au Perroquet:

      «Est-il bien vrai, mon beau Perroquet, que tu veux me donner des nouvelles de mon père? Parle vite: que fait-il? comment va-t-il?

      —Votre père va bien, Blondine; il pleure toujours votre absence; je lui ai promis d'employer tout mon petit pouvoir

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