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ne la grondez pas; elle est si petite, elle ne sait pas qu'elle me fait de la peine en cassant mes joujoux.... C'est pour jouer qu'elle me mord.... C'est pour s'amuser qu'elle me tire les cheveux», etc.

      Le roi Bénin embrassait sa fille Blondine et ne disait rien, mais il voyait bien que Brunette faisait tout cela par méchanceté et que Blondine l'excusait par bonté. Aussi aimait-il Blondine de plus en plus et Brunette de moins en moins.

      La reine Fourbette, qui avait de l'esprit, voyait bien tout cela aussi; mais elle haïssait de plus en plus l'innocente Blondine; et, si elle n'avait craint la colère du roi Bénin, elle aurait rendu Blondine la plus malheureuse enfant du monde. Le roi avait défendu que Blondine fût jamais seule avec la reine, et, comme on savait qu'il était aussi juste que bon et qu'il punissait sévèrement la désobéissance, la reine elle-même n'osait pas désobéir.

       Table des matières

       Table des matières

      Blondine avait déjà sept ans et Brunette avait trois ans. Le roi avait donné à Blondine une jolie petite voiture attelée de deux autruches et menée par un petit page de dix ans, qui était un neveu de la nourrice de Blondine. Le page, qui s'appelait Gourmandinet, aimait tendrement Blondine, avec laquelle il jouait depuis sa naissance et qui avait pour lui mille bontés. Mais il avait un terrible défaut; il était si gourmand et il aimait tant les friandises, qu'il eût été capable de commettre une mauvaise action pour un sac de bonbons. Blondine lui disait souvent:

      «Je t'aime bien, Gourmandinet, mais je n'aime pas à te voir si gourmand. Je t'en prie, corrige-toi de ce vilain défaut, qui fait horreur à tout le Monde.»

      Gourmandinet lui baisait la main et lui promettait de se corriger; mais il continuait à voler des gâteaux à la cuisine, des bonbons à l'office, et souvent il était fouetté pour sa désobéissance et sa Gourmandise.

      La reine Fourbette apprit bientôt les reproches qu'on faisait à Gourmandinet, et elle pensa qu'elle pourrait utiliser le vilain défaut du petit page et le faire servir à la perte de Blondine. Voici le projet qu'elle conçut:

      Le jardin où Blondine se promenait dans sa petite voiture traînée par des autruches, avec Gourmandinet pour cocher, était séparé par un grillage d'une magnifique et immense forêt, qu'on appelait la forêt des Lilas, parce que toute l'année elle était pleine de lilas toujours en fleur. Personne n'allait dans cette forêt; on savait qu'elle était enchantée et que, lorsqu'on y entrait une fois, on n'en pouvait plus jamais sortir. Gourmandinet connaissait la terrible propriété de cette forêt; on lui avait sévèrement défendu de jamais diriger la voiture de Blondine de ce côté, de crainte que par inadvertance Blondine ne franchît la grille et n'entrât dans la forêt des Lilas.

      Bien des fois le roi avait voulu faire élever un mur le long de la grille, ou du moins serrer le grillage de manière qu'il ne fût plus possible d'y passer; mais à mesure que les ouvriers posaient les pierres ou les grillages, une force inconnue les enlevait et les faisait disparaître.

      La reine Fourbette commença par gagner l'amitié de Gourmandinet en lui donnant chaque jour des friandises nouvelles; quand elle l'eut rendu tellement gourmand qu'il ne pouvait plus se passer des bonbons, des gelées, des gâteaux qu'elle lui donnait à profusion, elle le fit venir et lui dit:

      «Gourmandinet, il dépend de toi d'avoir un coffre plein de bonbons et de friandises, ou bien de ne plus jamais en manger.

      —Ne jamais en manger! Oh! Madame, je mourrais de chagrin. Parlez, Madame; que dois-je faire pour éviter ce malheur?

      —Il faut, reprit la reine en le regardant fixement, que tu mènes la princesse Blondine près de la forêt des Lilas.

      —Je ne le puis, Madame, le roi me l'a défendu.

      —Ah! tu ne le peux? Alors, adieu; je ne te donnerai plus aucune friandise, et je défendrai que personne dans la maison ne t'en donne jamais.

      —Oh! Madame, dit Gourmandinet en pleurant, ne soyez pas si cruelle! donnez-moi un autre ordre que je puisse exécuter.

      —Je te répète que je veux que tu mènes Blondine près de la forêt des Lilas, et que tu l'encourages à descendre de voiture, à franchir la grille et à entrer dans la forêt.

      —Mais, Madame, reprit Gourmandinet en devenant tout pâle, si la princesse entre dans cette forêt, elle n'en sortira jamais; vous savez que c'est une forêt enchantée; y envoyer ma princesse, c'est l'envoyer à une mort certaine.

      —Une troisième et dernière fois, veux-tu y mener Blondine? Choisis: ou bien un coffre immense de bonbons que je renouvellerai tous les mois, ou jamais de sucreries ni de pâtisseries.

      —Mais comment ferai-je pour échapper à la punition terrible que m'infligera le roi?

      —Ne t'inquiète pas de cela; aussitôt que tu auras fait entrer Blondine dans la forêt des Lilas, viens me trouver: je te ferai partir avec tes bonbons, et je me charge de ton avenir.

      —Oh! Madame, par pitié, ne m'obligez pas à faire périr ma chère maîtresse, qui a toujours été si bonne pour moi!

      —Tu hésites, petit misérable! Et que t'importe ce que deviendra Blondine? Plus tard, je te ferai entrer au service de Brunette, et je veillerai à ce que tu ne manques jamais de bonbons.»

      Gourmandinet réfléchit encore quelques instants, et se résolut, hélas! à sacrifier sa bonne petite maîtresse pour quelques livres de bonbons. Tout le reste du jour et toute la nuit il hésita encore à commettre ce grand crime; mais la certitude de ne pouvoir plus satisfaire sa gourmandise, s'il se refusait à exécuter l'ordre de la reine, l'espoir de retrouver un jour Blondine en s'adressant à quelque fée puissante, firent cesser ces irrésolutions et le décidèrent à obéir à la reine.

      Le lendemain, à quatre heures, Blondine commanda sa petite voiture, monta dedans après avoir embrassé le roi et lui avoir promis de revenir dans deux heures. Le jardin était grand. Gourmandinet fit aller les autruches du côté opposé à la forêt des Lilas.

      Quand ils furent si loin qu'on ne pouvait plus les voir du palais, il changea de direction et s'achemina vers la grille de la forêt des Lilas. Il était triste et silencieux; son crime pesait sur son coeur et sur sa conscience.

      «Qu'as-tu donc, Gourmandinet? demanda Blondine; tu ne parles pas; serais-tu malade?

      —Non, princesse, je me porte bien.

      —Comme tu es pâle! dis-moi ce que tu as, mon pauvre Gourmandinet. Je te promets de faire mon possible pour te contenter.»

      Cette bonté de Blondine fut sur le point de la sauver en amollissant le coeur de Gourmandinet; mais le souvenir des bonbons promis par Fourbette détruisit ce bon mouvement.

      Avant qu'il eût pu répondre, les autruches touchèrent à la grille de la forêt des Lilas.

      «Oh! les beaux lilas! s'écria Blondine; quelle douce odeur! Que je voudrais avoir un gros bouquet de ces lilas pour les offrir à papa! Descends, Gourmandinet, et va m'en chercher quelques branches.

      —Je ne puis descendre, princesse; les autruches pourraient s'en aller pendant que je serais absent.

      —Eh! qu'importe? dit Blondine: je les ramènerai bien seule au palais.

      —Mais le roi me gronderait de vous avoir abandonnée,

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