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ait vécu dans une époque plus brutale et moins civilisée que le Grand Condé, Louis II de BourbonCondé et TurenneTurenne – à condition que l’on suive la logique des Modernes développée notamment dans « Le Siècle de Louis le Grand » de Charles Perrault, CharlesPerrault11. Implicitement, Gacon, FranҫoisGacon suggère donc que l’Antiquité fut supérieure au XVIIe siècle français.

      Sans surprise, Pons, Jean-François de [M. P.]Pons voit les choses autrement. Il qualifie ce passage de l’Homère vengé de « trait […] calomnieusement insolent12 ». Pourtant, il ne précise pas comment il arrive à cette conclusion : Pons, Jean-François de [M. P.]Pons est-il dégouté des révoltes des nobles français ou n’approuve-t-il pas que Gacon, FranҫoisGacon rappelle ce passé peu glorieux du royaume ? Certainement les deux ; il ne s’exprime pas à ce sujet, mais son message est néanmoins clair. Sa condamnation de l’Homère vengé est soutenue par Hardouin Le Fèvre de Fontenay. Dans la transition précédant la « dénonciation13 » rédigée par Pons, Jean-François de [M. P.]Pons, il qualifie déjà le livre de Gacon, FranҫoisGacon de « tissu grossier d’injures14 » – créant des attentes précises chez les lecteurs de son périodique – et, avant de conclure ce numéro de la revue, il inclut encore une « apostille » annonçant que les passages choquants de l’Homère vengé sont censurés15. Ainsi, en ce qui concerne cette dimension politique de l’Iliade, il est évident qu’Hardouin Le Fèvre de Fontenay et principalement Jean-François de Pons, Jean-François de [M. P.]Pons suivent Charles Perrault, CharlesPerrault et Houdar de La Motte. Cependant, leur réaction face aux provocations de François Gacon, FranҫoisGacon reste l’unique occasion à laquelle le Nouveau Mercure galant montre le potentiel révolutionnaire d’une certaine lecture de l’Iliade16. Ce silence presque absolu souligne sans aucun doute l’orientation conservatrice du périodique.

      Celle-ci est également soutenue par d’autres contributions qui transmettent la fiction de l’utilité militaire de la noblesse. Ainsi, certains passages de l’Iliade sont critiqués car ils portent préjudice à cet idéal. Thémiseul de Saint-Hyacinthe, Thémiseul deSaint-Hyacinthe, l’auteur du Chef-d’œuvre d’un inconnu, écrit, par exemple, une lettre à Hardouin Le Fèvre de Fontenay qui est publiée dans le Nouveau Mercure galant de mars 1715. Saint-Hyacinthe, Thémiseul deSaint-Hyacinthe y reproche à Homère de comparer AjaxAjax, « un Heros combattant & donnant l’exemple & de l’émulation à son parti17 », à un « âne affamé18 ». Un coup d’œil dans le Dictionnaire universel d’Antoine Furetière, AntoineFuretière montre pourquoi Saint-Hyacinthe, Thémiseul deSaint-Hyacinthe n’approuve pas cette comparaison. Selon Furetière, AntoineFuretière, un âne est « paresseux, laborieux & stupide19 » – des qualités plutôt douteuses qu’on n’attribue normalement ni à un héros ni à un noble. Au lieu d’abaisser d’une telle manière les ascendants des chevaliers et nobles français, Saint-Hyacinthe, Thémiseul deSaint-Hyacinthe propose au contraire de louer leur courage exemplaire sur le champ de bataille.

      Hardouin Le Fèvre de Fontenay partage ce point de vue. Dans la livraison d’août 1715, il dénonce la conception défectueuse d’HectorHector qui ne ressemble pas à un caractère chevaleresque puisqu’il fuit à plusieurs reprises soit le combat soit le duel avec AchilleAchille. Sans surprise, le responsable de la revue est outré par Jean Boivin, Jean [M. B.]Boivin qui ose défendre le fils de PriamPriam. Le Fèvre de Fontenay :

      Je ne puis cependant pas me resoudre à me taire sur le chapitre des Heros, sans exposer sous les yeux de mon Lecteur les graves raisons de l’Apologiste [Boivin, Jean [M. B.]Boivin], pour disculper Homer du sot rôle qu’il fait joüer à HectorHector dans les 2. Rencontres les plus importantes de son Poëme20.

      Puis, Le Fèvre de Fontenay cite le Discours sur Homère de La Motte21 et ses Réflexions sur la critique22 pour prouver que Boivin, Jean [M. B.]Boivin a tort ; il est impossible d’excuser le comportement du dauphin de Troie. Le responsable de la revue termine cette démonstration empruntée à La Motte – ce qui illustre d’ailleurs bien le manque d’innovation du Nouveau Mercure galant – par un plaidoyer contre la lâcheté dangereuse d’HectorHector :

      Une pareille lâcheté, dites-vous [Boivin, Jean [M. B.]Boivin], suivant les principes d’Homere n’en est pas une, il y est entraîné par un mouvement volontaire, ne faisant que suivre l’impression d’une force majeure qui est la volonté de JupiterJupiter. Si Homere a eû pour but d’instruire, comme ses admirateurs n’en doutent nullement, il auroit dû prevoir qu’avec cette belle raison d’une force majeure qui nous necessite, tous les lâches par la suite pourroient en conscience se couvrir de l’autorité du Poëte, en declarant qu’ils n’avoient pas pû se comporter autrement, car telle estoit la volonté de JupiterJupiter. Cette maxime une fois reҫûë, est évidemment une des plus dangereuses qu’il y ait pour le maintien de la société23.

      Certes, Hardouin Le Fèvre de Fontenay reproduit ici simplement des idées déjà exprimées ailleurs par Charles Perrault, CharlesPerrault et Houdar de La Motte, mais il a le mérite de le dire clairement : les héros de l’Iliade ne sont pas exemplaires et remettent en question la fiction chevaleresque que la monarchie cherche à faire perdurer. Si on se souvient de la mise en scène de Louis XIVLouis XIV que Pierre Mignard, PierreMignard portraiture deux fois – en 1673 et en 1692 – comme chef de guerre victorieux, il devient évident que l’image d’un fils de roi qui fuit devant un combat est inconcevable ; en quelque sorte, HectorHector devient le contre-modèle de tout ce qui caractérise la monarchie absolue française. In extremis, prendre le parti d’HectorHector peut être considéré comme la formulation d’une image alternative de la royauté.

      Afin de conclure, il faut souligner l’image négative que les contributeurs au Nouveau Mercure galant peignent des héros homériques. La question du courage illustre parfaitement ce constat. Dans les contributions relatives à la Querelle d’Homère, les Modernes dénoncent systématiquement les défauts des héros grecs et troyens, mais ils n’évoquent pas d’exemples positifs qui, comme PatroclePatrocle, font preuve d’un courage hors norme24. Ce rôle est attribué à des nobles français comme nous le verrons par la suite. Il s’agit certainement plus d’une coïncidence que d’une véritable stratégie rhétorique d’Hardouin Le Fèvre de Fontenay, mais cette dichotomie renforce néanmoins le message politique développé par les Modernes et s’inscrit dans une logique globale : la France de Louis XIVLouis XIV – et celle de ses prédécesseurs – est supérieure à l’Antiquité.

      Les bons nobles

      Après avoir étudié les textes traitant directement de la querelle, il faut encore élargir le champ de recherche. La fiction chevaleresque se retrouve également dans d’autres textes du Nouveau Mercure galant. Or, si les Modernes dénoncent le manque de ces qualités dans l’Iliade, les contributeurs du périodique n’oublient pas de les illustrer également d’une façon plus positive à d’autres endroits – notamment dans les comptes rendus des « Dons du roi1 », dans les « Articles des morts » et dans les « Articles des mariages » ou encore dans les nouvelles galantes.

      Bien que l’on assiste à un abandon progressif des aventures héroïques2, certains caractères chevaleresques ont pourtant survécu. La livraison de mai 1714 en constitue un bon exemple. L’auteur inconnu de la nouvelle galante y raconte l’histoire de la fille d’un noble de campagne, Pelagie. Afin de mettre en route l’intrigue, le narrateur raconte comment la jeune femme rencontre son futur mari, un certain Chevalier de Versan3, en se promenant au bord de la Loire :

      [E]lle apperceut au milieu de l’eau un petit batteau découvert, dans lequel étoient deux femmes, un Abbé, & le marinier qui les conduisoit à Tours : mais soit que ce bateau ne valust rien ou que quelque malheureuse pierre en eust écarté les planches, en un moment tout ce miserable équipage fut enseveli sous les eaux. De l’autre costé de la rivière deux cavaliers bien montez se jetterent à l’instant à la nage pour secourir ces infortunez4.

      Cependant, cette opération de sauvetage tourne au fiasco

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