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mais, dit Maurevailles, il faut pourtant que nous adoptions un plan pour l'enlèvement...

      A l'infâme proposition de Maurevailles, qui parlait d'enlever la comtesse,—la femme que j'aimais déjà si ardemment!—je pâlis et me sentis chanceler.

      Gaston de Lavenay répliqua:

      —J'ai un plan.

      —Voyons?

      —Je te l'ai dit; nous enlèverons la comtesse dimanche prochain pendant qu'elle ira entendre la messe à la petite chapelle qui est située au milieu des bois.

      —C'est bien loin, dimanche, dit Maurevailles.

      —Et puis qu'en ferons-nous? demanda Marc de Lacy.

      —Nous la conduirons au camp.

      —Après?

      —Après, nous lui dirons: Nous vous aimons tous les quatre. Déroulez le papier que nous vous avons confié, et voyez quel est celui de nous qui doit devenir votre mari.

      —Mais enfin, messieurs, observai-je à mon tour, si elle préfère l'un de nous.

      —Tant pis! une femme enlevée épouse qui l'enlève!...

      —Messieurs, nous dit un officier français, l'heure de rentrer au camp est venue. Si nous partions?...

      —Volontiers, répondis-je; et je vous jure que je dormirai de bon coeur sous ma tente.

      L'officier qui venait de nous parler était un tout jeune homme, cornette au régiment de Bourgogne; il était nouveau dans l'armée, connaissait peu de monde et était enchanté de nous accompagner.

      Sa présence nous empêcha de discuter plus longtemps le plan d'enlèvement.

      Nous quittâmes ensemble le bal. Nous sortîmes de la ville avant le point du jour, et une heure après nous étions au camp.

      J'avais, en route, pris le cornette sous le bras et je lui avais dit tout bas:

      —Rendez-moi un service.

      —Parlez...

      —D'abord, êtes-vous discret?

      —Quand je donne ma parole.

      —Eh bien, donnez-la moi que ce que je vais vous demander restera à jamais un secret entre nous.

      —Foi de gentilhomme.

      —Le marquis de Langevin, notre mestre de camp, lui dis-je, avait son accès de goutte ce matin, et il n'est pas venu à Fraülen.

      —Je le sais.

      —Vous êtes son parent...

      —C'est un cousin de ma mère, à la mode de Bretagne.

      —Ce qui vous donne vos entrées à toute heure dans sa tente?

      —A peu près...

      —Eh bien, allez voir le marquis.

      —Quand?

      —En arrivant. Vous lui direz: Général, le marquis de Vilers a une grâce à vous demander; veuillez le faire appeler par un de vos aides de camp, comme pour affaire de service et à propos de prétendues dépêches venues de France.

      —Ce sera fait, m'avait répondu le cornette.

      Et, en effet, à peine étions-nous rentrés sous la tente habitée en commun par mes trois amis et moi, que nous vîmes arriver un aide de camp du général, le chevalier de Sorigny.

      —Monsieur de Vilers, me dit-il, le colonel-général a reçu de France des nouvelles qui vous concernent.

      Je jouai l'étonnement et je suivis le chevalier.

      Mes trois amis n'eurent aucun soupçon.

      Le colonel-général, marquis de Langevin, qui n'était plus jeune, bien qu'il fût d'une bravoure passant pour chevaleresque, avait le malheur d'être atteint de la goutte.

      Quand il avait son accès, force lui était de garder le lit.

      Mais, son accès passé, il remontait à cheval et devenait l'officier le plus actif de l'armée.

      Or, comme, ce jour-là, il avait son accès, je le trouvai au lit, souffrant beaucoup et n'ayant fermé l'oeil de la nuit.

      —Que diable me voulez-vous donc? fit-il en me voyant entrer.

      —Je viens vous demander un service, général.

      —Parlez, marquis.

      —Un service auquel j'attache une si haute importance, que je donnerais ma vie, s'il le fallait...

      —Peste!

      —Avez-vous bien besoin de moi devant Fraülen, général?

      —Hé! mais, répondit le marquis, je n'ai pas plus besoin de vous que des autres. Je fais le siège de Fraülen, j'ai ordre de ne pas le prendre... provisoirement du moins.

      —Pouvez-vous me donner un congé?

      —Sans inconvénient.

      —Un congé de deux mois?

      —Va pour deux mois. Je n'ai qu'à appeler mon secrétaire.

      —Non pas, général!

      —Plaît-il? fit M. de Langevin.

      Alors j'expliquai au colonel-général que j'avais besoin de quitter le camp et que, pour le camp tout entier, je devais avoir reçu de lui une mission secrète des plus importantes.

      —Mais pourquoi tous ces mystères? fit le marquis.

      —Il faut que je sauve l'honneur d'une femme, répondis-je.

      Le marquis était un parfait galant homme.

      —S'il s'agit d'une femme, me dit-il, je n'insiste pas, gardez votre secret... et partez!...

      —Mais ce n'est pas tout, général, lui dis-je.

      —Que voulez-vous encore?

      —Un mot pour le major Bergheim qui commande Fraülen. Il faut que je m'introduise dans la place et que, pendant trois jours, on m'y laisse vivre à ma guise, sans me traiter en ennemi.

      Le marquis de Langevin se fit apporter une plume et écrivit la lettre suivante:

      «Monsieur le major,

      «Un de mes officiers qui, de plus, est mon ami, a perdu son coeur dans les rues de Fraülen dimanche dernier; il demande quelques jours pour le retrouver, et je vous engage ma parole de militaire qu'il ne s'occupera ni de stratégie ni de politique.

      «Je suis, monsieur le major, le plus obéissant de vos serviteurs,

      «Marquis DE LANGEVIN,

      «Colonel-général, mestre-de-camp.»

      —Avec cette lettre, me dit le marquis, vous ferez à Fraülen tout ce que vous voudrez.

      —Merci, général.

      —Il est inutile de vous demander, ajouta le marquis, si je dois vous garder le secret?

      —Un secret absolu, s'il vous plaît, général!

      —Allez, vous avez ma parole.

      Je pris congé du général et je retournai auprès de mes amis.

      —Messieurs, leur dis-je, les gentilshommes rouges vont être réduits à trois, de quatre qu'ils étaient.

      —Hein? dit Maurevailles.

      —Je pars.

      —Comment! Tu pars?

      —Oui, à l'instant; on selle mon cheval.

      —Et... où vas-tu?

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