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soyez sages, enfants; voilà vos bonnes qui apportent les malles. Je m'en vais; soyez prêts pour dîner dans une heure.»

      Le général sortit après leur avoir caressé les joues, tapoté amicalement la tête, et après avoir recommandé aux bonnes d'envoyer les enfants au salon dans une heure.

      «Jouons, dit Mitineka.»

      Sonushka: «A quoi allons-nous jouer?»

      Mitineka: «Au cheval. Dis-donc toi, grand, va nous chercher une corde.»

      Jacques: «Pour quoi faire? la voulez-vous grande ou petite, grosse ou mince?»

      Mitineka: «Très grande et très grosse. Dépêche-toi, cours vite.»

      Jacques ne courut pas, mais alla tranquillement chercher la corde qu'on lui demandait. Il n'était pas trop content du ton impérieux de Mitineka: mais c'étaient les neveux du général, et il crut devoir obéir sans répliquer.

      Pendant qu'il faisait sa commission, Yégor, l'un d'entre eux, âgé de huit ans, s'approcha de Paul et lui dit: «Mets-toi à quatre pattes, que je monte sur ton dos: tu seras mon cheval.»

      Paul était fort complaisant: il se mit à quatre pattes; Yégor sauta sur son dos et lui dit d'aller très vite, très vite. Paul avança aussi vite qu'il pouvait.

      «Plus vite, plus vite! criait Yégor. Nikolai, Mitineka, Pavlouska, fouettez mon cheval, qu'il aille plus vite!»

      Les trois frères saisirent chacun une petite baguette et se mirent à frapper Paul. Le pauvre petit voulut se relever, mais tous se jetèrent sur lui et l'obligèrent à rester à quatre pattes.

      Paul criait et appelait Jacques à son secours; par malheur Jacques était loin et ne pouvait l'entendre.

      «Au galop! lui criait Yégor toujours à cheval sur son dos. Ah! tu es un mauvais cheval, rétif! Fouettez, frères! fouettez!»

      Les cris de Paul furent enfin entendus par Mme Dérigny; elle accourut, se précipita dans la chambre, culbuta Yégor, repoussa les autres et arracha de leurs mains son pauvre Paul terrifié.

      «Méchants enfants, s'écria-t-elle, mon pauvre Paul ne jouera plus avec vous.

      —Vous êtes une impertinente, dit Sonushka, et je demanderai à mon oncle de vous faire fouetter.»

      Mme Dérigny poussa un éclat de rire, qui irrita encore plus les quatre aînés, et emmena Paul sans répondre. Jacques revenait avec la corde; effrayé de voir pleurer son frère, il crut que Mme Dérigny l'emmenait pour le punir.

      «Maman, maman, pardonnez à ce pauvre Paul; laissez-le jouer avec les neveux du général», s'écria Jacques en joignant les mains. Mais, quand il sut de Mme Dérigny pourquoi elle l'emmenait, et que Paul lui raconta la méchanceté de ces enfants, il voulut, dans son indignation, porter plainte au général; Mme Dérigny l'en empêcha.

      «Il ne faut pas tourmenter le général de nos démêlés, mon petit Jacques, dit-elle. Ne jouez plus avec ces enfants mal élevés, et Paul n'aura pas à en souffrir.

      —Ils n'auront toujours pas la corde, dit Jacques en embrassant Paul et en suivant Mme Dérigny. T'ont-ils fait bien mal, ces méchants, mon pauvre Paul?»

      Paul: «Non, pas trop; mais tout de même ils tapaient fort quand maman est arrivée; et puis j'étais fatigué. Le garçon que les autres appelaient Yégor était lourd, et je ne pouvais pas aller vite à quatre pattes.»

      Jacques consola son frère de son mieux, aidé de Mme Dérigny; elle était occupée à réparer le désordre de leurs chambres, que Dérigny avait dépouillées pour rendre plus commodes celles de Mme Papofski et de ses enfants. Ils coururent à la recherche de Dérigny, qui courait de son côté pour trouver les objets nécessaires au coucher et à la toilette de sa femme et de ses enfants.

      Jacques: «Voilà papa, je le vois qui traverse la cour avec d'énormes paquets. Par ici, maman; par ici, Paul.»

      Et tous trois se dépêchèrent d'aller le rejoindre.

      «Que portez-vous donc, papa? dit Jacques quand il fut près de lui.» Dérigny: «Des oreillers et des couvertures pour nous, mon cher enfant; nous n'en avions plus, j'avais donné les nôtres à la nièce du général et à ses enfants.»

      Paul: «Papa, il faut tout leur reprendre; ils sont trop méchants; ils m'ont battu, ils m'ont fait aller si vite que je ne pouvais plus respirer. Yégor était si lourd, que j'étais éreinté.»

      Dérigny: «Comment? déjà? ils ont joué au maître à peine arrivés? C'est un vilain jeu, auquel il ne faudra pas vous mêler à l'avenir, mes pauvres chers enfants.»

      Jacques: «C'est ce que nous disait maman tout à l'heure. Si j'avais été là, Paul n'aurait pas été battu, car je serais tombé sur eux à coups de poing et je les aurais tous rossés.»

      Dérigny, souriant: «Tu aurais fait là une jolie équipée, mon cher enfant! Battre les neveux du général! c'eût été une mauvaise affaire pour nous; le général eût été fort mécontent, et avec raison. N'oublie pas qu'il ne faut jamais agir avec ses supérieurs comme avec ses égaux, et qu'il faut savoir supporter avec patience ce qui nous vient d'eux.»

      Jacques: «Mais, papa, je ne peux pas laisser maltraiter mon pauvre Paul.»

      Dérigny: «Certainement non, mon brave Jacques; tu l'aurais emmené avant qu'on l'eût maltraité, et, comme tu es fort et résolu, tu les aurais facilement vaincus sans les battre.»

      Jacques: «C'est vrai, papa; une autre fois, je ferai comme vous dites. Dès qu'ils contrarieront Paul, je l'emmènerai.

      —C'est très bien, mon Jacquot, dit Dérigny en lui serrant la main.» Paul: «Papa, je ne veux plus aller avec ces méchants.

      —C'est ce que tu pourrais faire de mieux, mon chéri, dit Mme Dérigny en l'embrassant. Mais nous oublions que votre papa est horriblement chargé, et nous sommes là les mains vides sans lui proposer de l'aider.»

      Dérigny: «Merci, ma bonne Hélène; ce que je porte est trop lourd pour vous tous.»

      Madame Dérigny: «Nous en prendrons une partie, mon ami.» Dérigny: «Mais non, laissez-moi faire.»

      Jacques et Paul, sur un signe et un sourire de Mme Dérigny, se jetèrent sur un des paquets, et parvinrent, après quelques efforts et des rires joyeux, à l'arracher des mains de leur père.

      «Encore», leur dit Mme Dérigny, les encourageant du sourire et s'emparant du paquet, qu'elle emporta en courant dans son appartement. Une nouvelle lutte, gaie et amicale, s'engagea entre le père et les enfants; ceux-ci attaquaient vaillamment les paquets; le père les défendait mollement, voulant donner à ses enfants le plaisir du triomphe; Jacques et Paul réussirent à en soustraire chacun un, et tous trois suivirent Mme Dérigny dans leur appartement. Ils se mirent à l'oeuvre si activement, que le désordre des lits fut promptement réparé; seulement il fallut attendre quelques jours pour avoir les bois de lit, que Dérigny était obligé de fabriquer lui-même, et pour la vaisselle, qu'il fallait acheter à la ville voisine, située à seize kilomètres de Gromiline.

      Leurs arrangements venaient d'être terminés lorsque le général entra. Sa face rouge, ses yeux ardents, son front plissé, ses mains derrière le dos, indiquaient une colère violente, mais comprimée.

      «Dérigny, dit-il d'une voix sourde.»

      Dérigny:«Mon général?»

      Le général: «Votre femme, vos enfants,... sac à papier! Pourquoi cherches-tu à te sauver, Jacques? Reste ici,... pourquoi as-tu peur si tu es innocent.»

      Jacques: «J'ai peur, général, parce que je devine ce que vous voulez dire; vous êtes fâché et je sens que je ne peux pas me justifier.»

      Le general: «Que crois-tu que je te reproche?»

      Jacques:

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