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vos bontés.»

      Madame Papofski: «Comment donc, mon oncle, je les aime déjà, puisque vous les aimez. Bonjour, monsieur Dérigny, ajouta-t-elle avec un sourire forcé et un regard méfiant; nous serons bons amis, n'est-ce pas?»

      Dérigny salua respectueusement sans répondre.

      Madame Papofski, durement: «Venez donc, enfants, vous allez faire attendre votre oncle. Sonushka, marche à côté de ton oncle pour le soutenir.»

      Le général: «Merci, bien obligé, je marche tout seul: je ne suis pas encore tombé en enfance; Dérigny ne me met ni lisières ni bourrelet.»

      Madame Papofski, riant aux éclats: «Ah! mon oncle, comme vous êtes drôle! Vous avez tant d'esprit!»

      Le général: «Vraiment! c'est drôle ce que j'al dit? Je ne croyais pas avoir tant d'esprit.»

      Madame Papofski, l'embrassant: «Ah! mon oncle! vous êtes si modeste! vous ne connaissez pas la moitié, le quart de vos vertus et de vos qualités!»

      Le général, froidement: «Probablement, car je ne m'en connais pas. Mais assez de sottises. Expliquez-moi comment vous avez laissé échapper votre voiture, et pourquoi vous vous êtes entassés dans votre fourgon comme une troupe de comédiens.»

      Les yeux de Mme Papofski s'allumèrent, mais elle se contint et répondit en riant:

      «N'est-ce pas, mon cher oncle, que c'était ridicule? Vous avez dû rire en nous voyant arriver.»

      Le général: «Ha, ha, ha! je crois bien que j'ai ri; j'en ris encore et j'en rirai toujours: surtout de votre colère contre le pauvre courrier qui a reçu ses deux soufflets d'un air si étonné; c'est qu'ils étaient donnés de main de maître: on voit que vous en avez l'habitude.»

      Madame Papofski: «Que voulez-vous, mon oncle, il faut bien: huit enfants, une masse de bonnes, de domestiques! Que peut faire une pauvre femme séparée d'un mari qui l'abandonne, sans protection, sans fortune? Je suis bien heureuse de vous avoir, mon oncle, vous m'aiderez à arranger...

      —Vous n'avez pas répondu à ma question, ma nièce, interrompit le général avec froideur; pourquoi votre voiture est-elle arrivée avant vous?»

      Madame Papofski: «Pardon, mon bon oncle, pardon; je suis si heureuse de vous voir, de vous entendre, que j'oublie tout. Nous étions tous descendus pour nous reposer et marcher un peu, car nous étions dix dans la voiture; j'avais fait descendre Savéli le cocher et Dmitri le postillon. Mon second fils, Yégor, a imaginé de casser une branche dans le bois et de taper les chevaux, qui sont partis ventre à terre; j'ai fait courir Savéli et Dmitri tant qu'ils ont pu se tenir sur leurs jambes: impossible de rattraper ces maudits chevaux. Alors j'ai seulement fouetté Yégor, et puis nous nous sommes tous entassés avec les enfants et les bonnes dans le fourgon des domestiques, et nous avons été longtemps en route, parce que les chevaux avaient de la peine à tirer. J'ai fait pousser à la roue par les domestiques pour aller plus vite, mais ces imbéciles se fatiguaient quand les chevaux avaient galopé dix minutes, et ils tombaient sur la route; il y en a même un qui est resté quelque part sur le chemin. Il reviendra plus tard.»

      Le général, se retournant vers ses domestiques, donna des ordres pour qu'on allât plus vite avec une charrette à la recherche de ce pauvre garçon.

      Madame Papofski: «Ah! mon cher oncle! comme vous êtes bon! Vous êtes admirable!»

      Le général, quittant le bras de sa nièce: «Assez, Maria Pétrovna; je n'aime pas les flatteurs et je déteste les flatteries. Voici votre appartement; entrez, je vous suis.»

      Mme Papofski rougit, entra et se trouva en face de Mme Dérigny et des enfants, qui achevaient les derniers embellissements dans la chambre de la nièce du général. Mme Dérigny salua; Jacques et Paul firent leur; petit salut; Mme Papofski leur jeta un regard hautain, fit une légère inclinaison de tête et passa. Le général, mécontent du froid accueil fait à ses favoris, fit un demi-tour, se dirigea, sans prononcer un seul mot, vers la porte de la chambre, après avoir fait à Mme Dérigny et à ses deux enfants signe de le suivre, et sortit en fermant la porte après lui.

      Il retrouva dans le corridor les huit enfants de Mme Papofski, rangés contre le mur.

      Le général: «Que faites-vous donc là, enfants?»

      Sonushka: «Mon oncle, nous attendons que maman nous permette d'entrer.»

      Le général: «Comment, imbéciles! vous ne pouvez pas entrer sans permission?»

      Mitineka: «Oh non! mon oncle: maman serait en colère.»

      Le général: «Que fait-elle quand elle est en colère?»

      Yégor: «Elle nous bat, elle nous tire les cheveux.»

      Le général: «Attendez, mes amis, je vais vous faire entrer, moi; suivez. moi et ne craignez rien. Jacques et Paul, faites l'avant-garde des enfants: vous aiderez à les établir chez eux.»

      Le général avança jusqu'à la porte qui donnait dans l'appartement des enfants, et les fit tous entrer; puis il alla vers la porte qui communiquait à la chambre de sa nièce, l'entr'ouvrit et lui dit à très haute voix:

      «Ma nièce, j'ai amené les enfants dans leurs chambres; je vais leur envoyer les bonnes, et je ferme cette porte pour que vous ne puissiez entrer chez eux qu'en passant par le corridor.»

      Madame Papofski: «Non, mon oncle; je vous en prie, laissez cette porte ouverte; il faut que j'aille les voir, les corriger quand j'entends du bruit. Jugez donc, mon oncle, une pauvre femme sans appui, sans fortune!... je suis seule pour les élever.»

      Le général: «Ma chère amie, ce sera comme je le dis, sans quoi je ne vous viens en aide d'aucune manière. Et, si pendant votre séjour ici j'apprends que vous avez fouetté, maltraité vos enfants ou vos femmes, je vous en témoignerai mon mécontentement... dans mon testament.»

      Madame Papofski: «Mon bon oncle, faites comme vous voudrez; soyez sûr que je ne...»

      Tr, tr, tr, la clef a tourné dans la serrure, qui se trouve fermée. Mme Papofski, la rage dans le coeur, réfléchit pourtant aux six cent mille roubles de revenu de son oncle, à sa générosité bien connue, à son âge avancé, à sa corpulence, à ses nombreuses blessures. Ces souvenirs la calmèrent, lui rendirent sa bonne humeur, et elle commença sa toilette. On ne lui avait pas interdit de faire enrager ses femmes de chambre: les deux qui étaient présentes ne reçurent que sottises et menaces en récompense de leurs efforts pour bien faire; mais, à leur grande surprise et satisfaction, elles ne reçurent ni soufflets ni égratignures.

       Table des matières

       Table des matières

      Les petits Papofski regardaient avec surprise Jacques et Paul: ni l'un ni l'autre ne leur baisaient les mains, ne leur faisaient de saluts jusqu'à terre; ils se tenaient droits et dégagés, les regardant avec un sourire. Mitineka: «Mon oncle, qui sont donc ces deux garçons qui ne disent rien?»

      Le général: «Ce sont les petits Français, deux excellents enfants; le grand s'appelle Jacques, et l'autre Paul.»

      Sonushka: «Pourquoi ne nous baisent-ils pas les mains?»

      Le général: «Parce que vous êtes de petits sots et qu'ils ne baisent que la main de leurs parents.»

      Jacques: «Et la vôtre, général!

      —Ils parlent français! ils savent le français! s'écrièrent Sonushka, Mitineka et deux ou trois autres.»

      Le

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