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Derniers Contes. Эдгар Аллан По
Читать онлайн.Название Derniers Contes
Год выпуска 0
isbn 4064066089443
Автор произведения Эдгар Аллан По
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
«Sornettes!» dit le roi.
«Je vis aussi chez ce peuple une poule sans plumes, mais plus grosse qu'un chameau; au lieu de chair et d'os elle était faite de fer et de brique: son sang, comme celui du cheval, (avec qui du reste elle avait beaucoup de rapport) était de l'eau bouillante, et comme lui elle ne mangeait que du bois ou des pierres noires. Cette poule produisait souvent une centaine de petits poulets dans un jour, et ceux-ci après leur naissance restaient plusieurs semaines dans l'estomac de leur mère[23].»
«Inepte!» dit le roi.
«Un des plus grands magiciens de cette nation inventa un homme composé de cuivre, de bois et de cuir, et le doua d'un génie tel qu'il aurait battu aux échecs toute la race humaine à l'exception du grand calife Haroun Al-Raschid[24]. Un autre construisit (avec les mêmes matériaux) une créature capable de faire rougir de honte le génie même de celui qui l'avait inventée; elle était douée d'une telle puissance de raisonnement, qu'en une seconde elle exécutait des calculs, qui auraient demandé les efforts combinés de cinquante mille hommes de chair et d'os pendant une année[25]. Un autre plus prodigieux encore s'était fabriqué une créature qui n'était ni homme ni bête, mais qui avait une cervelle de plomb mêlée d'une matière noire comme de la poix, et des doigts dont elle se servait avec une si grande rapidité et une si incroyable dextérité qu'elle aurait pu sans peine écrire douze cents copies du Coran en une heure; et cela avec une si exacte précision, qu'on n'aurait pu trouver entre toutes ces copies une différence de l'épaisseur du plus fin cheveu. Cette créature jouissait d'une force prodigieuse, au point d'élever ou de renverser de son souffle les plus puissants empires; mais ses forces s'exerçaient également pour le mal comme pour le bien.»
«Ridicule!» dit le roi.
«Parmi ces nécromanciens, il y en avait un qui avait dans ses veines le sang des salamandres; il ne se faisait aucun scrupule de s'asseoir et de fumer son chibouc dans un four tout rouge en attendant que son dîner y fût parfaitement cuit[26]. Un autre avait la faculté de changer les métaux vulgaires en or, sans même les surveiller pendant l'opération[27]. Un autre était doué d'une telle délicatesse du toucher, qu'il avait fait un fil de métal si fin qu'il était invisible[28]. Un autre avait une telle rapidité de perception qu'il pouvait compter les mouvements distincts d'un corps élastique vibrant avec la vitesse de neuf cents millions de vibrations en une seconde[29].»
«Absurde!» dit le roi.
«Un autre de ces magiciens, au moyen d'un fluide que personne n'a jamais vu, pouvait faire brandir les bras à ses amis, leur faire donner des coups de pied, les faire lutter, ou danser à sa volonté[30]. Un autre avait donné à sa voix une telle étendue qu'il pouvait se faire entendre d'un bout de la terre à l'autre[31]. Un autre avait un bras si long qu'il pouvait, assis à Damas, rédiger une lettre à Bagdad, ou à quelque distance que ce fût[32]. Un autre ordonnait à l'éclair de descendre du ciel, et l'éclair descendait à son ordre, et une fois descendu, lui servait de jouet. Un autre de deux sons retentissants réunis faisait un silence. Un autre avec deux lumières étincelantes produisait une profonde obscurité[33]. Un autre faisait de la glace dans une fournaise chauffée au rouge[34]. Un autre invitait le soleil à faire son portrait, et le soleil le faisait[35]. Un autre prenait cet astre avec la lune et les planètes, et après les avoir pesés avec un soin scrupuleux, sondait leurs profondeurs, et se rendait compte de la solidité de leur substance. Mais la nation tout entière est douée d'une si surprenante habileté en sorcellerie, que les enfants, les chats et les chiens eux-mêmes les plus ordinaires n'éprouvent aucune difficulté à percevoir des objets qui n'existent pas du tout, ou qui depuis vingt millions d'années avant la naissance de ce peuple ont disparu de la surface du monde[36].»
«Déraisonnable!» dit le roi.
«Les femmes et les filles de ces incomparables sages et sorciers», continua Schéhérazade, sans se laisser aucunement troubler par les fréquentes et inciviles interruptions de son mari, «les filles et les femmes de ces éminents magiciens sont tout ce qu'il y a d'accompli et de raffiné, et seraient ce qu'il y a de plus intéressant et de plus beau, sans une malheureuse fatalité qui pèse sur elles, et dont les pouvoirs miraculeux de leurs maris et de leurs pères n'ont pas été capables jusqu'ici de les préserver. Les fatalités prennent toutes sortes de formes différentes; celle dont je parle prit la forme d'un caprice.»
«Un quoi?» dit le roi.
«Un caprice,» dit Schéhérazade. «Un des mauvais génies, qui ne cherchent que l'occasion de faire du mal, leur mit dans la tête, à ces dames accomplies, que ce qui constitue la beauté personnelle consiste entièrement dans la protubérance de là région qui ne s'étend pas très loin au-dessous du dos. La perfection de la beauté, d'après elles, est en raison directe de l'étendue de cette protubérance. Cette idée leur trotta longtemps par la tête, et comme les coussins sont à bon marché dans ce pays, il ne fut bientôt plus possible de distinguer une femme d'un dromadaire.»
«Assez», dit le roi—«je n'en saurais entendre davantage. Vous m'ayez déjà donné un terrible mal de tête avec vos mensonges. Il me semble aussi que le jour commence à poindre. Depuis combien de temps sommes-nous mariés?—Ma conscience commence aussi à se sentir de nouveau troublée. Et puis cette allusion au dromadaire … me prenez-vous pour un imbécile? En résumé, il faut vous lever et vous laisser étrangler.»
Ces paroles, m'apprend l'Isitsoörnot, affligèrent et étonnèrent à la fois Schéhérazade. Mais comme elle savait que le roi était un homme d'une intégrité scrupuleuse et incapable de forfaire à sa parole, elle se soumit de bonne grâce à sa destinée. Elle trouva cependant (durant l'opération) une grande consolation dans la pensée que son histoire restait en grande partie inachevée, et que, par sa pétulance, sa brute de mari s'était justement puni lui-même en se privant du récit d'un grand nombre d'autres merveilleuses aventures.
MELLONTA TAUTA
(ce qui doit arriver)
A bord du Ballon l'Alouette,
1 avril, 2848.
Il faut aujourd'hui, mon cher ami, que vous subissiez, pour vos péchés, le supplice d'un long bavardage. Je vous déclare nettement que je vais vous punir de toutes vos impertinences, en me faisant aussi ennuyeux, aussi décousu, aussi incohérent, aussi insupportable que possible.
Me voilà donc encaqué dans un sale ballon, avec une centaine ou deux de passagers appartenant à la canaille, tous engagés dans une partie de plaisir (quelle bouffonne idée certaines gens se font du plaisir!) et ayant devant moi la perspective de ne pas toucher la terre ferme avant un mois au moins. Personne à qui parler. Rien à faire. Or quand on n'a rien à faire, c'est le cas de correspondre avec ses amis. Vous comprenez donc le double motif pour lequel je vous écris cette lettre:—mon ennui et vos péchés.
Ajustez vos lunettes et préparez-vous à vous ennuyer. J'ai l'intention de vous écrire ainsi chaque jour pendant cet odieux voyage.
Mon Dieu! quand donc quelque nouvelle Invention germera-t-elle dans le péricrâne humain? Serons-nous donc éternellement condamnés aux mille inconvénients du ballon?
Personne ne trouvera donc un système de locomotion plus expéditif? Ce train de petit trot est, à mon avis, une véritable torture. Sur ma parole, depuis que nous sommes partis, nous n'avons pas fait plus de cent milles à l'heure. Les oiseaux mêmes nous battent, quelques-uns au moins. Je vous assure qu'il n'y a là aucune exagération. Notre mouvement, sans doute, semble plus lent qu'il n'est réellement—et cela, parce que nous n'avons autour de nous aucun point de comparaison qui puisse nous faire juger de notre rapidité, et que nous marchons avec le vent. Assurément, toutes les fois que nous rencontrons un autre ballon, nous avons alors quelque chance de nous rendre compte de notre vitesse, et je dois reconnaître qu'en somme cela ne va pas