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Pour la patrie: Roman du XXe siècle. Jules Paul Tardivel
Читать онлайн.Название Pour la patrie: Roman du XXe siècle
Год выпуска 0
isbn 4064066087487
Автор произведения Jules Paul Tardivel
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
Et sans adresser une seule parole à son père, sans le regarder, il sortit de la chambre en fredonnant un motif d'opéra.
—Il est parti, mon fils est parti! murmura le malheureux père.
—Permettez-moi de le remplacer auprès de vous, dit Lamirande. Venez; ne restons pas ici davantage.
L'étranger se laissa conduire comme un enfant. Une voiture attendait Lamirande, et au bout de quelques minutes protecteur et protégé descendaient à la porte d'une modeste demeure de la Haute-Ville.
—Nous voici rendus, dit Lamirande en donnant le bras au vieillard chancelant. Entrons.
—Que dira votre femme en vous voyant installer dans votre maison un étranger, un moribond?
—Elle dira que vous êtres le bienvenu.
À ce moment, madame Lamirande vint au-devant d'eux. Si le vieillard avait eu des craintes sur la réception qui l'attendait, la vue de cette figure de madone dut le rassurer.
—Ma femme, dit Lamirande, voici un étranger qui est dans le malheur. La divine Providence nous le confie. Nous allons l'accueillir pour l'amour de Jésus-Christ. Pour des motifs que je respecte, il désire n'être pas connu. Nous nous contenterons donc d'avoir soin de lui.
—Monsieur, dit la jeune femme en pressant affectueusement la main du vieillard, pendant que dans ses yeux brillait une lumière céleste, vous êtes mille fois le bienvenu. Nous tâcherons, par nos bons soins, de vous faire oublier vos chagrins qui sont grands, je le vois.
Le pauvre délaissé essaya de remercier ses bienfaiteurs; mais il ne put que balbutier quelques mots inintelligibles. Les forces lui manquèrent tout à coup, et il serait tombé lourdement sur le parquet si Lamirande ne l'eût soutenu.
On le transporta sur un lit. Il était sans mouvement et sans vie apparente. Madame Lamirande le crut véritablement mort.
—Non, fit Lamirande, il n'est pas mort reprendra même bientôt connaissance, mais il s'en va rapidement. Il n'en a que pour quelques heures. Dis à la servante de courir chez le père Grandmont. Qu'il vienne sans tarder.
Puis le jeune médecin s'empressa de donner au malade les soins que réclamait son triste état. Il eut bientôt la satisfaction de le voir revenir peu à peu à la vie. Enfin, le vieillard ouvrit les yeux et jeta un regard inquiet autour de lui.
—Qu'est-ce?... Où suis-je?... Oh! je me souviens de tout maintenant.... Mon protecteur, que vous êtes bon! Merci! mille fois merci! Mais je ne serai pas longtemps un fardeau pour vous. Je sens que je vais mourir....
—Oui, mon ami, dit doucement le médecin, vous allez mourir. Il faut songer à votre âme; il faut songer à Dieu et à ses jugements, mais aussi à sa miséricorde.
—Ah! répond le mourant, il y a longtemps, bien longtemps que je néglige mes devoirs religieux. Mon cœur s'était endurci. J'étais tombé, non pas dans l'incrédulité, précisément, mais dans l'indifférence. Votre charité a fondu les glaces de mon âme. Je veux me confesser. Voulez-vous envoyer chercher un prêtre.
Je sens que je n'ai pas de temps à perdre.
—Un vénérable père jésuite que j'ai envoyé sera ici dans quelques instants... C'est lui qui entre. Confiez-vous à lui sans crainte. C'est la bonté même. Sa passion, c'est de sauver les âmes, c'est de ramener les pécheurs à Dieu.
Comme il prononçait ces mots la porte s'ouvrit et le père Grandmont entra. Ses cheveux blancs comme la neige encadraient un visage de saint, visage sillonné de profondes rides, mais surnaturellement beau, car on y lisait un amour immense de Dieu et du prochain.
—Que la paix de Notre-Seigneur soit avec vous mes enfants, dit-il, en s'avançant vers le lit. Notre ami a plus besoin de moi que de vous, n'est-ce pas, mon cher docteur?... Et bien! laissez-nous.
Lamirande et sa femme se retirèrent. Longtemps les deux vieillards restèrent seuls. Quant le père Grandmont vint trouver Lamirande, il était rayonnant d'une joie céleste: il avait réconcilié une âme avec Dieu!
—Ah! mon cher ami, dit-il, que le bon Dieu est bon! Voilà une phrase que nous répétons souvent sans y attacher beaucoup d'importance. Mais que c'est donc vrai! La miséricorde de Dieu! Qui pourra jamais en mesurer l'étendue? Non seulement elle est infinie, sans bomes; non seulement elle est prête à pardonner tout péché; mais elle est agressive; elle nous poursuit jusqu'à notre dernier soupir; jusqu'à notre dernier soupir nous n'avons qu'à nous jeter dans cet océan d'amour pour atteindre le port éternel. Oh! pourquoi tant de pécheurs ne profitent-ils pas du temps de la miséricorde qu'on appelle la vie? Pourquoi repousser la miséricorde de Dieu pour affronter sa justice qui est non moins infinie... Allez, mon ami, faites préparer la chambre. Je vais lui administrer l'Extrême Onction et lui donner le saint Viatique.
Quelques instants plus tard, Lamirande, sa femme, sa petite fille Marie et l'unique servante de ce modeste ménage étaient pieusement agenouillés autour du lit de douleur, pendant que le père Grandmont administrait au mourant les derniers sacrements de l'Église.
Le vieillard tomba bientôt après dans une syncope prolongée. Puis reprenant tout à coup connaissance et serrant convulsivement la main de Lamirande, il murmura:
—Merci!... Jésus! Marie! Joseph!... Mon fils!...
Ce furent ses dernières paroles.
Chapitre III
Gratia super gratiam, mulier sancta et pudorata.
La femme sainte et pleine de pudeur, est une grâce qui passe toute grâce.
Eccli. XXVI, 19.
Jetons un regard sur le passé.
Quinze années avant les événements que nous venons de relater, Joseph Lamirande, âgé de vingt-cinq ans, venait d'être admis à la pratique de la médecine. Il avait choisi cette profession uniquement pour faire du bien à ses semblables; car une modeste aisance que lui avait laissée son père, le dispensait de gagner son pain de chaque jour. Il savait, toutefois, que l'aisance n'est pas donnée à quelques privilégiés pour qu'ils passent leurs jours dans l'oisiveté et la mollesse. Au contraire, plus l'homme est débarrassé des soucis matériels de l'existence, plus il doit consacrer sa vie au service du prochain. Celui qui ne se procure le nécessaire qu'au prix d'un rude et incessant labeur est quelque peu excusable de songer à lui-même d'abord, aux autres ensuite. Mais le chrétien que Dieu a exempté du soin de pourvoir à sa propre subsistance, n'est-il pas tenu à se dépenser pour les autres? C'était donc pour se rendre utile à ses concitoyens que Lamirande avait embrassé la profession médicale. Il devint bientôt notoire que ceux qui pouvaient payer les services d'un homme de l'art ne devaient pas s'adresser à lui. Les très pauvres étaient ses seuls patients; et il les soignait avec la même attention, la même assiduité que met dans l'exercice de sa profession auprès des riches le médecin qui a la légitime ambition de se créer une clientèle lucrative.
Le jeune docteur Lamirande était lié d'amitié, depuis longtemps, avec la famille Leverdier, dont le chef était mort, laissant une veuve et des orphelins dans des circonstance difficiles. Lamirande avait aidé la mère à faire instruire ses enfants. L'aîné, Paul, plus jeune de quelques années seulement que son protecteur, doué d'un talent brillant, s'était livré de bonne heure au journalisme. Lamirande le suivait avec intérêt, le dirigeait par ses bons conseils, et entrevoyait avec satisfaction le jour où son jeune ami serait à la tête d'un journal et pourrait donner libre carrière à son ardent patriotisme. Les deux hommes s'aimaient comme des frères.
Du vivant du père, la famille Leverdier avait adopté une orpheline, Marguerite Planier, un peu plus âgée que