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le duc de Richelieu, qui, sous cet habit, s'était mêlé à la foule, à ce nouveau flot de peuple qui était parti de Paris; il les avait quittés à moitié chemin pour avertir la famille royale; il avait entendu des propos horribles, des menaces atroces, à faire dresser les cheveux... En disant cela, il était si pâle, que tout le monde pâlit...

      Le cœur du roi commençait à faiblir; il sentait la reine en péril. Quoi qu'il en coûtât à sa conscience de consacrer l'œuvre législative du philosophisme, il signa à dix heures du soir la Déclaration des droits.

      Mounier put donc enfin partir. Il avait hâte de reprendre la présidence avant l'arrivée de cette grande armée de Paris, dont on ne savait pas les projets. Il rentre, mais plus d'Assemblée; elle avait levé la séance; la foule, de plus en plus bruyante, exigeante, avait demandé qu'on diminuât le prix du pain, celui de la viande. Mounier trouva à sa place, dans le siège du président, une grande femme de bonnes manières, qui tenait la sonnette, et qui descendit à regret. Il donna ordre qu'on tâchât de réunir les députés; en attendant, il annonça au peuple que le foi venait d'accepter les articles constitutionnels. Les femmes, se serrant alors autour de lui, le priaient d'en donner copie; d'autres disaient: «Mais, monsieur le président, cela sera-t-il bien avantageux? cela fera-t-il avoir du pain aux pauvres gens de Paris?»—D'autres: «Nous avons bien faim. Nous n'avons pas mangé aujourd'hui.» Mounier dit qu'on allât chercher du pain chez les boulangers. De tous côtés, les vivres vinrent. Ils se mirent à manger dans la salle avec grand bruit.

      Les femmes, tout en mangeant, causaient avec Mounier: «Mais, cher président, pourquoi donc avez-vous défendu ce vilain veto?... Prenez bien garde à la lanterne!» Mounier leur répondit avec fermeté qu'elles n'étaient pas en état de juger, qu'on les trompait, que, pour lui, il aimait mieux exposer sa vie que trahir sa conscience. Cette réponse leur plut fort; dès lors elles lui témoignèrent beaucoup de respect et d'amitié.

      Mirabeau seul eût pu se faire entendre, couvrir le tumulte. Il ne s'en souciait pas. Certainement il était inquiet. Le soir, au dire de plusieurs témoins, il s'était promené parmi le peuple avec un grand sabre, disant à ceux qu'il rencontrait: «Mes enfants, nous sommes pour vous.» Puis, il s'était allé coucher. Dumont le Genévois alla le chercher, le ramena à l'Assemblée. Dès qu'il arriva, il dit de sa voix tonnante: «Je voudrais bien savoir comment on se donne les airs de venir troubler nos séances... Monsieur le président, faites respecter l'Assemblée!» Les femmes crièrent Bravo! Il y eut un peu de calme. Pour passer le temps, on reprit la discussion des lois criminelles.

      J'étais dans une galerie (dit Dumont), où une poissarde agissait avec une autorité supérieure, et dirigeait une centaine de femmes, déjeunes filles surtout, qui, à son signal, criaient, se taisaient. Elle appelait familièrement des députés parleur nom, ou bien demandait: «Qui est-ce qui parle là-bas? Faites taire ce bavard! il ne s'agit pas de ça!... il s'agit d'avoir du pain! Qu'on fasse plutôt parler notre petite mère Mirabeau...» Et toutes les autres criaient: «Notre petite mère Mirabeau!» Mais il ne voulait point parler.

      M. de la Fayette, parti de Paris entre cinq et six heures, n'arriva qu'à minuit passé. Il faut que nous remontions plus haut, et que nous le suivions de midi jusqu'à minuit.

      Vers onze heures, averti de l'invasion de l'Hôtel de Ville, il s'y rendit, trouva la foule écoulée, et se mit à dicter une dépêche pour le roi. La garde nationale, soldée et non soldée, l'emplissait la Grève; de rang en rang, on disait qu'il fallait aller à Versailles. La Fayette eut beau faire et dire, il fut entraîné.

      Le château attendait dans la plus grande anxiété. On pensait que la Fayette faisait semblant d'être forcé, mais qu'il profiterait de la circonstance. On voulut voir encore à onze heures si, la foule étant dispersée, les voitures passeraient par la grille du Dragon. La garde nationale de Versailles veillait, et fermait le passage.

      La reine, au reste, ne voulait point partir seule. Elle jugeait avec raison qu'il n'y avait nulle part de sûreté pour elle si elle se séparait du roi. Deux cents gentilshommes environ, dont plusieurs étaient députés, s'offrirent à elle, pour la défendre, et lui demandèrent un ordre pour prendre des chevaux de ses écuries. Elle les autorisa, pour le cas, disait-elle, où le roi serait en danger.

      La Fayette, avant d'entrer dans Versailles, fit renouveler le serment de fidélité à la loi et au roi. Il l'avertit de son arrivée, et le roi lui répondit qu'il le verrait avec plaisir, qu'il venait d'accepter sa Déclaration des droits.

      La Fayette entra seul au château, au grand étonnement des gardes et de tout le monde. Dans l'Œil-de-Bœuf, un homme de cour dit follement: «Voilà Cromwell. «Et la Fayette très-bien: «Monsieur, Cromwell ne serait pas entré seul.»

      Le roi donna à la garde nationale les postes extérieurs du château; les gardes du corps conservèrent ceux du dedans. Le dehors même ne fut pas entièrement confié à la Fayette. Une de ses patrouilles voulant passer dans le parc, la grille lui fut refusée. Le parc était occupé par des gardes du corps et autres troupes; jusqu'à deux heures du matin, elles attendaient le roi, au cas qu'il se décidât enfin à la fuite. À deux heures seulement, tranquillisé par la Fayette, on leur fit dire qu'ils pouvaient s'en aller à Rambouillet.

      À trois heures, l'Assemblée avait levé la séance. Le peuple s'était dispersé, couché, comme il avait pu, dans les églises et ailleurs. Maillard et beaucoup de femmes, entre autres Louison Chabry, étaient partis pour Paris, peu après l'arrivée de la Fayette, emportant les décrets sur les grains et la Déclaration des droits.

      La Fayette eut beaucoup de peine à loger ses gardes nationaux; mouillés, recrus, ils cherchaient à se sécher, à manger. Lui-même enfin, croyant tout tranquille, alla à l'hôtel de Noailles, dormit, comme on dort après vingt heures d'efforts et d'agitations.

      Beaucoup de gens ne dormaient pas. C'étaient surtout ceux qui, partis le soir de Paris, n'avaient pas eu la fatigue du jour précédent. La première expédition, où les femmes dominaient; très-spontanée, très-naïve, pour parler ainsi, déterminée par les besoins, n'avait pas coûté de sang. Maillard avait eu la gloire d'y conserver quelque ordre dans le désordre même. Le crescendo naturel qu'on observe toujours dans de telles agitations ne permettait guère de croire que la seconde expédition se passât ainsi. Il est vrai qu'elle s'était faite sous les yeux de la garde nationale et comme de concert avec elle. Néanmoins il y avait là des hommes décidés à agir sans elle; plusieurs étaient de furieux fanatiques qui auraient voulu tuer la reine. Vers six heures du matin, en effet, ces gens de Paris, de Versailles (ceux-ci les plus acharnés), forcèrent les appartements royaux, malgré les gardes du corps, qui tuèrent cinq hommes du peuple; sept gardes furent massacrés.

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