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extrémité du parleur sur la soupape d'échappement de celui avec lequel ils voulaient s'entretenir.

      M. de Flammermont, lorsqu'on avait fait l'essai de ces appareils dus au génie inventif de Fricoulet, avait déclaré que l'on ressemblait ainsi à deux éléphants se caressant avec leur trompe.

      Et le vieux savant avait dû convenir, tout en souriant, que la comparaison avait quelque chose de juste.

      —Eh bien! dit Mickhaïl Ossipoff, nous voici définitivement en route pour Vénus!

      —Combien de temps avant d'arriver? demanda Gontran.

      —Quarante heures environ.

      —Quarante heures!... nous ne pourrons jamais—moi du moins—rester aussi longtemps sans manger...

      —Aussi bien, n'est-il nullement question de jeûner jusqu'à notre arrivée; il nous suffira d'introduire dans notre casque une provision du produit nutritif fabriqué par nous à Maoulideck, et l'air artificiel que nous respirons deviendra nutritif à son tour.

      —Parfait... je ne vous cacherai pas que j'avais quelque inquiétude à ce sujet, car, je ne sais si vous êtes comme moi, je trouve que les émotions creusent énormément.

      Et il ajouta, in petto, avec un soupir profond:

      —Un beefsteak aux pommes ou une simple côtelette au cresson... oh! bœufs et moutons de mon enfance, vous reverrai-je jamais?

      Puis, poursuivi par cette idée d'alimentation plus en rapport avec les goûts et les habitudes de son estomac, il demanda:

      —Quarante heures, c'est bien long... n'y aurait-il pas moyen de rendre la chute plus rapide?

      —Si vous trouvez un moyen... je ne demande pas mieux que de l'employer.

      Il sembla à Gontran qu'en prononçant ces mots la voix d'Ossipoff avait un accent railleur; aussi fut-ce avec quelque hésitation qu'il répondit:

      —Si on diminuait la surface du parachute?

      Il comprit qu'il avait raison d'hésiter, en voyant le vieillard hausser les épaules.

      —Nous tombons dans le vide, grommela-t-il... donc, le parachute n'a aucune action.

      Sur ces paroles, prononcés d'un ton bourru, Ossipoff enleva son «parleur» et tourna les talons.

      Le pauvre Gontran demeurait tout interloqué de cette brusque interruption de conversation, lorsque Fricoulet, s'approchant, se mit en communication avec lui.

      —Encore une gaffe! s'exclama-t-il.

      —Parle donc plus bas, riposta le jeune comte.

      —Tu oublies qu'il ne peut entendre ce que nous disons,—que s'est-il donc passé?

      En quelques mots, M. de Flammermont fit part à son ami de l'idée qu'il avait suggérée au vieux savant pour diminuer la longueur du voyage.

      —Bast! répliqua l'ingénieur... tu es bien bon de te préoccuper pour si peu!... après la gymnastique que nous venons de faire, il est bien permis d'avoir la tête à l'envers.

      Il ajouta en riant:

      —D'autant plus que c'est l'exacte vérité, puisque nous avons maintenant la tête là où, tout à l'heure, nous avions les pieds!

      Puis, sérieusement:

      —Comment te sens-tu?

      —Mais, parfaitement bien... et toi?

      —L'absence de toute atmosphère ne te gêne pas?

      —Aucunement.

      —Allons! tant mieux...

      Et l'ingénieur allait interrompre la communication, lorsque son ami, le retenant par le bras, lui demanda:

      —Quelle est cette petite boule brillante que l'on aperçoit là-bas?

      L'ingénieur tourna ses regards dans la direction indiquée.

      —Ne penses-tu pas que ce soit notre sphère vibratoire? poursuivit Gontran.

      —Cela peut être, répondit distraitement Fricoulet.

      Puis, après un moment:

      —Mais non, cela n'est pas... la sphère doit, tout comme nous, tomber sur Vénus.

      —Alors, qu'est-ce que c'est que cette machine-là?

      —Parbleu! répliqua Fricoulet gouailleur, cette machine-là est tout simplement la Lune, cette bonne Séléné à laquelle nous avons faussé compagnie depuis trois jours... maintenant, vois-tu, un peu plus loin, cette grosse étoile qui brille d'un éclat bleuâtre?...

      —Il faudrait être myope pour ne pas la voir... eh bien?

      —C'est la Terre.

      —Ce n'est pas possible!

      Fricoulet lui frappa sur l'épaule.

      —Voilà une exclamation, dit-il, qui compromettrait certainement ton mariage, si M. Ossipoff l'entendait... Mon pauvre Gontran, tu n'as pas la moindre idée du monde où tu es né et je m'aperçois combien se sont trompés ceux qui ont prétendu que les voyages ouvrent l'esprit.

      —Dis donc, riposta M. de Flammermont, tu n'es guère poli.

      —Pour toi, poursuivit imperturbablement l'ingénieur, les sublimités de la création demeurent lettres closes... ce globe qui t'a vu naître est un astre véritable...

      —...mesurant 12,000 kilomètres de large, tournant sur lui-même en vingt-quatre heures, et autour du Soleil avec une vitesse de 29 kilomètres et demi, parcourant un orbite de 74 millions de lieues de diamètre en 365 jours.

      M. de Flammermont avait prononcé cela sans s'arrêter, tout d'une haleine, de la même voix monotone qu'emploie un écolier pour réciter sa leçon.

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      Après avoir un peu soufflé, il ajouta:

      —Tu vois que j'ai bonne mémoire, mon cher; j'avais douze ans, lorsque j'ai appris cela au lycée Henri IV.

      —N'aurais-tu pas plutôt lu cela, ces jours-ci, dans les Continents célestes? demanda Fricoulet.

      M. de Flammermont haussa les épaules et, sans répondre à la question, demanda:

      —Il n'y a aucun danger à s'endormir ainsi harnaché?

      —Vois! lui dit l'ingénieur en désignant Farenheit couché au fond de la nacelle, roulé dans sa couverture et dormant à poings fermés.

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      Mappemonde de Vénus

      Dressé pour les Aventures Extraordinaires d'un Savant Russe Par M. H. de GRAFFIGNY.

      —Tu m'éveilleras quand nous serons en vue de Vénus, fit Gontran, qui s'étendit à côté de l'Américain.

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      L'ingénieur s'approcha de Mickhaïl Ossipoff qui, penché sur le bordage l'œil collé à l'oculaire d'une lunette trouvée dans le véhicule de Sharp sondait l'immensité sidérale.

      Fricoulet se mit en communication avec lui.

      —Eh bien! monsieur Ossipoff, demanda-t-il, voyez-vous quelque chose?

      —Rien encore; mais je guette le moment propice de faire quelques études préliminaires sur le monde que nous allons atteindre.

      —Je croyais que l'épaisseur de l'atmosphère vénusienne rendait très difficile,

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